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[Hiver 95] Sinking in sin.

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Doraleen N. Finch
Doraleen N. Finch
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MessageSujet: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyJeu 2 Mar 2017 - 22:32

/!\ Certains passages ne sont pas adaptés à tout public, c'est pourquoi nous demandons la plus grande précaution à ceux qui le lisent. /!\


Paris, hiver 1995. Des volutes de vapeur s’échappent d’une minuscule fenêtre, au dernier étage d’un minuscule hôtel. Elles se fixent un instant dans l’air glacial, avant de se disperser au cœur de la nuit. A travers la vitre floutée par la chaleur, une seule pièce, faisant office de chambre, de salon et de salle de bain tout à la fois. Un lit au confort relatif, une radio, un tabouret et une douche que l’on ne peut utiliser sans être sûr que tous le mobilier profite de l’eau. Mais cette douche est aussi la raison pour laquelle Doraleen a choisi cet hôtel en particulier. Rentrée fraîchement de mission, elle s’était sentie tellement sale qu’elle avait refusé tout net de fréquenter son partenaire une minute de plus tant qu’elle ne s’était pas lavée. Il n’avait pas été compliqué ensuite de « convaincre » le groom centenaire de lui céder gracieusement une chambre, et accessoirement, de lui accorder l’exclusivité de l’eau chaude pour la soirée. L’hôtel étant vraisemblablement vide, il n’y perdait pas grand-chose.

Cela fait donc bien quinze minutes que la Finch se prélasse sous le jet d’eau brûlante (c’était soit ça, soit l’option gelée, et elle avait grand besoin de détendre ses muscles crispés) en songeant à la ville sous ses pieds. Paris, le mythe français, cité des Lumières et de la débauche. C’est dans l’immense métropole que venait de se dérouler avec succès l’opération « Monseigneur », trois longs jours durant. Un enchaînement de filages, de menaces et d’exécutions sommaires au creux d’une ruelle, terriblement épuisant. Leur cible – qui s’est révélée être au final un groupe de dix personnes dissimulées sous un seul nom – s’était très bien couverte, et toutes les sources d’information qu’ils avaient dénichées leur avaient donné des difficultés. Entre la gamine impossible à faire parler, la clocharde qui maniait terriblement bien l’art du transplanage ou le pâtissier délicat, mort d’un arrêt cardiaque dès le premier Endoloris, ils avaient été gâtés. Au final, leurs efforts et leur endurance avaient porté leurs fruits : la planque s’était ouverte devant eux comme une évidence, et grâce à une excellente préparation du terrain et de leur condition physique, il n’avait pas été bien difficile de conclure.

En songeant au combat, Doraleen se dit qu’elle a eu de la chance d’être associée avec ce consultant. Drôle de métier. Elle-même l’aurait plutôt qualifié de mercenaire. Un homme talentueux, sans qui elle aurait perdu pas mal de morceaux durant les dernières heures. Ils n’avaient pas beaucoup parlé en dehors des préparatifs de mission et des partages d’informations. Et ce qu’ils s’étaient dit ne les avait pas vraiment éclairés l’un sur l’autre. Deux parfaits inconnus qui obéissaient aux ordres. La routine, se dit la nordique. Mais au bout du compte, pas tant que ça. Contrairement à un nombre incalculable d’autres collaborations, elle s’était sentie véritablement proche de son partenaire, dans le sens où leurs manières de penser et de procéder se complétaient bien, rendant le travail très efficace, et le temps un peu moins long. L’homme, d’une trentaine d’année, dégageait un mélange de charisme, d’exubérance et de professionnalisme très marquant, qui ne l’avait pas laissée de glace. Mais pas question de lui céder du terrain, ou de lui laisser s’approprier toute la réussite. Une voix lui soufflait que la gloire n’était rien pour lui, et que son statut indiquait qu’il agissait avant tout pour l’argent. Elle ne pouvait rien affirmer. Il s’était soigneusement assuré de ne laisser échapper aucune parole, de ne montrer aucune marque donnant la moindre information tangible sur lui en tant qu’homme. Elle-même avait employé toutes les précautions qu’exigeait son titre et sa nature. Mais en général, cette dissimulation n’était que dans un sens. Perturbant.

La jeune femme coupa l’eau et sortit de la cabine de douche. Elle se sécha rapidement le corps, essora ses cheveux platine, et toujours nue, ouvrit sa minuscule valise d’un coup de baguette. Pensive, elle en tira quelques échantillons de vêtements, mais les rangea bien vite, insatisfaite. Elle s’assit sur le lit, l’esprit ailleurs, mais brusquement l’inspiration lui vint, et elle fit venir à elle quelques étoffes qui se révélèrent être un ensemble noir, simple et confortable – bien que le haut soit aguicheur elle devait l’admettre – qui mettait en valeur la pâleur de sa peau. Elle le passa lentement, savourant la propreté et le silence, qui ne feraient pas long feu d’après elle. Puis, rangeant le tout et séchant ses cheveux d’un sort, elle s’empara d’une pochette où elle rangea de l’argent moldu et quelques petits sachets de différentes substances peu légales mais fort agréables quand partagées. Puis elle sortit de l’hôtel, son manteau à la main, ses talons claquant sur les pavés.

Spoiler:

Le rendez-vous n’était que vingt minutes plus tard, mais Dora n’avait eu que peu d’occasions de parcourir Paris seule et sans rien qui la force à ignorer la beauté de la ville. Elle était très sensible à l’architecture et aux ambiances nocturnes, et ici, elle était comblée. Haussmann ne s’était pas moqué du monde, et ses longues avenues vides bordées d’arbres nus étaient du meilleur effet. De nombreux cafés laissaient échapper de la musique, de la lumière et des rires. Sa destination n’était pas l’un deux. En vérité, elle ne savait pas où voulait l’emmener son partenaire. Elle n’avait retenu que le mot-clé de sa phrase : alcool. A partir de là, elle n’avait plus rien demandé. Arrivée à destination, un parc charmant en face de la Sorbonne, la Finch s’assit gracieusement sur un banc, croisa ses longues jambes et huma les parfums nocturnes de la ville, à la fois aigres et agréables, en attendant l’autre. Elle sourit furtivement en s’avisant qu’elle ne connaissait même pas son nom – autre que son nom de code – et que peut-être, elle le lui demanderait, pour plus de commodité. Puis elle se mit en quête d’une fausse identité à lui offrir en cas de réciproque.

HRP : j'ai pris quelques libertés sur l'endroit, la mission ... donc j'espère que tout est ok, sinon n'hésite pas à me le dire, je changerai ce qui ne convient pas !


Dernière édition par Doraleen N. Finch le Ven 14 Avr 2017 - 0:20, édité 1 fois
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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyVen 3 Mar 2017 - 19:30

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Dernière édition par Octave Holbrey le Dim 30 Déc 2018 - 21:56, édité 1 fois
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Doraleen N. Finch
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptySam 4 Mar 2017 - 12:22

Le nez planté dans la voûte céleste, Doraleen savourait sa solitude et en prenait de pleines bouffées, comme un plongeur avant une longue apnée. Elle n’avait plus goûté ce délice du tintement de ses pensées avec elle-même, de l’absence totale d’un regard ou d’un jugement extérieur, depuis un long moment. Sa respiration se faisait de plus en plus profonde à mesure que le silence l’emplissait. Sans qu’elle puisse se l’expliquer, elle en vint à songer à sa famille. Que faisaient-ils en ce moment ? Il devait être très tôt là-haut. Son père devait encore dormir, tandis que sa mère organisait déjà d’une main de fer la journée auprès des domestiques. Puis elle préparerait elle-même le café. Ils ne manquaient pas à Doraleen. Personne ne lui manquait jamais, en vérité, car elle possédait cette capacité déstabilisante à laisser le passé à sa place, sans jamais s’y prélasser, sans jamais regretter la moindre parole ou acte. Souvent, elle se l’était reprochée, pensant n’être qu’un substitut d’être humain aux sentiments erronés et transparents. Puis avec le temps, et l’occupation, elle n'y avait plus prêté aucune importance. Que dire de plus ? Aller de l’avant, dresser ses faiblesses, contrôler les apparences, comme d’habitude.

Un tintement de cristal la fit redescendre dans le parc avec douceur. Elle se redressa, dégagea ses épaules en arrière, réajusta son port altier avec l’aisance que confère l’éducation, et déporta son regard vers le nouvel arrivant. Il s’était soigné. Son expression avait changée, laissant transparaître une certaine espièglerie rendue quelque peu charmeuse par l’environnement, le costume parfaitement ajusté, la lune et le champagne. Dora ne se priva pas de lui rendre la longue observation qui accompagna son arrivée. Elle nota son sourire, mais surtout le soin avec lequel il rendait son apparition avantageuse. Un expert, se dit-elle immédiatement. Si son but était de tester sa résistance au charme, il allait être servi. La jeune femme se connaissait bien. Et elle savait que si son partenaire commençait à l’analyser, à la gratter entre les oreilles pour la faire ronronner, elle serait désemparée. Pas de trouble, ni de timidité. Mais elle savait fort bien qu’à ce jeu, il en fallait peu pour la renverser. Si elle avait su si bien faire son travail ces derniers mois, c’est parce qu’elle prenait l’avantage dès le commencement, pour ne plus le lâcher. Et puis, son physique aidant, le commun des mortels se laissait facilement duper par quelques manières, quelques paroles toutes faites, qui les contentaient et les mettait en confiance avant que la faux ne s’abatte. Seulement là, elle était face à un tout autre niveau. Un sourire amusé décora ses lèvres à ces pensées. Excellente soirée en perspective.

Toujours en silence, Jalender – puisque c’était ainsi qu’il s’était présenté – prit place à ses côtés, en la dévisageant d’une façon que la Finch aurait jugée provocante en d’autres circonstances, mais qui dans l’immédiat la flattait plus qu’autre chose. Il avait parfaitement compris comment procéder avec les femmes (et les hommes, d’ailleurs), tout en finesse et en suggestion. Comme la poésie. Ne rien dire, qui ne fût un reflet de l’idée première, sans quoi le poids des mots noierait l’onde du sens. Refusant de fuir ce regard pressant, elle lui rendit brièvement, juste le temps de lui faire passer son amusement. Ostensiblement, elle fit tomber le bleu de son regard vers la bouteille et son goulot, les deux verres miroitants, et suivit chaque geste de l’homme dans l’ouverture puis dans le service du champagne. Toujours souriante, toujours silencieuse, elle lui laissait la première manche. Quoique tout bien réfléchi, elle envisageait de lui laisser tout le jeu. Elle était fatiguée de jouer au plus intelligent, au plus fin. C’était son quotidien. Avait-elle vraiment besoin de cela ? Oui, souffla sa conscience, car c’était une part d’elle. Mais déjà Jalender levait son verre, à leur fructueuse collaboration.

« A nous » compléta-t-elle tout bas, levant son verre mais n’y buvant pas encore. Elle attendait l’inévitable : le premier pas de danse. Vers quoi se dirigerait-il ? Une valse ? Il ne se fit pas attendre. Tisonnée. Si Doraleen avait bu une gorgée de champagne, elle se serait certainement étouffée avec, entre le rire et la surprise. Ce serait donc un tango, un jeu dangereux de séduction sauvage, mais précis et délicat, comme sur un fil d’équilibre. Elle se contenta d’élargir un peu plus son sourire. Là où certaines se seraient senties offensées, elle, saluait l’initiative de la beauferie, si évidente et assumée qu’elle en devenait en un sens… subtile. Elle ne réfléchit qu’une seconde à sa réponse, seconde durant laquelle elle trempa les lèvres dans le champagne pour le goûter.

« Par le seigneur des Ténèbres en personne. » Elle laissa planer l’allusion avec sourire mi-figue, mi-raisin. « Ce fut d’ailleurs assez douloureux. »

Elle ne put s’empêcher de penser à la tête de Bellatrix si elle avait dit ça en face d’elle. La pauvre folle aurait crié au blasphème et demandé sa tête. Décidant que c’était à son tour, la Nordique prit le temps de détailler de haut en bas son compagnon, puisque l’obscurité l’en avait empêchée à son arrivée. Elle ne put s’empêcher de glisser son regard tant sur les courbes de ses épaules, de son dos et de ses cuisses, que dans les détails de son visage et de ses mains. Il était rare de rencontrer quelqu’un si objectivement bien fait de sa personne.

« Joli costume. Et excellent champagne. »

Elle reprit une gorgée pour appuyer ses propos, savourant l’alcool et les bulles dansantes au creux de sa gorge. Ses origines nobles l’avaient habituée aux produits de luxe, mais elle leur avait trouvé un véritable attrait le jour où ils n’ont plus été de simples agréments du quotidien. L’exceptionnel doit rester exceptionnel, sans quoi il se dénature et perd son lustre.

« On ne trouve pas de telle bouteille dans la supérette du coin. J’en déduis que c’est un cadeau ? »

Doraleen s’assit plus confortablement sur le banc, calant son dos et sa nuque au creux du bois, savourant l’instant et la chaleur bienfaitrice qui montait lentement dans sa poitrine.

« Tu as des amis très généreux … Jalender. »
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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptySam 4 Mar 2017 - 20:42

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Dernière édition par Octave Holbrey le Dim 30 Déc 2018 - 21:56, édité 1 fois
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Doraleen N. Finch
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyLun 6 Mar 2017 - 0:25

« Des connaissances que je flatte pour qu’elles se sentent redevables. Dans notre monde à nous, rares sont ceux dotés d’une véritable générosité, n’est-ce pas Louise ? »

Doraleen acquiesça doucement, les yeux dans le vague, un éternel sourire flottant sur ses lèvres pleines. Cela allait de soi. Cependant, elle se demandait bien de quel monde il parlait précisément. Parce qu’à l’évidence, outre ces quelques missions communes, leur univers ne se croisait jamais, ou très rarement. L’un était fait de voyages, de cachets, d’intérêts et d’individualisme. L’autre était strict, fruit d’actions collectives fixées sur un objectif commun – et donc fatalement déshumanisé. Mais d’un autre côté, se dit la jeune femme, il suffisait de changer de perspective pour comprendre son point de vue. Ils partageaient le danger, la violence, la recherche du profit … et une relative liberté. Et puis, c’était une remarque d’ordre général, pourquoi se tordre l’esprit ainsi ?

« Et puis on est là pour savourer la vie et fêter. J’espère franchement qu’on vaut plus qu’un cubi de superette, tous les deux, Louise. »

La répétition de son nom d’emprunt lui rappela à quel point elle le trouvait beau. Louise. Prénom français, aux sonorités chiques, douces, qui collait parfaitement à son physique de baby doll. Par contre, cette appréciation sur son goût supposé de la fête et de l’excès ne toucha pas sa cible, et son sourire jusque-là permanent s’évanouit doucement, pour laisser la place à une expression neutre – et sur un visage comme celui de Doraleen, neutre signifiait « lunaire ». Sa personnalité habituelle (c’est-à-dire pas la femme charmeuse-agréable-et-bon-public qu’elle montrait en ce moment) voulait ressurgir et empêcher cette discussion de rester plaisante. Qui était-il pour définir sa ligne de comportement ? voulait-elle se laisser penser. Après tout, oui, de quel droit. Mais Doraleen fit un effort et stoppa immédiatement ce courant d’indignation qui voulait emporter sa façade. Elle commençait à apprécier ce que la soirée annonçait, et si son Mister Hyde faisait des siennes, non seulement elle serait ridiculisée mais en plus elle le regretterait à l’avenir, car la compagnie de qualité se faisait rare. Donc non, stop,  tu te calmes tout de suite Mary Sue.

« A l’évidence Jalender,  notre flacon de vie quotidien serait plutôt un spiritueux. Quelque vieux cognac, mordant et délicieux. »

Contrairement à Jalender, qui semblait rester fidèle à lui-même quel que soit l’interlocuteur, Doraleen avait la manie – le besoin ? – de s’adapter à celui-ci jusque dans sa manière de s’exprimer. Elle avait rarement rencontré un individu aux propos si solides. La plupart des gens avec qui elle travaillait, Mangemorts, employés au ministère, chasseurs de primes, avaient un comportement doublé d’un caractère relativement basique. Cette fois, elle devait faire un effort pour se hisser à son niveau, alourdie par ses fréquentations (enfin, excepté son tout nouveau partenaire, Tomas, qui brillait en toute situation d’une froide intelligence, très mathématique) En compensation à ces lacunes, ellepuisait dans les ressources de son éducation. Quitte à paraître prétentieuse, au moins ne paraîtrait-elle pas sotte.

« A moins que, pour savourer la vie et fêter, une simple ivresse soit suffisante, comme on a souvent tendance à le croire. »

Et c’était certainement le programme à venir. Quoi de plus simple que de s’enivrer ? Ils avaient bien le temps d’être cognac avant de tourner à la vodka. « Joli chemisier. Très transparent. » Encore une remarque flatteuse, maladroite en d’autres circonstances, amusante sur le moment. Doraleen préféra ne rien répondre – il n’y avait rien à dire –  autre que par sa main aux longs doigts de pianiste qui s’éleva à la rencontre de l’étoffe de sa gorge pour en apprécier la qualité. Elle aimait porter ce genre de vêtements, qui, rare avantage de sa physionomie, ne faisaient pas trop vulgaire sur elle. A peine mignon, comme une petite fille en simple culotte au bord de la mer. Pour chasser cette image désagréable de son esprit, Doraleen resservit du champagne bien qu’aucun de leurs deux verres ne soit vide.

Puis Jalender évoqua, plus pour faire briller la finesse de son ironie que par véritable curiosité, le salaire d’une telle mission. Il énuméra autant de récompenses qui n’étaient ni concrètement vraies, ni totalement fausses. Être Mangemort était un travail à temps plein, qui nécessitait un véritable investissement et de la réflexion. En échange de leurs services, les gens comme Doraleen qui n’avaient pas d’autre source de revenus (oublions les parents voulez-vous) voyaient toutes leurs dépenses de vie soulagées, avec une jolie enveloppe à chaque mission … mais celle-ci était plus symbolique qu’autre chose. Parce que le véritable enjeu en dessous de tout ça était de rester en vie. Quitter les rangs du Seigneur des Ténèbres revenait à déserter en temps de guerre, et la sentence qui suivait était irrévocable. La véritable question était : que gagnait-elle à s’engager ? Pour certains, en effet, c’était une question d’idéologie. Pour d’autres, la promesse d’être du côté des vainqueurs, car la puissance indéniable de leur Maître était porteuse d’un message très clair, et très tentant. Mais ceux-là étaient souvent faibles, et s’ils s’engageaient, c’était très souvent pour se rassurer, se dire avoir une cause, pour s’offrir une identité, une raison d’être. Combien de partisans des forces du Mal s’étaient noyés en se jetant à corps perdu dans un combat qui n’était pas celui de leur cœur, mais de leur dépit ?

« Tu es censée me détester d’ailleurs. Ou me mépriser en tout cas. La fin justifie les moyens, hein ? »

Dans le cas de Doraleen, l’avantage n’était pas financier, mais véritablement humain. Elle restait elle-même (si on pouvait dire ça comme ça) et profitait des avantages d’une vie de Mangemort. Voyager, apprendre, augmenter sa puissance, cultiver ses étonnantes capacités en magie noire, se sentir utile. Elle était quelqu’un d’assez simple en définitive. Pour elle, être une servante de Voldemort revenait à une simple activité. Délicate, certes, car elle risquait tout à chaque instant, se refusait par là le droit à l’erreur, et devait parfois faire des choses qui lui déplaisaient … comme partout.

« Et toi, non seulement tu me parles, mais en plus tu bois du champagne en ma compagnie alors que la mission est terminée depuis bien trois heures. Tu fais une mauvaise employée... »

Doraleen aurait bien aimé développer les raisons de son choix de vie auprès d’un homme intelligent comme Jalender, mais elle sentait bien qu’en définitive, il s’en moquait un peu. Il cherchait seulement à la tester, à évaluer ses réactions et la profondeur de son esprit. Provoquer l’idéologie du mal, il s’en rendrait vite compte, n’avait pas plus d’impact sur elle qu’un rayon de soleil sur un glacier. Elle n’avait pas dit un mot, l’écoutant patiemment, à demi tournée vers lui pour lui manifester son intérêt. Quand il eut achevé sa dernière phrase, elle se permit un petit haussement de sourcils tout en finesse et caressa à son tour du regard les lèvres de son interlocuteur, finalement closes après tant de paroles.

« Eh bien, il faudrait te décider ! Suis-je bénévole ou employée ? Tu n’es pas très clair, Jalender. »

Elle jouait sur les mots, s’introduisant dans les minuscules failles de son partenaire, s’amusant de sa gentille provocation. Il savait qu’elle n’allait pas se fâcher, comme elle savait qu’il n’attendait pas qu’elle s’explique. Un regard extérieur aurait dit qu’ils se connaissaient depuis longtemps, car ils se permettaient des privautés peu courantes chez deux simples « collègues de travail ». Un véritable délice.

« Nous autres Mangemorts sommes des gens simples, tu sais. Nous ne demandons rien de mieux qu’un peu de reconnaissance – et quelques gallions, occasionnellement – en échange de nos bons et loyaux services. »

Son ton se teintait d’une légère moquerie à son tour. Contrairement à Jalender, elle devait surveiller son langage, car peut-être n’étaient-ils pas tous seuls. Les insultes des autres, passe encore. Mais si elle-même se mettait à critiquer les forces du Mal, c’était une tout autre affaire. Il allait devoir s’en rendre compte, car elle déviait un peu du sujet originel pour garder les pattes blanches.

« Enfin, cela ne doit pas être si mal, puisque des gens comme toi en profitent allègrement pour se remplir les poches ! » Cela disant, la main qu’elle avait laissée à sa gorge alla lentement planter un doigt dans le torse du consultant, tant par défi que pour en apprécier la consistance. « C’est bien beau de se moquer monsieur Jalender (elle prononça ces mots avec l’accent français), mais venant d’un cowboy solitaire qui dépend des galères des autres pour subsister, je trouve ces insinuations sur mes choix de vie légèrement déplacées. »

Bien sûr que ce n’était pas si simple, mais quelle importance ? Doraleen espérait seulement qu’il n’allait pas la prendre au sérieux, auquel cas elle serait terriblement déçue. Mais une voix lui soufflait qu’elle n’avait pas à s’en faire, et que tout ce qu’elle risquait, c’était au pire que son trait d’esprit tombe à plat, au mieux que son interlocuteur s’en contente et laisse échapper un sourire plus large et moins énigmatique. Mais pour s’assurer de la bonne course de ses paroles, elle préféra compléter avec un air plus sérieux.

« Quant à mes fréquentations … il faut croire que la force de mes convictions devait être inférieure aux agréments promis par cette soirée. » Œillade. « Mon rang, si contraignant qu’il puisse être, n’efface pas mon désir de vivre. Ni ma liberté de le faire comme je l’entends. »

Elle laissa planer un court silence, avant de retirer son doigt du buste de Jalender et de reprendre un peu ses distances. « Mais cela va de soi, bien entendu. » Elle s’était un peu laissée emporter par un soudain besoin d’affirmer son intégrité. Elle était cependant restée très douce, et non sèche et sans appel comme certaines femmes se montraient souvent, persuadées qu’elles étaient de l’incapacité de l’autre à appréhender leur condition. Dans la continuité de son recul, Doraleen vérifia ses appuis et, sans prévenir, se leva du banc d’un seul mouvement souple qui fit bruisser ses cheveux blonds.

« Que dirais-tu d’aller marcher un peu ? »
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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyJeu 9 Mar 2017 - 10:52

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Dernière édition par Octave Holbrey le Dim 30 Déc 2018 - 21:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptySam 11 Mar 2017 - 20:14

Étrangement, sa précédente remarque l’avait plus refroidie qu’elle ne le pensait. Elle avait laissé une fenêtre s’ouvrir dans sa façade, et toute la chaleur s’en échappait brutalement, happée par le blizzard qui s’acharnait contre les carreaux. Peu à peu, le regard qu’elle portait sur Jalender changea. S’il restait séduisant dans ce qu’elle savait de lui, sa calme assurance se muait à ses yeux en une forme de mépris contenu. Ses regards attentifs devenaient calculateurs. Ses remarques amusantes ne l’étaient plus du tout. Un bon psychologue aurait diagnostiqué ce brusque revirement d’état d’esprit comme conséquence d’une « papercut » de son ego – elle-même aurait pu l’admettre si ce courant d’air n’avait pas refroidi son discernement et ravivé les braises d’une fierté noble, tapie au fond d’elle.

« Enfin, si tu escomptes combler quelques-uns de mes autres sens, je ne peux qu’en être réjoui. Je croyais l’aventure derrière-nous, pensant qu’un peu de paresse ne nous ferait pas de mal. »

Doraleen resta impassible, peut-être mystérieuse, enfin du moins elle ne réagit pas à cette remarque. Ni à la lèvre qu’il venait de mordre insolemment, comme un appel à la débauche. Ni à sa remarque sur le goût et l’ivresse. Elle n’en pensait cependant pas moins. Elle aurait voulu lui renvoyer son audace, lui refuser tout contact, partir même, mais bien sûr tout cela n’état pas concevable. Elle n’était pas une lâche finie. En attendant, elle refusait de lui offrir plus de clés. Même quand il changea de position de sorte à lui offrir toute son attention du point de vue purement esthétique – et marquant son jeu moins subtilement qu’il l’avait habituée – elle ne dit rien. Peut-être osa-t-elle un frémissement au contact de son bras contre le tissu de son haut, mais à peine plus que celui d’un érable sous la brise. Le tronc immuable, mais toutes ses feuilles agitées d’une très fine vibration, pour l’une de colère, pour l’autre de fascination, l’ensemble ne se voyant qu’à peine et ne voulant rien dire, car tous ses sentiments s’emmêlaient et s’entre-effaçaient.

« Mais oui, non seulement je profite, et en plus j’ai le toupet de m’en moquer. Il est bien plus préférable pour ces pauvres diables que je profite de leur faiblesse plutôt que ce soit toi. »

Brave Jalender. Là est certainement un de tes défauts : tu es terriblement intelligent, mais ne sais pas l’effacer pour te laisser accessible au commun des mortels. Tu as du toupet, c’est certain. Le toupet même de rappeler à quel point tu nous surclasses. A ces pensées, Doraleen tiqua. Le consultant lui rappelait un peu cet odieux personnage qu’était Clyde Bradbury, dans sa manière d’analyser et de soumettre chaque élément de son monde à une interprétation du domaine de la sociologie. Chez eux, l’humain semblait effacé. Ou bien il était tellement au cœur de la réflexion analytique qu’il se faisait de l’ombre à lui-même, là où l’humanité n’avait plus sa place, où seules comptaient ses composantes : les gestes, les mots, les regards.

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Pour être honnête, cette couche extérieure d’elle-même, chaque mot prononcé, chaque geste amorcé, immédiatement elle se le reprochait. Peut-être aurait-elle dû expliquer son véritable point de vue sur sa fonction de Mangemort ? Qu’au final, la position était agréable dans ses avantages uniquement, qu’elle se moquait bien des idées de Voldemort, qu’elle le craignait seulement ? Qu’elle avait été, en un sens, contrainte de s’engager ? Elle ne savait que faire. D’un côté, s’emmêler dans les explications ne l’avancerait en rien : il n’avait pas à connaître son passé. Sans compter qu’elle refusait de lui donner plus d’importance qu’il n’en pouvait possiblement avoir. Pas question donc de parler d’elle, tout son être le faisait suffisamment comme cela. Alors se taire ? Ridicule, elle ne voulait pas fuir. Continuer à faire semblant d’être maline ? Cela semblait inévitable

« Pas étonnant qu’avec votre notion de la liberté commune, vous ayez un peu de mal à comprendre celle des autres… »

Les paroles de Jalender avaient cela de frustrant qu’elles trahissaient ses calculs pour toucher toujours juste, et donc les étapes préalables : observation, analyse, interprétation. Si Doraleen le comprenait, c’est qu’elle-même utilisait cette méthode au quotidien avec tout le monde. Mais à un niveau bien moindre. Peut-être qu’un jour, elle arrêterait cette mascarade et se donnerait la mort. Ou bien peut-être qu’un jour le Seigneur des Ténèbres serait vaincu. Alors, elle aurait toute la liberté de reprendre ses choix. En attendant, pouvait-elle faire autre chose qu’assumer et agir efficacement ?

Il avait raison, elle n’était pas libre de ses actes, mais du moins avait-elle le choix de garder ou non sa vie. La Finch voulait se rassurer en se disant ça, bien consciente de ses chaînes. Mais, vraiment, elle n’avait plus envie de se battre contre lui. Elle se sentait fort insignifiante, mais il était plus sage de constater les faits que de les combattre en vain. Elle allait continuer la conversation, normalement, selon ce qu’elle s’était fixé comme intentions, conclure la soirée s’il le voulait bien, et apprendre de ses lacunes pour une prochaine confrontation.

En se levant, Dora nota avec une certaine ironie le redressement du port altier de Jalender, qu’elle-même venait de retoucher sur son propre buste. Menton haut, épaules basses, ventre tendu et omoplates serrées. Sans demander son avis, et l’esprit à demi tourné vers les quelques coups suivants, la jeune femme s’empara de l’avant-bras de son partenaire, juste assez proche pour qu’il la sente serrée contre lui, mais pas assez pour installer une véritable et intime proximité. Elle restait par ailleurs bien droite, ne prenant pas appui sur lui. Une manière de faire progresser gentiment la soirée, tout en manifestant sa confiance en elle (il allait sans dire que cette confiance était au plus bas, mais comme guidée par un quelconque instinct de survie, une indicible fierté, elle voulait continuer à paraître bien portante).

« Très bien, marchons. Tu me montreras donc jusqu’où ta prétendue liberté peut te mener. »

Ça y est, il y était parvenu, il l’avait fatiguée. Enfin, c’est sûr qu’elle ne s’était pas montrée bien combattive. En d’autres circonstances, peut-être qu’elle aurait poussé le vice, qu’elle se serait justifiée, qu’elle aurait tenté de lui faire comprendre les innombrables niveaux de recul qu’elle prenait soin à établir dans chaque conversation, avec la plus simple des créatures comme avec des esprits tels que le sien. Elle voulait lui dire clairement, simplement, qu’elle n’était pas de taille à lutter. D’ailleurs, il devait se régaler en ce moment-même, à souligner ses erreurs comme on explique à un enfant un problème de baignoire qui fuit. Ce n’était pas explicite, mais parfaitement compréhensible. Elle se sentait, en un sens, un peu humiliée. Chacun de ses mots pouvait être retourné contre elle. Pire, chaque geste, chaque respiration recelait un sens qui la dépassait, mais qu’elle savait exister. Et ça l’énervait profondément. Heureusement, la colère étant un de ses vices les plus tenaces, elle avait enfin réussi à le masquer suffisamment pour que cela passe pour une légère inconvenance. Du moins, elle espérait que ça suffirait pour leurrer son interlocuteur. Elle en doutait.

Doraleen ravala donc sa frustration. Elle avait très envie de lui faire une remarque sur son air suffisant, elle voulait exagérer ses défauts apparents, avancer des suppositions sur ses défauts cachés. Elle se retint et se força à la réflexion, finit son verre de champagne d’une traite et, d’un coup de baguette, enchanta la bouteille qui les resservit. En y réfléchissant bien, elle ne reverrait plus jamais cet homme. Pourquoi s’affecter autant ? Elle devait profiter de ce qu’il avait à lui offrir. Quant à son esprit et son verbe insolents de finesse, elle les admirait. Tout simplement. Elle devait considérer Jalender comme une chance d’apprendre de ses erreurs. Intérieurement, elle fulminait de s’entendre penser ainsi, avec raison et discernement. Mais elle devait se convaincre que l’esprit était « son arme et son bouclier les moins encombrants et les plus fiables », comme l’avait fait remarquer Toms quelques jours plus tôt.

« La Boétie parlait de Servitude volontaire : la liberté de s’asservir soi-même. Tu ne sais rien de moi et de comment j’en suis arrivée là. »

Elle prononça ces mots avec un visage doux, sans une once d’agressivité, pour ne pas qu’il sur-interprète et se sente accusé de quoi que ce soit. La Mangemort rassemblait les morceaux de son armure, une façade de détachement, d’assurance et d’amitié, très légers et répartis. En même temps, elle essayait de dénombrer les éléments que Jalender pouvait posséder de son passé. Bien peu de choses en somme. Peut-être avait-il deviné ses origines nobles (en citant la Boétie, elle avait consciemment sacrifié un indice, bien peu de familles modestes possèdent le Discours dans leur bibliothèque), ou son pays natal, mais il ne pouvait pas avoir de nom, ni de trace pour soumettre la moindre hypothèse sur les raisons de son engagement. Elle non plus ne savait rien de lui. Peut-être était-il temps de passer à l’offensive, au lieu de se camper derrière des façades bancales.

« Et je suis sûre que tu ne veux pas le savoir. »

Sa voix se faisait plus faible à mesure qu’elle parlait, en raison de leur proximité. A mi-chemin entre le chuchotis et la mélopée, elle sonnait plus langoureuse qu’elle ne l’aurait souhaité. Doraleen n’avait pas très envie de se lancer sur ce terrain glissant de la supposition, et le passé de Jalender ne l’intéressait pas. Seul comptait le futur imminent. Pour une jeune femme de 23 ans, la Finch ne sortait pas beaucoup, ne s’amusait pas des masses. Elle avait développé de manière prématurée le « syndrome du comptoir », seule dans les bars jusqu’au petit jour, avec son verre, parfois avec un livre, le plus souvent avec des moldus éméchés qui voyaient en elle un objet de fantasme, ou une sœur de peine à consoler. Combien de fois avait-elle écouté d’une oreille distraite le discours interminable d’un homme cocu, qui lui racontait tous les détails insignifiants de sa vie insignifiante, sans qu’elle ne lui réponde jamais? Il la croyait alors émue, et parlait de plus belle. Ce n’était donc pas vraiment ce qu’on pouvait concevoir de plus festif.

« Je ne connais pas très bien Paris, où allons-nous ? »
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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyLun 13 Mar 2017 - 3:59

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Doraleen N. Finch
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyMer 15 Mar 2017 - 23:31

Ils se mirent en marche, et Doraleen comprit immédiatement au regard de Jalender qu’elle avait accroché son attention avec la Boétie, et qu’elle pourrait attendre une indication sur leur destination encore longtemps. Son œil vert s’était éclairé brusquement à la mention du philosophe, et Dora contempla un instant son visage empli d’intérêt, rajeuni, lumineux. Dès les premiers mots du consultant, elle se remit à sourire. Maintenant qu’elle était en paix avec elle-même et avec la brillance de son partenaire, elle était prête à recevoir ses propos, à les boire à la source même.

« Bien sûr que si. »

Eh bien ? Cela était bon à savoir. Silencieuse et attentive, Dora prit le temps de décoder les paroles de Jalender, qui s’était lancé dans un commentaire de l’œuvre. Il en connaissait, des choses, cet homme. Beaucoup de gens, quelles que soient leurs origines, leur éducation, avaient leurs références. Des œuvres qu’ils pouvaient citer à loisir pour appuyer leurs propos, leur donner de la crédibilité, une véritable substance historique. Elle-même avait dû construire ses connaissances d’elle-même, profitant de l’immense bibliothèque familiale. Ses parents ne lisaient pas beaucoup, et encore moins des traités humanistes. Mais puisque toute bonne famille se doit de posséder dans sa demeure un ensemble conséquent de  livres, rangés au creux d'étagères de bois précieux, ils s'étaient arrangés pour racheter la bibliothèque complète d’un vieil aristocrate cultivé et endetté jusqu’au cou. Lieu fantastique qu’une bibliothèque complète et chaleureuse. Doraleen pouvait aisément affirmer qu’elle avait passé les meilleures heures de son adolescence au cœur de la haute pièce, à déchiffrer de vieux manuscrits, à crayonner des notes incompréhensibles dans les marges, puis à relire ces mêmes ouvrages des années plus tard en corrigeant ses remarques, en en rajoutant, en savourant le sentiment d’évolution qui la frappait de plein fouet.

« Il parait qu’il faut avoir pitié de ces gens, qui passent d’un maître à l’autre sans ciller car ainsi va la vie pour eux depuis toujours et que leur attrait pour la liberté n’a jamais existé. »

Jalender, évidemment, ne faisait pas que commenter innocemment l’essai. Il critiquait la Mangemort avec une rare violence, comme seuls les propos indirects le permettent, quand ils sont compris et non bêtement survolés. Et Dora les comprenait. Sans réagir autrement que par un redoublement d’attention, elle encaissait son dû, décidant qu’elle devait le mériter après avoir évoqué si évasivement un si vaste sujet. Elle avait toujours beaucoup aimé ce texte de virulente critique et d’appel à l’indignation, lancé par un tout jeune homme des siècles auparavant, comme un éclair dans la nuit. Comment expliquer que les hommes se complaisent ainsi dans leurs chaînes ? Et s’il n’était que question de chaînes ! l’exploitation, le mensonge, l’hypocrisie et l’injustice dont ils sont victimes, ne devraient-ils pas les pousser à se lever ? C’était bien sûr l’axe principal de lecture, et, elle en était convaincue, le principal message adressé à ses lecteurs. Pas question donc de faire la fière et de s’enfoncer, car le texte était trop beau pour qu’elle le salisse ainsi.

« Avec la liberté, on perd aussitôt la vaillance. Les individus soumis n’ont ni ardeur, ni pugnacité au combat, chose que les tyrans savent bien, aussi font-ils tout leur possible pour mieux les avachir. »

Simple, efficace, en quelques secondes Jalender venait de résumer grossièrement sa situation. Eduquée à la sauce pro-Voldemort, mais jamais forcée à y croire, elle avait baigné dans ces croyances de supériorité du sang. Les livres l’en avaient sauvée, heureusement, mais son esprit n’avait jamais été bien coriace, surtout avant sa quinzième année. Il aurait été enfantin de l’endoctriner, avec un peu plus de volonté. Quant à son entrée dans les rangs du Seigneur des Ténèbres, elle n’avait pas eu beaucoup de choix. Se soumettre consciemment, se voir forcée par Imperium, ou mourir. Souhaitant garder un minimum de dignité, elle s’était engagée. Cela avait peut-être été dû à la période de transition entre son diplôme et son serment, cinq années vides, inintéressantes, fruits d’une trop longue habitude à l’incertitude et à la paresse. Elle avait cédé à tous les vices, et notamment au plus dévastateur de tous : la stagnation. Comme un lotus éclatant, se complaisant dans les miasmes de son marécage. Alors l’arrivée des Rafleurs ce soir-là avait été pour elle la possibilité, inespérée, d’une progression miraculeuse. Elle n’était pas faite pour la lumière. Trop faible, trop jeune, pour comprendre les vertus de la liberté. Cette liberté dont Jalender, et la Boétie, vantaient les merveilles, elle l’avait connue, mais s’y était embourbée. La liberté se mérite, et Doraleen n’avait jamais rien fait pour se la voir accordée. Elle n’y avait trouvé que solitude et facilité. Alors cette possibilité de faire quelque chose de sa vie, obtenue encore une fois sans efforts … comment refuser ?

« Sous les tyrans, les gens deviennent aisément lâches et efféminés. Et avec la liberté, on perd aussitôt la vaillance. Les individus soumis n’ont ni ardeur, ni pugnacité au combat, chose que les tyrans savent bien, aussi font-ils tout leur possible pour mieux les avachir. »

Doraleen se rendit compte du regard qu’elle portait sur Jalender, entre deux vagues égarements dans ses réflexions. Brillant, presque avide. Elle ne regardait en lui que l’orateur, et les infimes mécanismes de son visage qui s’activaient alors qu’il détaillait sa pensée. Bientôt, elle se sentit capable de reproduire mentalement tout ce fascinant faciès, sans réfléchir. Ils cherchaient au fond des pupilles de l’autre des messages silencieux, des indices oubliés, des émotions révélatrices. Depuis le début de la soirée, Dora croyait y lire un mélange d’intérêt, d’ironie passagère et de ce qui devait être une forme de désir. Elle-même devait renvoyer ce genre d’idées, l’ironie remplacée par la surprise. Quant au chemin parcouru, elle calquait ses pas sur les siens, et le laissait mener la marche, suivant toutes ses variations de direction avec la précision d’une danseuse. Mais elle n’avait aucune idée de l’endroit où ils se trouvaient. Quelque part, dans le quartier Sorbonne. Ou pas.

« Mais s’il y a bien une chose qui marque ce discours, c’est que c’est un cri d’indignation. »

Nous y voilà. Le cœur du propos, ce qu’il introduisait depuis le début de sa tirade. Il avait une remarquable mémoire, pour citer de si larges passages de l’œuvre. En effet, la Boétie déplorait l’ignorance des peuples sur les beautés de la liberté. Même plus, il affirmait que chaque être vivant tendait à être libre, qu’un animal enchaîné allait jusqu’à se ronger la patte pour se délivrer. Doraleen se dit qu’elle n’avait jamais exprimé son accord avec les propos de la Boétie, et seulement repris son terme de servitude volontaire. Alors certes, c’était mal résumé, mais si elle s’était autorisée un tel raccourci, c’est parce qu’elle supposait qu’il comprendrait son insinuation. Elle n’était pas libre, et ne souhaitait pas le redevenir, car tout ce qu’elle avait connu de l’émancipation n’était que nasse obscure et boueuse. De plus, le risque d’être suivie persistait. Elle aurait voulu répondre à ses accusations à demi voilées, mais il ne lui en laissa pas l’occasion, et arracha brusquement le masque.

« Je préfère quand les gens parlent d’eux avec leurs mots plutôt que de se référer à des choses universelles, certes, mais sorties de leur contexte. »

Si seulement elle pouvait s’expliquer ! Laisser son esprit ouvrir les vannes, sa langue en enjoliver l’expression, en réguler le flux, et rendre tout cela cohérent et agréable, convainquant et raisonné, comme une fontaine versaillaise. Mais ce talent, elle l’avait perdu dès qu’elle avait mesuré la hauteur du mur qui lui faisait face. « Je ne cherche pas à te juger », ça c’était un mensonge. Il la jugeait sans arrêt. Elle préféra ne pas relever, et prit une petite inspiration pour enfin délivrer les mots qui la brûlaient, avec une grande précaution et beaucoup de douceur.

« Très bien. Excuse-moi si cette évocation du Discours, pour le moins évasive, t’a semblée inappropriée ou insultante. Le contexte manquait. Sans te reprendre, je t’accorde tout ce que tu viens de dire sur la Boétie, et sur moi. Sauf une chose. » Une chose qu’elle jugeait indispensable d’éclairer s’ils voulaient continuer correctement cette conversation, car elle était la raison originelle de son évocation de l’essai. Déjà qu’elle lui cédait un nombre indécent d’avantages …

« Je pense que cette œuvre, outre son appel à l’indignation, met en avant cette part d’ombre commune à tous les hommes : nous souhaitons vivre mieux, pas forcément vivre libre, ce qui est bien différent. Et quand la servitude permet de vivre mieux – ou du moins, de le croire – le peuple s’en accommode très bien. Dans mon cas comme dans d’autres, la soumission en pleine connaissance de cause n’a été qu’un sacrifice raisonnable, une simple concession. Elle m’a permis de m’extirper de ma précédente situation, en tous points inférieure. » Elle murmurait presque maintenant, le visage inexpressif et détendu, ses yeux comme deux lacs gelés plantés dans les forêts d’émeraude de Jalender.

« Je n’ai pas mérité ma liberté, elle ne m’a jamais apporté que de gluantes facilités. Aujourd’hui je n’en veux plus. Et j’ignorerai ses attraits jusqu’à ce qu’elle vaille enfin la peine que je me batte pour elle. »

Doraleen repassa mentalement ses propos, pour s’assurer de leur clarté. C’était fort prétentieux et assez irresponsable de prétendre rejeter la liberté, elle en avait conscience, mais quoi ? Fallait-il qu’elle mente aussi sur cela ? Elle ne voulait rien ajouter à ce sujet ô combien passionnant, mais qui comme tous les sujets de sa trempe était le potentiel déclencheur d’un conflit. Et elle ne voulait pas se battre, même d’esprit à esprit, contre Jalender. Ils n’étaient pas là pour ça.

« Quitte à ne pas vouloir me parler, ne dis rien. Ou si je ne te plais pas, pars. »

Etait-ce l’impression qu’elle renvoyait ? Un refus de communiquer ? De l'antipathie ? Oh, loin de là. Elle se contenait, se censurait, c’était certain. Mais ce n’était qu’une manière pour elle de ne pas laisser échapper trop de maladresses. Elle n’avait pas cette répartie cinglante qui semblait être si naturelle chez son partenaire. A peine quelques jolies phrases, de temps à autre, qui lui venaient sans prévenir, mais qui n’impressionneraient pas le consultant pour deux sous.

« Plus besoin de faire preuve de professionnalisme ou de politesse maintenant, non ? La nuit est trop belle et l’occasion trop agréable pour que tu te coltines à Paris quelqu’un juste parce qu’il t’a donné rendez-vous. »

Doraleen avait bien envie de prendre cette dernière remarque comme une faille dans la défense bardée de fer de Jalender. Une sorte de dérapage, qui prouvait son intérêt. Mais elle préféra rester pragmatique, et l’interpréta comme l’expression de son agacement. Il ne voulait pas perdre son temps. Et elle non plus. Toutefois, maintenant que la conversation était entamée, elle ne voulait plus vraiment qu’elle s’arrête. La Mangemort apprenait et jubilait trop pour couper court à la soirée dans l’immédiat. Elle opta donc pour une légère variation de comportement.

« J’en prends note, et te renvoie la politesse. Ne te force pas à supporter ma compagnie si elle te semble insupportable. S’il le faut vraiment, je trouverai bien quelqu’un d’autre. »

Pour quoi, elle ne le précisa pas. Mais sa voix aux intonations malicieuses et son expression désuète ne laissaient pas de place au doute. Elle souhaitait réellement raccommoder les bords de leur soirée en péril (la faute au consultant et à ses questions tordues), et pour cela, elle acceptait même de jouer la jeune mondaine lambda, avec son interminable second degré, sa charmante frivolité et sa tendance à la débauche. Observant les alentours, Doraleen fut saisie par la superbe diversité des architectures, la joie de la vie Parisienne et l’exclusivité du soir bleu dont ils profitaient. Elle en fut très touchée.

« C’est vrai que la nuit est belle. » Cela dit, elle reporta son regard sur Jalender et lui sourit faiblement.

« Réflexion faite (bien que la tentation de finir la soirée en face-à-face avec moi-même soit forte) je vais me faire violence et rester un peu. Sache que j’apprécie ton invitation et que je tâcherai de me faire plus … agréable. »

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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyVen 17 Mar 2017 - 1:40

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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyJeu 23 Mar 2017 - 20:10

Après avoir achevé sa dernière phrase, Doraleen s’était attelée à une observation plus précise des lieux qui l’entouraient. Elle voulait retenir l’emplacement des ruelles, des bars, des carrefours, afin de pouvoir se repérer et s’orienter dans ce labyrinthe qu’était Paris. A mesure que leur promenade suivait son cours, elle voyait l’organisation des rues comme un écheveau de fil déroulé par un chat au hasard de ses déambulations : chaotique. Et la progressive accélération de Jalender n’arrangeait rien. En attendant sagement qu’on lui donne la réplique, elle emplissait son regard de la vie nocturne et des beautés de la capitale. Des éclats de lumière et de rires s’échappaient des innombrables cafés. Chacun d’eux était rallongé d’une charmante terrasse et de ses terrassiers, qui montraient une farouche détermination festive en bravant la froidure de janvier. Elle contempla les toits, les façades, les balcons en fer forgé, et tout cela lui plaisait beaucoup. Malgré tout elle savait qu’elle ne pourrait pas y vivre. Tous ces ornements étaient artistiquement très plaisants, mais à la longue, useraient son goût du raffiné, jusqu’à lui faire détester chaque fleur de chaque colonne de grès. Elle n’avait jamais vraiment versé dans la poésie et ses bohèmes.

« La vie est souffrance et elle ne deviendra jamais plus attrayante qu’elle ne l’est déjà. Elle ne changera jamais pour toi, ce sera toujours à toi de faire l’effort. Toujours. »

Tirée de sa contemplation par la voix lasse et grave de son partenaire, elle mit un peu de temps à faire le lien avec ses précédents propos, jusqu’à finalement connecter les points et froncer les sourcils. Quel cynisme désespérant ! Elle-même n’était pas une optimiste diplômée, et son quotidien n’était certes pas l’île aux enfants, mais elle parvenait tout de même à tirer une soupe satisfaisante de son parterre d’orties. Enfin, Jalender était plus âgé qu’elle, il ne fallait pas l’oublier, et il avait dû en voir d’autres. Un homme usé peut-être ? Il restait jeune, elle refusait de lui donner plus de trente ans. Cependant, à la manière dont il lâcha cette phrase subliminale, comme un vieux sage fatigué, elle sourit et en prit note avec une certaine ironie. Elle ne connaissait pas cet effort dont il parlait. Bien sûr, un jour, elle devrait se mettre à la besogne. Mais pourquoi se presser ? Tout était si simple. Peu satisfaisant, certes, et souvent frustrant, mais tellement accessible. Comme pour chasser les doutes qui cherchaient à se glisser dans les fissures lézardant sa volonté, elle raffermit sa prise sur le bras de son compagnon et détendit ses épaules. On n’y pense plus.

Comme en écho à sa résolution, Jalender changea de ton, d’attitude et d’allure. Avec cette remarque sur le naturel et l’agréable, elle retrouva l’espièglerie dont il avait fait preuve un court instant au début de la soirée, mais qui au final n’avait jamais vraiment quitté son regard. Mais toujours, cette espèce de moquerie à demi voilée. Elle avait beau y réfléchir, elle ne comprenait pas pourquoi il persistait à aller à contre-courant de ce que le bon sens dictait en matière de sociabilité. C’est-à-dire qu’elle croyait s’y connaître en rapports humains. Pour peu qu’on ne souhaite pas trop se casser la tête, il existe une sorte de ligne de conduite, de parole dans une discussion qui lui garantit la santé. Elle avait étudié cette frontière entre le juste et le gênant, le bienséant et le désagréable. A la recherche de cette frontière et de son emplacement exact, elle avait fait des expériences sur nombre de sujets. Certaines choses ne se disent pas, bien sûr. Mais au-delà des sujets tabous généralement évidents, il y avait autre chose. La plupart du temps, la limite était instinctive, se clarifiait par l’habitude de la vie en société. Face à un interlocuteur sensible, n’importe qui doué d’un minimum de discernement comprend que plusieurs manières de répondre se présentent à lui. De la plus pertinente pour les éloquents, à la plus inappropriée, celle qui sonne faux. Par exemple, parler de l’autre, avancer des suppositions sur ce que contient son passé ou sa personnalité (même par taquinerie) n’est pas approprié, surtout après une rencontre récente. Et puis tout simplement, à la manière de réagir, de se comporter pour entretenir une conversation agréable … tout cela était fort abstrait mais parfaitement compréhensible. Elle concevait très bien que cette ligne de conduite était la voie de la facilité, et menait souvent à l’hypocrisie. Et donc que Jalender se refuse à la suivre, parce qu’il semblait se contrebalancer de ce qu’elle pouvait bien penser de lui. Mais tout de même, elle le trouvait entêté. Enfin, maintenant, il semblait en avoir fini avec tout cela, et Doraleen avait un peu honte de l’admettre, mais elle en était soulagée.

« Je ne suis pas quelqu’un qui se force, et encore moins suis-je quelqu’un de poli, sauf si c’est intrinsèquement dans mon intérêt. Et mes intérêts sont généralement assez prosaïques. Et crois-moi, tu le sauras si tu me deviens insupportable avant même qu’on n’ait eu le temps de ne serait-ce que s’agacer un peu. On peut dire qu’à quelques détails près, je vis comme je travaille. C’est par ici ! »

Damned, lisait-il dans ses pensées ? Au moins, c’était plus clair comme cela. Doraleen appréciait cette franchise, la clarté de son propos et ses arguments tout à fait valables. Certains s’accommodent mieux des commodités que d’autres. Elle-même pouvait maintenir cette distance polie, ces convenances, plusieurs mois après avoir rencontré un individu, même en le fréquentant régulièrement. En fait, jusqu’à ce qu’il ne la surprenne plus, ne lui donne plus de raisons d’être prudente. Cela pouvait durer quelques jours, comme beaucoup plus longtemps. C’est là qu’elle reconnaissait les personnes de valeur. Elle n’en avait jamais rencontré. En observant Jalender, un petit sourire figé au coin des lèvres, elle se corrigea, consciente de l’immense potentiel du consultant. Comme un ultime coup porté à son ego, ce constat acheva d’évaporer sa résistance. Elle crut même la voir scintiller un instant au creux des lampadaires avant de se disperser en silence dans la nuit. Elle préféra ne pas trop s’attarder sur son allusion à l’insupportable, décidant qu’elle ne l’était pas. Elle pouvait être agaçante par ses hauteurs passagères, ses regards éloquents, son silence, mais jamais exécrable tant qu’elle ne le désirait pas.

« Mais j’ai également un caractère particulièrement conciliant et dégagé, ce qui fait de moi quelqu’un de très difficile à véritablement fatiguer. Les gens croient m’agacer alors qu’ils ne font qu’attiser ma curiosité. Et je suis très curieux. »

Doraleen n’était pas certaine de comprendre ce qui motivait le consultant à s’ouvrir de la sorte, si toutefois il était sincère. Mais franchement, qu’avaient-ils à gagner à se mentir ? Tous les deux n’en étaient plus là. Elle mit donc cette anecdote sur le compte de la simple envie de partage et de sympathie. C’était étrange, mais concevable. En s’écoutant penser, Dora se dit que la compagnie des Mangemorts l’avait rendue beaucoup trop méfiante. Elle se préparait toujours au mensonge et à la dissimulation. Elle ne croyait plus personne. C’était une bonne chose que de rester sur ses gardes, de prévoir un coup d’avance, mais elle avait tendance à oublier qu’elle n’était pas en présence d’un Mangemort. Jalender n’avait pas du tout la même philosophie. Voilà ce que c’était que de vivre en permanence avec des sorciers sombres et inintéressants. Elle ne pouvait se permettre d’avoir des amis. Trop risqué, pas le temps de les entretenir. Et ne parlons même pas d’un amant. Pour ce soir, Doraleen acceptait de s’offrir un peu de bon temps, de prendre une goulée d’air. Elle accueillit donc le charmant sourire de son partenaire par un léger haussement de ses sourcils délicats. Tout son visage avait pris une expression beaucoup plus avenante, plus douce, très naturelle qui faisait ressortir la pureté de ses traits.

« C’est ma curiosité qui s’attise quand … »

Sa voix s’éteignit avant la fin de la phrase. La banalité humaine de son propos venait de se fracasser contre le somptueux parvis de la cathédrale Notre-Dame, joyau étincelant de l’architecture, manifestement sublimé par un talentueux maître éclairagiste. Les innombrables statues alignées contre la façade, les tympans et les bas-reliefs formaient un ensemble visuel sans commune mesure. La masse de touristes ayant depuis longtemps déserté les quais et la place, celle-ci se trouvait dénudée, immense, accentuant la hauteur et la masse gigantesque de la cathédrale. Doraleen n’était jamais venue ici de nuit, s’était à peine attardée de jour, et trouvait en cet endroit la concrétisation de ses lectures. Le roman de Victor Hugo, bien sûr, en tout premier lieu. Elle regrettait de ne pas savoir la langue française précisément pour les œuvres de cet apanage. Le regard figé sur cette silhouette sortant de terre, lointaine mais parfaitement distincte, elle avait oublié la présence de Jalender à son flan. Nettement moins impressionnable, il reprit comme si de rien n’était.

« Depuis quand les familles de sang-pur ont dans leur bibliothèque un humaniste moldu ? Ou c’était de la lecture interdite et par esprit de contradiction, tu fais tout ce que ton rang te somme de ne pas faire ? Et puis franchement. Franchement, où est-ce que tu aurais pu te trouver quelqu'un d'autre pour discuter d'humanistes français comme La Boétie avec toi, hein ? Je les connais, ces français, ces autres, et je sais tourner les pages bien mieux qu'eux. Tu ne trouveras pas de lecteur plus... rigoureux et assidu que moi. »

Sortant de son extase et reprenant le jeu, elle fut prise d’un petit rire blasé à la pensée de l’adolescente qu’elle était, prise de pulsions de révolte. Non, loin de là, elle n’avait jamais été très farouche, et encore moins vis-à-vis de ses obligations de rang. La noblesse était assez guindée dans les pays scandinaves, c’était certain, mais ils n’étaient plus au XIXe siècle, et elle n’avait jamais ressenti le besoin de se comporter à contre-courant d’une étiquette déjà bien assouplie.

« Qui te dit que je ne l’ai pas trouvé au hasard d’une déambulation dans les bibliothèques moldues de Londres ? » Car avait-elle mentionné sa bibliothèque familiale ? Elle ne le croyait pas. Mais puisqu’il l’évoquait avec une telle assurance, il devait l’avoir déduit d’on-ne-sait quels éléments de la conversation. Pas besoin de se tordre plus l’esprit, et puis elle n’avait pas cru un instant qu’il laisserait transparaître des doutes. Elle se remit en marche, entraînant cette fois Jalender, déterminée à se rapprocher de la cathédrale qui remplissait à merveille sa fonction de phare.

« Plus sérieusement, il est d’usage de posséder une grande bibliothèque dans les bonnes familles qui, par définition, en ont les moyens. Car la bibliothèque n’est-elle pas le cœur d’une maison ? Enfin, mon père n’ayant jamais été un grand intellectuel et souhaitant seulement emplir les étagères, il a racheté la collection complète d’un vieux sorcier très instruit et les a fait entreposer par d’autres sans en ouvrir un seul. Je doute qu’à part ceux du département d’économie, il ait connaissance du moindre ouvrage de cette bibliothèque. Alors en plus savoir si les auteurs sont sorciers, moldus, humanistes ou communistes, cela dépasse totalement son domaine de compétence. Pour te dire, il y a un rayon consacré uniquement à Adolf Hitler, avec au moins six traductions de Mein Kampf. » Elle sourit à la Seine au souvenir de cette découverte incongrue, au beau milieu de la nuit, alors qu’elle se renseignait sur les champignons. Elle n’avait jamais su par quelles circonstances le nazisme s’était retrouvé côte à côte avec les truffes, mais cela l’avait toujours fait rire.

« Quant à la Boétie … je l’avoue, tu étais totalement inespéré. J’ai bien peur de ne pas dénicher avant longtemps un autre puit de connaissances, pour parler d’un sujet aussi profond et passionnant que celui-ci. Il n’est plus nécessaire de rappeler les vertus de la lecture, cette extase qu’elle procure ! » Métaphore filée, hm ? « Tu sembles posséder une solide expérience dans le domaine. Je n’ai jamais discuté littérature avec un français, donc j’imagine que je peux te faire confiance là-dessus. Et si c’est une invitation, je l’accepte volontiers. »

Doraleen finit son verre de champagne et laissa traîner son regard pétillant le long des quais, puis le long des doigts de Jalender. Elle avait faim.
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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptySam 25 Mar 2017 - 0:15

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Doraleen N. Finch
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyJeu 30 Mar 2017 - 21:40

Dans l’absolu, il aurait été difficile de trouver de promenade plus agréable dans Paris à cette heure crépusculaire, propice aux fantaisies d’un regard paisible. Les quais qui paraissaient sales et bondés en journée camouflaient leur noirceur repoussante dans celle de la nuit. L’eau de la Seine, peu engageante et parfois nauséabonde sous le soleil, n’était que merveille ondulante offrant aux attentifs le reflet laiteux et incongru de la lune. Celle-ci, encore basse, n’était qu’à quelques jours de sa pleine envergure, et jetait sur la ville un voile translucide et virginal. Débarrassée de ses lourdes pièces d’armure, Louise souriait sans véritable raison, se sentant loin de tout ce qu’elle avait pu connaître ces derniers temps. Elle sentit encore le regard scrutateur de Jalender, et se dit qu’il y était pour beaucoup dans sa rencontre avec cet état de grâce. Elle hésitait encore beaucoup à son sujet. Ses intentions, sa véritable nature, les brèches qu’il devait abriter au plus profond de sa façade de marbre, tout cela restait très flou. Mais pour quelque obscure raison, la jeune femme avait décidé de couper les barbelés. Elle restait méfiante, et entretenait toujours cette dose de « ça peut tourner mal n’importe quand » qui garantissait un atterrissage en douceur en cas de chute. En attendant, il n’était qu’un partenaire inconnu, et les gens de sa profession prenaient rarement plusieurs cachets à la même enseigne. Il n’y avait que peu de chances pour qu’ils se retrouvent à l’avenir. Sauf bien sûr s’ils le souhaitaient et se contactaient de leur propre initiative. Ce qui ne serait définitivement pas raisonnable de sa part.

Un air frais se glissait entre les pans de tissus qui couvraient la Mangemort. Cependant elle n’avait pas froid. Elle n’avait jamais eu froid, d’aussi longtemps qu’elle pouvait se souvenir. Ou bien seulement froid de l’intérieur, ce qui n’était pas du tout le même frisson, ni le même tremblement. Alors que son regard s’était détaché du fleuve pour trouver la main, puis quittait la main pour revenir à la cathédrale en approche, il fallut traverser une route. Leur manière de marcher convenant très bien aux calmes voies piétonnes, un peu moins aux longues transversales, le bras de Jalender défit son étreinte avec douceur. Sa main, espiègle tête de serpent ou tendre tentacule, glissa le long du bras blanc et trouva comme une évidence sa menue jumelle. Louise accepta avec un petit sourire en coin le contact plus intime, moins formel, de leurs dix doigts s’emmêlant pour ne former d’une sorte de soudure, d’où l’on ne pouvait distinguer à première vue la main féminine de la main masculine. Elle serra doucement cette main forte et rude bien que relativement fine pour une main d’homme. Les lumières se mirent à danser alors qu’ils traversaient le macadam en vitesse, la jeune femme se laissant entraîner sans opposer de résistance.

Elle ne s’attendait pas à ce qu’il la lâche. S’il l’avait fait, elle aurait certainement hésité une seconde, avant de la reprendre par elle-même. Déjà le formidable bâtiment, impossible à faire entrer dans une seule époque, laissait progressivement entrevoir sa hauteur écrasante, et elle s’interdit la moindre parole. Jalender reprit donc naturellement le sujet qu’ils avaient laissé de l’autre côté de la route. Qu’était-il en train de critiquer dans la lecture des français, au juste ? Louise hésitait entre une interprétation politique et une autre, plus lubrique. Et comme elle ne désirait rien avancer de faux, et puisqu’il semblait vouloir continuer à parler, elle sourit par convenance. Elle ne savait pas si les français continuaient à honorer leur illustre passé, mais un seul regard sur l’état actuel de la culture dans le monde répondait d’avance à sa question. Le temps n’était plus aux français, aujourd’hui l’encens était répandu de l’autre côté des océans, en Amérique et en Asie. Il enchaîna sur un commentaire à la teinte étonnement amère. En fait, les allusions étaient résolument dans la continuité des précédentes, pourtant la manière dont il choisit ses mots, cette dernière phrase laissée en suspens donnait à sa phrase l’aspect d’un coffre de bois comme on en trouve parfois dans les bas-marchés de Camden : ancien, plein d’histoire, et doté d’un double-fond solidement scellé. Et devant ce coffre, pour une raison qui leur échappe mais qui doit être liée à la teneur obscure des secrets conservés, certains tenteront de le forcer sans succès, d’autres se contenteront d’imaginer. Louise était de ceux-là, aussi laissa-t-elle planer le doute, d’innombrables hypothèses glissant le long des alizées de son esprit avec délice, de la plus fantastique à la plus scabreuse.

« Et puis, une invitation à quoi, ma chère Louise ? A la lecture ? Non, non, on n’invite pas à la lecture. Je préfère l’appel en tapinois, l’ailé langage de la suggestion silencieuse mais charnelle. On en parle après, éventuellement, une fois la soif rassasiée et la frénésie refroidie. »

Tout en faisant couler de sa bouche ces mots charmants, ces élégantes tournures de phrase, Jalender les rapprochait lentement mais sûrement de l’immense parvis de Notre-Dame. Bercée par sa voix de ténor, découvrant progressivement les détails de l’édifice aux divines illuminations, un goût de champagne sur le palais et des odeurs de tabac magique montant des quais lui emplissant les narines, Louise sentait la vie s’emparer de tout son corps. Puis secrètement, une dernière couleur vint parer ce paysage sensuel, rendant l’instant si intense qu’elle crut éclore d’un long sommeil. Aussi légère qu’un courant d’eau, la main du consultant s’ouvrit pour ne plus qu’effleurer la surface de sa compagne en de légers balancements qui ne faisaient qu'infimement suggérer le contact. La jeune femme ferma son regard pour mieux savourer l’électricité qui reliait leurs deux peaux quand elles ne se touchaient pas. Elle sentait le frisson de l’autre, et en frissonna elle-même, hypnotisée par les afflux de désir qu’elle sentait grimper comme des vagues en marée ascendante. Plus le contact était ténu, plus la sensibilité était forte. Elle ne tarda pas à répondre à l’appel de tant de douceur. D’abord passivement, en tournant seulement la paume, en guidant le frôlement sur telle ou telle extrémité. Apprenant rapidement sur quelles parties de la main l’intensité était la plus insupportable, elle sut bientôt où elle-même devait faire glisser le bout de son ongle pour provoquer l’incendie chez Jalender.

« J’aime à laisser mon ardeur se consumer aussi longtemps qu’elle le peut. »

Sur le flan des métacarpes, au niveau des articulations des doigts – juste un millimètre avant – et au creux de la paume, Louise joua de sa finesse pour chercher les points sensibles. La cadence de leurs pas se fit plus lente, comme pour prolonger au maximum l’intervalle irréel entre le pont et le parvis. Leur attention, focalisée toute entière sur ce point ardent au bout de leurs corps, s’était décuplée. Comme un delta à dix branches, bouillonnant du désir de se jeter dans la mer. Quand un de ces ruisseaux osa franchir brièvement la barrière du vêtement, juste en dessous du tissu léger, elle dut se mordre la lèvre tant le flot fut violent. Non pas qu’elle jugeât les limites dépassées, si limites il y avait, mais simplement parce que le carré de peau frôlé par Jalender était encore marqué des cicatrices de son adolescence. Cicatrices douloureuses pour son ego, mais qu’elle avait acceptées comme faisant partie entière de sa personne. Preuves bien réelles de sa faiblesse passée, de son incapacité à sublimer sa douleur en détermination. Elle ne les exhibait pas, mais ne les cachait pas non plus et n’en avait pas honte. Pourtant ce doigt si tendre semblait s’être introduit dans cette intime part de son passé comme s’il savait ce qu’il allait y trouver, et cela avait provoqué en elle un délicieux mélange de crainte et d’extase.

Leurs doigt dansèrent ainsi, arabesques virevoltantes, jusqu’à ce qu’il ne fut plus possible d’ignorer qu’ils étaient arrivés face à la grandiose façade de la cathédrale. Ils s’arrêtèrent d’un même élan, happés par ce témoignage grandiloquent d’époques passées. Proche, toutes les subtilités de son architecture se dévoilaient avec une précision délectable. Immédiatement, les mots de Victor Hugo, lointains, ressurgirent dans sa mémoire pour s’associer tout naturellement à ce qu’elle avait sous les yeux. Tout y était. Les portails d’ogive, les niches royales de pierre ornée, la rosace démesurée, les tympans modestes, et les tours immenses séparées en cinq niveaux de ciselures et de détails invisibles du sol, simples fantaisies des tailleurs de pierre et des architectes à travers les décennies. Elle comprenait enfin ce qu’il voulait dire par trois niveaux de dégradation : temps, guerres et modes qui ont l’un après l’autre, sans relâche, dénaturé l’édifice originel mais qui en même temps lui ont offert cette splendide diversité. Depuis Hugo, la belle avait certainement encore beaucoup subi. Le chapitre se fermait donc comme une promesse sur cette constatation : « le tronc de l’arbre est immuable, la végétation est capricieuse ».

Leurs mains ne pouvaient plus se servir du mouvement de la marche comme excuse, c’est pourquoi Louise arrêta un instant de parcourir les lignes, d’exciter les plis de l’autre paume, pour se laisser glisser et retrouver un semi emboîtement entre les doigts de Jalender. Elle ne le regardait pas, préférant simplement le sentir, dans tout son charisme écrasant. Elle garda le silence un instant, toujours émue par les afflux de sensations en tous genres, par la nuit et par Notre-Dame. En vérité, elle craignait que le moindre mot ne brise cette coque de beauté qui l’enlaçait avec tendresse. Une réflexion culturelle ou intellectuelle serait aussi délicate d’un pavé dans l’étang, le lyrisme sincère n’était pas du tout ce qu’elle savait formuler le mieux et une simple constatation des faits n’aurait aucun intérêt. Elle se tourna vers Jalender, entrouvrit la bouche, puis se ravisa et revint à la façade. "On en parle après, éventuellement, une fois la soif rassasiée et la frénésie refroidie", autant rebondir.

« D'accord pour l'invitation. Cependant deux lecteurs, sortant tous deux du même livre, lu avec la même ardeur, savent ce qu’il leur a procuré, et le souvenir de ses lignes continue de palpiter en eux, rendant inutile la moindre évocation. Un regard, et l’autre sait quel passage lui traverse l’esprit. En parler après brise l'alchimie, tandis que l'évoquer avant ne fait qu'attiser le désir de s'y plonger. »

Elle rétablit le contact visuel avec son partenaire, l’air très sérieux, presque grave. Il avait des yeux d’un vert très intense et rare, les filaments de son iris ondulant au rythme des mises au point répétitives de la pupille. De charmantes esquisses de pattes d’oie suggéraient son naturel souriant autant que son âge mûr, et une fine barbe – peu entretenue durant les derniers jours – adoucissait les contours anguleux de sa mâchoire. Au terme d’une glissade le long de sa joue, on tombait sur les lèvres, fermes et colorées, renfermant à la manière d’un coquillage des perles blanches parfaitement alignées. L’ensemble était harmonieux et pour le moins efficace, bien qu’assez conventionnel. La beauté physique ne résidant cependant pas que dans l’harmonie d’un faciès, mais comme chacun le sait, dans le charme du corps entier, Louise estima que l’homme lui rendant son regard avec intensité possédait bien et sans effort cette beauté objet de tant de mythes. Avec une franche désinvolture, elle se détourna sans trahir une seule des précieuses gouttes de son inclinaison. Tout son corps parlait déjà assez pour elle, elle n’avait rien à ajouter.

Elle esquissa quelques pas vers la lumière de Notre-Dame, sa main toujours glissée à demi dans celle de Jalender. Quand elle eut trop avancé pour qu’ils puissent sans effort rester ainsi soudés, elle laissa son bras retomber lentement. En chemin, elle posa son manteau sur un banc, glissa sa baguette dans l’élastique modifié de son pantalon, et alla se poster les mains dans les poches tout en face du portail central. Rendre ses mains inaccessibles n’était certes pas un choix innocent, et il suggérait bien plus qu’un simple besoin d’alléger ses épaules, de se donner un air, ou de se protéger du froid. Les paupières closes pour mieux sentir l’air de la nuit, mieux entendre le murmure charmeur de la Seine, et reprendre le contrôle sur son esprit brûlant, Louise jouait, et bien qu’elle ne menât pas la partie, elle s’amusait beaucoup.
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyDim 2 Avr 2017 - 21:20

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Dernière édition par Octave Holbrey le Dim 30 Déc 2018 - 21:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyJeu 13 Avr 2017 - 18:41

Le bras blanc de Louise était encore parcouru des remembrances de sa précédente étreinte. Détachée de son partenaire, tournée vers l’immense façade de lumière, des pensées de toutes sortes se glissaient le long de sa mémoire, partout où la flamme l’avait mordue, partout où elle s’était sentie interpellée par les doigts délicats de Jalender. Avait-elle senti chez lui la même folie qui l’avait prise, elle ? Elle n’en doutait plus maintenant. Le souvenir de cette crispation délicieuse, de ces regards lascifs, de cette respiration saccadée, tout cela était bien trop vivace, trop évident pour qu’elle se permette de l’ignorer. En vérité, la sincérité sauvage de ce désir ne l’avait plus frappée depuis bien longtemps. Elle était certes bien jeune, mais pour les besoins de son étude puis pour ceux de son activité – et non de sa libido complexe – elle avait connu un nombre impressionnant de partenaires, de tout genre, de toute ethnie, de toute classe sociale. Comme durant cette période intéressante de parfaite immoralité, où son obsession allait aux êtres les plus vertueux pour les détourner de leur compagnon. Sous son influence, les infidélités avaient vu le jour par dizaines. Certains se prenaient parfois de passion pour elle, persuadé en perdant l’autre d’avoir tout perdu et s’abandonnant donc au vice. Quand cela arrivait, ces passions elle s’empressait de les attiser pour enfin les éteindre d’un battement de cils, avec panache. Doraleen aimait s’enticher, se rapprocher joliment des objets de son intérêt. Elle ne pouvait nier que plusieurs fois, elle avait éprouvé une sorte de fascination qui l’avait faite pencher vers la lumière, avait presque mué son mensonge en attirance. Un jeu dangereux et délicat que celui auquel elle s’adonnait. Mais sa raison l’avait toujours remise sur le droit chemin, et son inconsidération s’était acquittée du reste : relativiser, oublier, recommencer.

Ce soir-là cependant, un clignotement incongru se manifestait. Allumé par de simples badineries et encouragé par leur récente chasse au frisson, au creux de leurs paumes, un courant d’eau chaude naissait dans l’océan Arctique. Louise songeait à cela, tout en se perdant dans les fantaisies architecturales de la cathédrale. En quoi cette soirée, cet homme, leur rapport actuel, étaient-ils différents du reste de son expérience ? Les réponses étaient claires, rapides, illustrées par de nombreux exemples concrets et indéniables. Leur caractère respectif les avait tenus à bonne distance l’un de l’autre, tout en établissant une forme singulière de taquinerie. Ils cherchaient à voir si l’autre valait la peine de se donner de la peine. Refusant de céder du terrain, la Mangemort s’était alors enfoncée dans sa fierté avant de se rendre à l’évidence : elle n’était pas de taille à lutter. Elle s’était donc laissée bercer par le charme et le verbe éclatants de son compagnon, répliquant sans grande conviction, se permettant d’outrageux raccourcis. Elle maintenait le cap, poussait un peu le jeu de séduction, sans attendre grand-chose de son impressionnant interlocuteur. Enfin, si, s’attendant à tout ce qu’elle connaissait des hommes, sauf qu’entre coups de sang et rires écarlates, elle n’avait pas cessé un seul instant d’être étonnée. Cela avait eu le mérite de garder vivace son intérêt et sa répartie. Et maintenant, cessant les allusions faciles, ils s’étaient engagés ensemble dans une discussion voilée sur l’état de leurs affinités, face à un miracle du Moyen-Âge, frissonnant du contact de l’autre jusqu’à la frontière de leur retenue. Alors, qu’en déduire ?

Elle ne s’était risquée à cette joute qu’une fois dans sa vie avant cela. A Durmstrang, un garçon plus jeune, très beau, très sombre. Ils partageaient leur talent pour la magie Noire, et s’étaient entichés l’un de l’autre, pendant quelques mois. Chacune de leur rencontre était courte et marquée par des mots savamment choisis, des regards lourds de sens. Elle ne pouvait rien en tirer aujourd’hui, si ce n’est l’intense satisfaction de retrouver ce sentiment de semi-joie, de curiosité. Depuis qu’elle avait brisé le lien physique avec Jalender, ses pensées n’étaient pas claires, désordonnées, pleines d’incohérences, elle en avait conscience. Elle ne regardait même plus la cathédrale. Elle ne faisait que tendre tous ses sens vers la présence du consultant, qu’elle entendait se rapprocher lentement. Elle avait ouvert une fenêtre, puis une autre pour qu’il puisse l’inonder de sa présence. La pire chose qu’il pouvait lui faire maintenant serait non pas de partir, mais de couper le flot d’attention dont il la gratifiait depuis une heure. Elle était trop vaniteuse pour accepter qu’une telle chose se produise. Mais elle était également trop prudente pour s’abandonner totalement, pour lui manifester son intérêt avec toute son ardeur. Ce n’était pas la tentation qui manquait ! Pourtant elle s’imposait ce sabot, presque contre sa volonté, persuadée qu’au moindre relâchement complet on la pousserait dans les ronces. Jalender arriva à son niveau et la dépassa, provoquant un léger appel d’air dont la jeune femme emplit son nez délicat.

« Il y a un problème avec ce que tu me dis. On ne peut pas évoquer quelque chose que l’on n’a pas encore lu. La seule manière d’être en mesure d’abréger une histoire, d’en connaître le contenu en avance, c’est de l’avoir déjà parcourue. C’est pour cela que les préfaces sont écrites par l’auteur lui-même ou quelqu’un ayant lu le roman. Il faut avoir connaissance de la chose pour pouvoir l’escompter ou en rêver. Ou alors on se contente d’anticiper un récit que l’on connait déjà. »

La voix était aromatisée d’un sourire, Louise l’entendait, et cela la fit sourire à son tour, car elle croyait comprendre ce qu’il voulait insinuer. Un message à passer ? La manière didactique était toujours la plus efficace, bien que son second degré ait le défaut de parfois prêter à confusion. Mais en cet instant, aucune confusion n’était possible, et la jeune femme assimilait parfaitement l’idée du consultant. Jolie idée du reste.

« A force, le livre devient conventionnel mais rassurant. En revanche, on peut supposer écrire une nouvelle histoire à deux. On peut alors seulement la conter en reliefs... »

Sage parole, pleine de promesses à demi voilées, et d’une proposition à la jolie teinte bleutée. Jalender se tourna vers elle, planta à nouveau son regard dans le sien comme pour déverser en elle l’essence même de ses mots, leur source et leur force. Puis il le laissa tomber, pour une nouvelle fois la considérer dans sa globalité, semblant juger de son potentiel, ou peut-être se repaissant de son apparence. En tant que femme, Louise connaissait très bien ce sentiment de n’être plus vue que comme un bel œuf en chocolat dans son nœud de ruban. Elle l’éprouvait au quotidien, et cela avait développé en elle – comme pour nombre de ses semblables – la désagréable habitude d’interpréter chaque regard comme un jugement de qualité/prix, une marque d’avidité. Il n’en était rien bien sûr la plupart du temps. Mais c’était plus fort qu’elle, et en se croyant toujours dévorée du regard, elle sentait aussi sa vanité enfler dangereusement.

Louise vit la main de son partenaire se soulever lentement, et sans à-coup, se rapprocher de son visage. Elle se figea, en attente, incapable du moindre mot. En le laissant s’approcher ainsi, elle lui offrait la chance de la défigurer, quand il le souhaitait. Mais la douceur immense qui se dégageait du mouvement la convainquit qu’il n’en ferait rien. Quel intérêt pour lui de la blesser ? Alors elle ferma les yeux, et suivit à l’aveugle le parcours diaphane de ces doigts précis à quelques millimètres seulement de sa peau. Juste assez pour qu’elle sente le mouvement de l’air, la chaleur du corps, mais encore trop loin pour que les pores envoient les signaux du contact à son cerveau. L’électricité était encore plus intense qu’avant. La torture aussi. Ses lèvres s’entrouvrirent de leur propre initiative tandis que le tentacule continuait son pèlerinage le long de sa peau d’ivoire.

« Sans vraiment effleurer le sujet, juste en contournant la forme. »

Chaque virage, chaque modulation de la trajectoire aérienne avait l’effet d’un courant d’énergie aux couleurs de soleil. Louise était poussée aux limites de sa résistance. Quand il entama une descente risquée vers le tissu de son haut noir, son bras tressaillit, elle ouvrit les yeux et s’apprêta à se dégager, mais il ne fit qu’effleurer la matière transparente. Toujours sans la toucher, du moins pas directement.

« On croit connaître le relief parce qu’il est évident et nu à nos yeux. Ce qui est vrai d’une certaine façon. Mais c’est le reste qui compte avant tout, les infinies fantaisies de notre caractère qui rendent l’histoire unique. Et tu vois, quand bien même le livre en soi s’avère être très court, de quelques pages à peine, ça ne veut pas dire qu’il doit être conventionnel et ennuyeux à en mourir, comme un geste répété au quotidien sans saveurs. »

Louise savait que la main délicate refléterait les paroles de son propriétaire, et qu’elle ne finirait pas par la toucher, car c’est ce qu’elle faisait à chaque fois. En un sens, elle était privilégiée, mais ne savait pas si elle devait bien le prendre. Car n’était-elle pas la femme aléatoire sur laquelle il avait arrêté la roue du changement ? N’allait-elle pas seulement servir de carrefour, d’aiguillage ? Contrairement à beaucoup, et peut-être à Jalender, elle ne croyait pas spécialement en l’humain, à sa sensibilité, son attachement légendaire à ses semblables. Elle n’aimait pas les hommes, elle les observait, les jugeait, parfois profitait de ce qu’ils avaient à lui apporter. Pourquoi ce soir en particulier, cet homme en particulier verrait la fin de cet état paisible d’indifférence ? Quelques vagues, un iceberg sur la mer d’huile … elle était Louise après tout. Louise avait un cœur, un véritable panel de sentiments à exposer au monde. Elle aimait passer du temps avec les autres, s’attacher à eux, créer des relations. Elle aimait aimer. Alors cet homme qui lui proposait de changer, pour un soir au moins, les règles du jeu, elle allait y croire. Au diable sa raison qui lui demandait gentiment de partir depuis le début de la soirée, avant que cet inconnu voie en elle une autre de ses femmes, qu’il lui susurre des rayons de lune et qu’elle y croie. Il était clair que Jalender n’avait rien du Dom Juan classique.

« Une nouvelle ? » Le jeu de mot la fit sourire. « Je n’en ai jamais lue d’intéressante. A chaque fois, la fin me décevait cruellement. Un lieu commun, une ouverture obscure, quelque pirouette maladroite. Je pense qu’il faut être un écrivain de grande valeur pour écrire une bonne nouvelle … »

C’est tout ce qu’elle put articuler avant qu’une nouvelle rafale de frissons ne la parcoure. Sa voix était très basse, compte tenu de la proximité de son partenaire. Mais si elle avait voulu parler plus fort, elle ne l’aurait certainement pas pu, tant la tension dans son ventre était forte. Elle était toujours comme ça, à contracter les abdominaux quand on l’approchait de trop. En l’occurrence, la main de Jalender contre cette partie large et blanche de son corps poussait la tension à des sommets vertigineux. Il dû le sentir et se considérer repu, car au moment où elle allait céder et saisir cette main cruelle pour lui infliger on-ne-sait quel traitement, il se détacha d’elle et alla s’asseoir sur le banc où elle avait déjà posé son manteau. Elle se tourna immédiatement vers lui, un petit sourire aux lèvres, l’œil brillant de ce qui lui traversait l’esprit.

« Les pages de mon livre sont usées à force d'avoir été contées. J'aimerais beaucoup fermer l'ancien et composer quelque chose de nouveau. »

Soutenant son regard, Louise attendit une poignée de secondes avant d’elle-même se diriger vers le banc. Mais elle ne s’y assit pas. Elle le contourna, comme Jalender l’avait contournée quelques instants auparavant, et se posta derrière lui en silence, attentive au moindre de ses mouvements. Puis, tirant les mains de ses poches, elle fit glisser ses ongles fins le long de la nuque qui s’offrait à elle, avant de contourner la mâchoire pour survoler la joue, grimper jusqu’aux pommettes hautes, souligner le sourcil, jusqu’à atteindre la lisière des cheveux et s’y engouffrer de toute la largeur de ses paumes froides, avec beaucoup de précautions.

« J’aimerais beaucoup apporter ma contribution à cet ouvrage qui promet d’être de grande qualité. » Elle cherchait ses mots, mais ne savait que dire. La métaphore s’usait d’avoir été trop sollicitée, et les doigts de Louise virevoltaient habilement contre les cheveux délicats de leur propriétaire. « Je ne sais pas raconter les histoires. Je ne sais que les lire ou les écouter. Ou les vivre parfois. » La mangemort se pencha en avant, fit glisser ses mains le long d’un torse chaud et solide avant d’approcher son visage de l’oreille de Jalender.

« Les meilleures histoires ont aussi les meilleurs personnages, ceux qui questionnent et résolvent, qui font bouger l’univers dans lequel ils évoluent, ceux qui parfois même échappent au contrôle de leur auteur et tracent eux-mêmes leur champ des possibles. Tu ferais un très bon personnage de roman. Un peu trop mystérieux peut-être, ce qui peut frustrer, mais à coup sûr passionnant. » Ses lèvres effleurèrent le lobe avant de remonter le long du cartilage. Ses cheveux tombaient en cascade blonde sur les épaules du consultant, chatouillant la peau de son cou avec espièglerie. « Moi je n’ai jamais été vue que comme l’arbre au bord de la route, offrant son ombre et ses fruits aux pèlerins. Mais je connais une histoire où les arbres sont vivants, et se tirent hors du sol pour rejoindre une grande bataille. C’est une bonne histoire. »

Louise disait n’importe quoi, mais elle s’en moquait. Elle était justement Louise, la part rêveuse et irréfléchie de Doraleen, elle pouvait dire ce qu’elle voulait, qui en avait quoi que ce soit à faire ? Suivant ce courant d’inconséquence qui la traversait, ses lèvres se retroussèrent et des dents blanches apparurent un quart de seconde, avant d’aller titiller très légèrement la courbe de chair du haut de l’oreille. Elle se redressa tout de suite après ce contact, comme s’il avait été fortuit, avant de resserrer son emprise sur le torse puissant de Jalender et de poser son menton sur son épaule droite. Malgré elle, une moue enfantine se dessinait sur ses lèvres. Elle pianotait doucement au rythme d’une chanson qui lui trottait dans la tête.

« Qu’est-ce qu’elle va raconter, notre histoire ? »
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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptySam 15 Avr 2017 - 18:32

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Dernière édition par Octave Holbrey le Dim 30 Déc 2018 - 22:00, édité 1 fois
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Doraleen N. Finch
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyMar 2 Mai 2017 - 18:09

Au creux de la chevelure sombre de Jalender, les mains de Louise avaient trouvé un refuge de chaleur délectable d’où elle ne se retira pas sans regrets. Et ce confort était visiblement partagé, au vu du long frisson qui parcourait l’échine offerte du consultant. Elle avait toujours été habile de ses mains. Instinctivement, elle savait où appuyer, où effleurer très précisément un corps pour l’emmener à l’extase. Surtout dans l’immense surface vierge du dos, où prolifèrent muscles, os et tendons, instruments de son savoir. Elle savait flatter les échines, détendre les nœuds, et n’hésitait jamais à se servir de cette capacité pour mettre au pas les amants les plus vigoureux. L’homme était un animal comme un autre. Certaines zones de son anatomie, correctement massées, étaient d’importantes zones de détente et de bien-être. Elles libéraient des toxines plongeant le sujet dans un état de grâce et de flottement. Chez le chat c’était très simple, le sommet du crâne, l’arrière des oreilles, le cou, certaines parties des pattes, et on gagnait une symphonie de ronronnement sans forcer. L’homme était plus charnu, plus musclé, aussi l’important était de d’abord tâter le terrain pour savoir à quel type d’anatomie on avait affaire. Palper le dos, les épaules, la tête pour trouver les points sensibles et les exploiter au mieux. Les experts savaient encore mieux utiliser les zones osseuses comme les mains, ou musclées comme les cuisses. Mais Louise n’était qu’une initiée, et se limitait donc à son domaine de compétence, qui s’étendait du sommet de la tête à l’extrémité basse du dos. En attendant, la nuque et les cheveux suffiraient. Ses caresses n’étaient qu’un aperçu, une promesse des douceurs qu’elle consentait à lui offrir. Et si le dos de Jalender ne lui avait pas encore été dévoilé dans toute sa splendide nudité, elle frémissait déjà en l’imaginant offert à ses mains savantes, crispé puis relâché, entièrement à la merci de ses désirs et de sa force.

En se penchant à son oreille, les mains à plat sur son torse et attentive à son souffle qui s’accélérait progressivement, elle ne put s’empêcher de prendre une grande bouffée de l’odeur de Jalender. Une odeur très précise  bien que douce, aux notes distinguées et étrangement salées. Elle s’en emplit, laissa les effluves s’emparer de son esprit, sourit en les sentant glisser le long de ses cheveux, se prendre dans ses vêtements, et l’enivrer elle-même. Elle soupira d’aise, alors que le consultant tremblait de sa fougue. Elle aurait voulu faire plus, entrer ici-même en phase avec lui, mais elle devait laisser le cœur s’aérer. Elle devait laisser « l’ardeur se consumer ». Alors elle s’écarta, mais ne lâcha pas prise et maintint le contact en transfusant de larges doses de douceur à travers ses paumes.

Pour toute réponse à sa dernière question, Jalender eut une sorte de sourire indéchiffrable et se redressa, reprenant visiblement contenance. Il se dégagea gentiment des paumes de la jeune femme, qui l’observait dans un mélange d’impertinence et de fascination. Il bougeait vraiment bien, avec fluidité et puissance, sans aucun mouvement inutile. Sa haute stature lui offrait l’avantage de la surplomber, et cette forme harmonieuse qui se détachait parfaitement dans la lumière dorée de Notre-Dame, Louise n’arrivait pas à s’en détacher. Elle le vit attraper son manteau, et captant son regard patient, elle se redressa lentement en jouant de la cambrure excessive de son dos, poussant de ses bras menus et s’étirant par la même occasion, comme un long chat noir, effilé et languide. Sans un mot, religieusement, il ouvrit son manteau et lui présenta avec diligence. Etonnée mais docile, elle se tourna et lui offrit ses épaules. Etrangement, le consultant si bavard depuis le début de la soirée ne pipait mot, semblant se délecter de la lenteur exagérée de ses mouvements et de son excessive proximité avec le corps délicat de la nordique. Son œuvre achevée, il resta ainsi, statique, le regard concentré sur un point précis du buste de Louise, le sourire étirant ses lèvres lui donnant un air un peu carnassier. Elle-même resta immobile, attendant patiemment qu’il laisser s’envoler les mots qui semblaient lui brûler les lèvres. Quand enfin il s’exécuta, baguette en main, elle ne put que se délecter de la nature alléchante de ses propositions. Mais ce jeu sur les mots la laissait perplexe, trop évident, trop grossier par rapport à ses précédentes paroles. Jalender semblait avoir abandonné l’idée d’une séduction verbalement délicate, et décidé d’entrer dans le vif du sujet avec une incision qui la déstabilisait un peu. Autant, en fait, que cette lèvre pincée, que ce regard fixe, que cette baguette s’élevant sans même attendre de réponse …

« Que fais-t… »

Ni une, ni deux, elle se retrouva nue. Entièrement, irrémédiablement nue. Du moins, c’était ce que l’afflux brutal d’air froid lui fit comprendre en la frappant brutalement des pieds jusqu’au cou, soulevant son épiderme avec la force d’un ouragan, provoquant en plus de la surprise une forme assez violente et primitive d’indignation. Elle n’esquissa pas le moindre mouvement, son esprit turbinant à vive allure, réalisant assez douloureusement le pourquoi de cette malice qui planait depuis quelques secondes. Avait-il tout prévu depuis le début ? Elle ne le croyait pas. Les premières secondes, tumultueuses, laissèrent la place à un brusque revirement quand Louise se rendit compte qu’elle avait encore son manteau sur elle, couvrant en grande partie sa nudité. Jalender jouait donc avec elle, avec ses limites, ses doigts habiles glissant le long de la frontière de la tolérance. Elle n’avait qu’une envie, dans l’instant, c’était de lui asséner une monumentale claque pour faire disparaître le colgate provoquant de son sourire. Mais profitant de sa surprise, il s’était déjà reculé, comme anticipant sa colère et la virulence de sa réaction. Louise abandonna l’idée, et s’apprêtant à l’invectiver, elle surprit son regard, celui d’un homme pas franchement honteux mais décidemment conscient du danger auquel il venait de s’exposer. Et de ce vert pétillant, comme d’un bain d’algues, elle ressortit plus légère, calme … et amusée. Il avait un culot monstre. On ne pouvait pas vraiment dire qu’elle l’avait cherché. Mais l’indignation estompée et sa distance retrouvée, elle se devait de saluer l’audace du geste. Comme il semblait le guetter pour se rassurer, elle laissa ses lèvres s’étirer en un sourire vaincu, signe qu’elle se prenait au jeu. Alors sans faire durer le supplice plus longtemps, il réalisa un nouvel informulé, et les vêtements sombres réapparurent au creux de ses bras.

Brebis dans une peau de loup, Louise et son manteau noir s’approchèrent d’un pas glissant vers le consultant. Elle ignorait le froid et la saleté des pavés, s’abandonnant totalement à la sensation intéressante du nu invisible. Maintenant qu’elle s’y était habituée, elle sentait pleinement le frottement du tissu de son manteau contre sa peau fine. De bonne facture, le vêtement ne la grattait ni ne la gênait, et son contact n’était pas trop désagréable. Mais plus que sa peau contre le tissu, ce qu’elle savourait était celui de ses jambes entre elles, qui se côtoyaient du mollet jusqu’à la très fine peau pré-pubienne. Toutes les parties les plus intimes de son corps, et par définition les plus sensibles, étaient sollicitées par le manteau et par le vent. Ces sensations étaient accentuées par le simple fait qu’ils étaient en janvier, et donc qu’elle négligeait depuis quelques semaines l’épilation appliquée de son corps. En vérité, sa pilosité générale étant à l’instar de ses cheveux d’une blondeur presque blanche, elle n’avait jamais vraiment prêté attention à la repousse des jambes et des aisselles quand elle était superficielle, car invisible à l’œil nu. Et bien sûr, suivant les coutumes de son pays, elle n’avait jamais touché aux poils pubiens, zone sacrée entre toutes. Ce n’était bien sûr pas sans savoir à quel point la sensibilité était décuplée quand on ne s’épilait pas, ayant plusieurs fois expérimenté les avantages du naturel en matière de plaisir.

En rejoignant Jalender, ne décrochant pas une seule seconde son regard, elle laissa son sourire énigmatique flotter, entre malice et cruauté, et suggérer la suite pour elle. Car la nudité était une chose, mais elle ne pouvait supporter de se savoir désarmée. Face au consultant, elle s’arrêta, et récupéra immédiatement sa baguette qui pendait, orpheline, de l’élastique de son pantalon encore chaud. Il y avait des limites à tout, et confisquer sa magie en était une à ne pas franchir. Une fois l’instrument à nouveau en sa possession, sa rassurante rigidité reprenant sa place entre ses doigts et taisant ses dernières réticences, elle put détendre les dernières crispations de son visage et s’amuser plus sincèrement de l’expression très adolescente de Jalender. Celle du garçon qui a réussi à infiltrer la douche des filles et qui se délecte du spectacle à travers un trou de serrure.

« Je suis désolé, j’ai dû me tromper de sortilège, je suis si maladroit parfois ! » Les mains sur les hanches, elle secoua élégamment sa tête blonde. Merlin, quel spectacle affligeant que la débauche d’un caractère si prometteur !

« Maladroit … je rêve … » marmonna-t-elle alors qu’il posait joliment ses vêtements sur son bras, attentif à ne pas les abîmer. « Tu te rends compte qu’avec n’importe quelle autre femme, tu serais déjà en train d’agoniser sur le pavé ? »

La question était rhétorique, bien sûr, et elle n’attendait déjà plus aucune réponse au moment où une rafale de vent trouva son chemin jusque dans le vide de son manteau, remontant de ses jambes jusqu’à sa nuque en l’enveloppant d’une fraîcheur délicieuse. Elle frissonna, partagée entre le plaisir et Puis le consultant repris, parla de chaussures, de froid, de prévision … Elle l’observa sans un mot se baisser et, avec une douceur qu’elle prendrait presque pour de la tendresse, lui passer lentement ses chaussures. Elle avait opté ce soir-là pour des bottines basses de marque, en cuir noir et aux talons raisonnablement hauts qui lui garantissaient confort, chaleur et élégance.

Quand les mains de Jalender entrèrent en contact avec sa peau, Louise ouvrit la bouche et manqua de lui asséner d’arrêter. De ne même pas essayer de monter plus haut. Car c’est ainsi qu’elle se serait comportée avec n’importe qui. Sauf qu’elle avait tendance à oublier qu’elle n’était pas avec n’importe qui, et que ce soir, elle s’était engagée d’elle-même dans la voie de la luxure. Et puis, passée la première seconde de surprise, le bout des doigts d’un froid assez désagréable, la sensation brute changea. Elle sentait la chaleur de ses paumes se diffuser lentement et toujours cette profonde douceur, qu’elle semblait n’avoir jamais connue chez ses amants, qui l’invitait à tous les abandons. Alors qu’il remontait très doucement vers le haut de ses jambes blanches, extrêmement attentif à ne pas faire un geste de trop, Louise planta ses doigts dans les cheveux qui s’offraient à elle comme seule prise pour contenir sa fébrilité. L’interlude, hors du temps, sembla pourtant n’avoir duré qu’une fraction de seconde, et quand l’homme se redressa, tout émoustillé encore de sa sommaire exploration, elle reçut à nouveau l’électricité du courant de vent contre son épiderme sensible et démuni. Une myriade de petites étoiles la picotaient gentiment, et son bas-ventre commençait doucement à ronronner.

« Bon, ce n’est pas si mal d’être à nu, non ? Et puis ça nous promet une longue balade, jusqu'à ce que tu aies froid. »

Louise ne releva pas la plaisanterie, par contre elle ne se priva pas d’hausser les sourcils d’une indignation – à peine – exagérée devant la proposition de son partenaire. Sera-t-elle donc la seule à subir des excentricités sans autre contrepartie que la promesse d’une revanche future toute relative ? Tolérer le sortilège qui l’avait dénudée, puis le brûlant contact, passe encore. Elle y avait trouvé son compte. Mais accepter de se comporter comme la victime d’un jeu érotique tordu, en ne pouvant s’offrir aucune emprise sur l’autre, cela commençait à faire beaucoup. Avec un soupir, elle reprit la parole, le temps de trouver une contrepartie équitable.

« On aurait le temps de faire tout Paris, du sommet de la butte de Montmartre jusqu’au plus profond des catacombes avant que j’aie froid. »

Sa voix avait pris une couleur bleuâtre d’ironie tendre, et son regard glissait sur Jalender comme un courant d’eau froide, mordant et cajoleur. Hum, peut-être que finalement, elle ne lui ferait pas le plaisir de lui rendre la pareille, il serait trop content. A l’inverse, elle allait relever fièrement le défi, garder sa dignité, attendre un instant plus propice et … non. Non, décidemment, ça n’allait pas se passer comme ça. Mais elle devait le prendre par surprise, et pour cela elle gardait des atouts dans sa manche. Sa manche, qui abritait désormais sa baguette magique avec laquelle elle allait se faire un plaisir de le remettre à sa place. Il était fatigué de toujours devoir prendre l’initiative ? eh bien elle allait lui en servir, de la passivité, histoire qu’il se désillusionne un peu. Elle n’était pas bien différente des autres après tout. Une femme assez faible et aux techniques de tromperie fort peu originales.

« Tu m’accorderas au moins qu’on aille boire quelque chose pour compenser ? »

Sans attendre, elle saisit son bras et l’entraîna vers un café proche, animé de rires et de musique mais pas franchement bruyant. Les prix y étaient élevés d’après elle, mais elle avait parfaitement de quoi se le permettre. Ils s’installèrent à une table un peu à l’écart, étroite mais offrant une vue parfaite sur la cathédrale et son parvis. Louisa s’assit joliment, croisa ses jambes nues, puis héla un serveur aux airs de chanteur populaire et lui commanda deux de leur meilleur whiskey. Quand il fut reparti, calmement, et sentant le regard du consultant sur son visage, elle glissa une main à l’intérieur de son manteau. Effleurant lentement sa clavicule et son sein gauche, elle atteignit une grande poche intérieure de laquelle elle tira son petit sac. Toujours avec mille précautions, elle le posa sur la table en fer forgé et l’ouvrit. Outre le billet qui allait payer leur consommation, elle s’empara de deux tout petits sachets cachés entre deux plis, contenant chacun un produit différent. L’un de la poudre, l’autre des pilules. Elle posa sa main dessus, et tout naturellement, fit un peu de place et un joli sourire pour le serveur qui revenait du bar avec deux verres généreusement emplis d’une magnifique liqueur ambrée.

« A mon tour maintenant. »

Le serveur disparu, Louise prit dans une main le sachet de poudre, dans l’autre le sachet de pilules et elle les cacha dans son dos. Elle changea plusieurs fois les sachets d’emplacement, feinta, recommença, de telle sorte à ce qu’elle-même ait oublié ce qui se trouvait où. Puis elle chercha le regard de Jalender et sourit. Il pouvait refuser, elle ne lui en tiendrait pas rigueur. Mais ce n’étaient pas des substances provoquant la moindre dépendance, et leurs effets n’étaient pas facteurs d’impuissance ou de perte de contrôle. Sans compter qu’avec la magie, il leur serait facile de réduire les effets, de se contrôler, de s’en aller même rapidement dans un endroit isolé. Elle avait un rapport très distant avec la drogue, refusant tout simplement les injections, et en prenant rarement accompagnée. Mais ce soir-là, elle jugeait que son partenaire et elle pouvaient se permettre une petite gourmandise.

« Tu choisis. Je prends l’autre. Ou bien je les range immédiatement, et ne les ressortirai pas. »

Une œillade curieuse, nullement moqueuse, et son sourire s’estompa doucement pour laisser la place à un plus grand sérieux.

« Tu joues ? »
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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyMar 27 Juin 2017 - 13:30

Le café était animé d’un courant chaud, presque estival, qui faisait vivre les conversations avec un naturel déconcertant. Les dizaines de ravissantes petites tables en fer forgé semblaient dotées de leur propre voix et chantaient la douceur du soir. Qui aurait pu se douter, dans une atmosphère si romantique, du scénario de luxure qui se tramait à quelques pas ? Les lanternes ténues et orangées n’éclairaient pas que le charme, mais aussi le désir. L’indispensable petit fond d’accordéon/piano baignait les sens de la quiétude mais surtout de la fébrilité. Tous les attributs du calme petit coin de douceur se muaient pour Louise en autant d’incitations à la débauche. Comment aurait-il pu en être autrement, alors qu’elle se laissait couvrir du regard fiévreux de son partenaire, acceptant la nudité privative, jouant même de celle-ci ? Elle offrait au regard ses jambes blanches, comme une Lotophage proposerait au voyageur la fleur interdite. Elle s’était jetée dans les filets dorés de Jalender, mais devait garder un plein contrôle de ses actions et de ses choix. C’était primordial.

Et ce fut pourtant le parfait inverse qu’elle ressentit en tendant à l’homme le petit sachet d’Alice. Le regard qui lui jeta était indéchiffrable, bien que définitivement peu surpris. Un habitué des planants ? Il acceptait le sachet sans qu’elle ait dit de quoi il s’agissait. Elle en concluait qu’il s’y connaissait. Louise avait l’impression qu’elle aurait dû lui donner d’autorité celui qu’elle voulait qu’il prenne. Du moins c’est ce que lui aurait cru, parce qu’au final elle-même n’avait pas de préférence, mais son état d’esprit aurait été très différent : elle aurait eu l’impression de mener la danse. Ne pas lui laisser le choix, être incisive. C’était comme ça qu’elle fonctionnait d’habitude. Que Doraleen fonctionnait. Enfin pour ce soir, nul besoin de se faire un dessin, elle ne regretterait pas le coup du « je-mélange-et-tu-choisis ». Sans compter que cela rajoutait une couche de crédibilité au véritable but de la manœuvre.

Jalender s’empara donc de l’Alice, et Louise garda le Chandoo. Elle n’eut pas le temps de commenter ce choix, qu’une main large et impérieuse se manifesta brusquement contre ses genoux croisés. Elle mit un peu de temps à réaliser que c’était bien sa main à lui, et qu’il exigeait d’elle qu’elle sépare ses jambes l’une de l’autre. Sans opposer de résistance, elle obtempéra, curieuse de voir ce qu’il avait prévu de faire. La créativité de Jalender semblait sans limites en matière de jeu salace. Devait-elle prendre cela comme une marque de son intérêt ? Elle ne doutait pas qu’il fut capable de charmer toutes ses cibles par le jeu de la malice et de l’audace, bien qu’elle l’imaginait plus en éternel protéiforme, changeant de méthode en fonction de celle qui lui faisait face, n’étant pas exactement lui-même mais celui qu’il fallait qu’il soit pour atteindre ses fins. La jeune femme semblait se souvenir d’une histoire dans laquelle une créature, née pour se battre, avait une sorte de sortilège dans l’esprit qui changeait le mode de combat en fonction de l’adversaire et enregistrait les données des précédents affrontements, afin de s’enrichir toujours plus et d’augmenter le taux de réussite. Une créature en constante mutation, en constante progression.

C’est donc avec d’infinies précautions que le consultant palpa la neige de sa cuisse, appréciant sa régularité et son galbe, distribuant en même temps de gentils frissons à la jeune femme immobile. Il se pencha, raffermit sa prise, et entreprit de déposer la drogue en une fine ligne poudreuse, le long de la ligne de peau jusqu’aux limites du manteau. Louise comprenait ses intentions en même temps qu’elle sentait la substance légère couvrir sa cuisse, coincée entre ses puissants homologues masculins. « Fieffé gredin … » s’entendit-elle murmurer, étonnée elle-même des relents bourgeois de son expression. Les yeux rivés sur la porte d’où allait et venait le jeune serveur, Louise se laissa voguer au rythme des pulsions qui s’emparaient de son ventre alors qu’il n’était plus question de mains baladeuses, mais de lèvres avides.

Et de fait, la sensation de la langue sur sa peau était assez ambivalente. D’un côté, l’indéniable érotisme de l’acte qui semblait promettre une continuité frémissante, l’humidité du muscle rose étant objectivement très agréable. De l’autre, entre toutes ces autres caresses – le vent, le manteau, ses cheveux – celle de la langue tranchait véritablement et lui semblait étrangère, comme venant d’une autre dimension. La jeune femme ne put s’empêcher d’imaginer quelque insecte, quelque animal marin glissant le long de sa peau lisse. Sentant la chaleur l’envahir mais refusant de se déchirer la lèvre, elle saisit son verre et goûta le breuvage ambré, plus pour s’occuper la bouche que par véritable envie. Surprise de la qualité du whiskey, elle se força alors à le déguster lentement et dans les règles, savourant le mélange unique de sensation qui lui était offert par sa langue et celle de Jalender. Un pur délice.

Quand le consultant se redressa, tout émotif de son exploration, Louise fit glisser sa main le long de la traînée humide qu’il venait de laisser, effleurant la zone honorée, alors qu’à son tour il profitait de son nectar. Ses doigts fins survolèrent son genou pour rencontrer un de ses prisonniers et lui adresser de petits cercles de tendresse, très délicats, comme sur le sommet du crâne fragile d’un chat.

« Alors, quand est-ce que j’agonise ? Frappe, et frappe-moi fort, que je ne puisse plus me relever. »

Quelle fougue ! Ce n’était pas en la menaçant qu’il obtiendrait d’elle le moindre sursaut. Mieux encore, il ne lui donnait qu’une envie, celle de rester douce et caressante. Alors qu’il achevait sa tirade, comme un prince de tragédie, Louise ouvrait son propre sachet en souriant.

« N’en dis pas plus, damné consultant. La nuit est sombre et emplie de terreurs. »

De sa main droite, elle saisit la patte libre – comprenez : celle qui ne tenait pas de verre – de son partenaire et la retourna face contre ciel. Déposant avec légèreté une des petites pilules de Chandoo sur l’extrémité de l’index, elle le contempla un instant, puis porta le doigt jusqu’à sa bouche entrouverte, et planta délicatement ses dents jusqu’à la deuxième phalange avant de remonter lentement vers l’ongle. Sa langue piqua la petite boule verte, elle l’avala, et joua un instant le long de l’ongle parfaitement coupé et propre. Ses dents tantôt effleuraient, tantôt s’enfonçaient dans la peau fine du doigt, en privilégiant la pulpe de l’extrémité qui était plus sensible et définitivement plus agréable à cajoler. Par courts instants seulement, elle se permettait d’accueillir tout l’index entre ses dents, contre la muqueuse de ses joues. Le jeu ne dura pas plus d’une minute, et quand Louise se redressa à son tour, une lueur de malice brillait au fond de ses yeux gelés. Une saveur dansait sur son palais, l’amer du Chandoo et le sucre des doigts de Jalender, se mariant en un goût sans nom, étrange, ténu.

« On aurait le temps de faire tout Paris, du sommet de la butte de Montmartre jusqu’au plus profond des catacombes avant que j’aie froid.
- Jusqu’à ce que tu aies trop chaud alors. »


Sans qu’elle ait véritablement pu se l’expliquer, Louise avait été persuadée qu’il allait répondre cela. Et de la même manière, une idée avait lentement commencé à germer dans son esprit, dessinant d’habiles contours le long de son imagination. La pilule commençant très lentement à faire effet, un seul regard vers le sourire arrogant de Jalender finit de la convaincre. Le coup des sachets, le café, le whiskey, tout cela n’était qu’un leurre. Un ensemble de minuscules ébauches de vengeance, de fausses tentatives d’affaiblissement destinées à faire croire au consultant que c’était comme cela qu’elle lui rendrait le coup du manteau. Mais elle avait de plus grands et plus nobles projets pour lui.

Alors qu’elle avalait le Chandoo, la main qui jouait sur le genou masculin s’était arrêtée, et s’était laissée pendre mollement le long du dossier de la chaise. Sa baguette était tombée entre ses doigts, et alors qu’elle cajolait les phalanges de son partenaire, elle lança avec application un sortilège informulé. La blonde régula le charme pour qu’il s’enclenche dès qu’elle eut reposé sa main sur la table. Cette précédente remarque sur sa résistance au froid lui avait inspiré en représailles un banal Calorem Circumsisto (sans les étincelles), qui ferait progressivement augmenter la température de l’air autour de Jalender. Ce qui lui semblera être d’abord de simples bouffées de chaleurs se révélera rapidement être beaucoup plus magique, et beaucoup moins accommodant. Il l’avait dévêtue brusquement, sans la prévenir ? Elle voulait l’observer enlever une à une les nombreuses couches de vêtements qui lui donnaient l’air si noble, si intègre et si robuste. Jusqu’à enfin déboutonner cette satanée chemise et lui offrir l’objet de son appétit.

Feignant d’abord de ne pas remarquer la petite goutte de transpiration qui apparaissait sur la tempe de Jalender, Louise ne put retenir un petit soupir de contentement en voyant que le café entier s’agitait lentement. Du côté des hommes uniquement, un mouvement de fébrilité semblait naître. Beaucoup d’entre eux desserraient leur cravate, ouvraient leur manteau, l’enlevaient même. Ce n’était pas assez chaotique et surnaturel pour que quiconque s’inquiète, mais la température montait chez la gente masculine, et les vestes tombaient. Louise lança un long regard à l’homme en face d’elle, fraîche comme une pivoine, et sourit aimablement.

« Quelle chaleur soudaine ! Les soirs de janvier sont surprenants à Paris. » La jeune femme posa négligemment sa baguette sur la table, comme s’il s’agissait d’une babiole sans importance. Elle jeta un petit regard à l’entrée des serveurs, mais le dos de son compagnon masquait en grande partie ce qu’elle faisait au reste du café. Rassurée, elle leva son instrument, et le pointa vers la gorge de Jalender. « Tu es en nage … ne te gêne pas pour moi. » Un petit mouvement de poignet, et la cravate si savamment desserrée à leur arrivée se resserra brusquement, pendant quelques demi-secondes, avant de se relâcher totalement jusqu’à se dénouer. Du bout de la baguette, Louise joua un instant avec le tissu qui dansait au bout de sa magie, toujours posé sur la nuque de son propriétaire, puis le fit s’enrouler langoureusement, irrésistiblement autour de l’avant-bras du consultant.

« Be careful with the threats, or you’ll end up being the one with the wrists attached. »
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Octave Holbrey
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyJeu 6 Juil 2017 - 1:29

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Dernière édition par Octave Holbrey le Dim 30 Déc 2018 - 22:00, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Hiver 95] Sinking in sin. [Hiver 95] Sinking in sin. EmptyMer 9 Aoû 2017 - 0:50

« On va donc mutuellement se dévorer, membre par membre, tels d’excentriques cannibales ? »

Fallait-il seulement mentionner que c’était ce qu’elle désirait ? La chaleur qu’il devait ressentir à cet instant, Louise l’imaginait insupportable. C’est sans surprise qu’elle l’observa retirer manteau et retrousser chemise pour limiter l’inconfort mais toujours, prit-elle note, en gardant une certaine tenue et, si l’on pouvait appeler ça comme ça, une indéniable classe. Il était évident que l’homme était trop fier, trop bien sur lui pour accepter ce qu’elle lui proposait avec ce malicieux tour de baguette. Toujours était-il que l’avantage tournait doucement en sa faveur ; le rapport de force flanchait. L’accepter reviendrait pour l’homme à céder du terrain sur la sympathique mais fragile tradition du « man first », et bien qu’elle doutât que ceci lui déplaise, il n’était pas exclu qu’il soit de ceux qui en gardent amertume jusqu’au moment où, dans l’intimité, ils puissent violemment venger leur virilité.

Une réflexion se fraya un chemin jusqu’à la conscience de Louise. Il n’était plus temps pour elle de changer de trajectoire. Quelques minutes plus tôt, elle aurait pu encore reprendre le contrôle, même partiel, de cette hallucinante soirée, en saisissant cet homme indécent par le menton pour lui faire plier l’échine, le vriller du regard et finalement le repousser. Corps et âme. Mais il était clair que rien de tout ceci ne pouvait arriver désormais, et que tous deux n’en avaient par ailleurs pas la moindre envie. Les corps finiraient trempés de sueur et de larmes, les âmes brûleraient le temps d’une étreinte, puis tout ceci prendrait fin, proprement. Ce constat la saisit brutalement, alors qu’elle se surprenait à prendre un véritable plaisir face au spectacle d’un Jalender étouffant, trahi par ses propres apparats. C’est ce constat même qui lui fit ensuite relâcher l’étreinte mortelle, plus que son caractère potentiellement dangereux. Doraleen s’oubliait-elle, ou était-ce Louise qui se découvrait ? Alors que le consultant reprenait contenance et sourire de rigueur, la jeune femme à l’expression délectée luttait contre la tempête faisant rage derrière son front.

Parce que c’était une chose de jouer la séductrice effarouchée, d’effeuiller doucement son indifférence, mais c’en était une autre de se retrouver finalement nue et sans écailles face à l’objet simultané de son désir et de sa perte. Louise se délectait de la situation, c’était une certitude, mais Doraleen se sentait réellement vulnérable, presque en danger. Pas de délire paranoïde, pas l’ombre d’un penchant schizophrène, car ces deux entités n’étaient que des parts distinctes d’une seule et même personne, et seul leur nom – intangible – différait réellement. Pour autant la situation les avait éloignées l’une de l’autre jusqu’à les distinguer suffisamment : Doraleen, puisque c’était ainsi qu’on l’avait nommée à la naissance, était saine d’esprit. La Louise qu’elle était quelque part était seulement plus sauvage, plus gourmande, plus audacieuse, et face à Jalender cette éclatante personnalité avait abattu la froide raison de sa maîtresse pour jaillir à l’air libre, Lumière polaire rejoignant ses sœurs dans leur Ville. La jeune femme, yeux voilés, prit appui sur cette conviction pour soutenir le regard du consultant avec la malice et la douceur qu’elle s’imposait. Elle ne savait pas s’il s’y prendrait, ayant été confronté à sa froide efficacité professionnelle, mais transpirant de luxure comme il l’était, elle le croyait … disposé à l’indulgence.

Toisant son partenaire échaudé, Louise rappela à son esprit le souvenir des sensations ambivalentes qu’il lui avait imposées au cours des dernières heures. Le champagne d’abord, légère mise en bouche introductive. Puis cette frustration qui avait blessé son ego en découvrant son étendue intellectuelle, la profondeur de son savoir … et son goût pour la démonstration. Venu le temps du contact physique, le bras, la main, les frissons des doigts impatients, les cajoles chastes et les promesses. Face à Notre-Dame, un assaut de sensations en tous genres relevé par une exploration plus poussée, une véritable franchise du toucher …  puis la rupture provoquée par l’interruption magique et la violence de l’initiative masculine. Louise s’était retrouvée nue : les hostilités étaient lancées. Jusqu’à cette langue avide contre sa cuisse blanche, l’absorption des aphrodisiaques, et l’accalmie joueuse avant une tempête qui s’annonçait dévastatrice.

La jeune femme suivit du regard le consultant à l’expression ambivalente, délecté et torturé ; toujours souriant mais indéniablement crispé par quelque refoulement ou quelque remembrance. Il caressa des yeux sa traitresse de cravate avant de s’agenouiller entre ses jambes. Toujours attentif à la qualité de la mise en scène, son visage fut bientôt légèrement en contrebas de celui de la nordique, une expression délicieusement provocatrice sublimant ses traits. Si proches l’un de l’autre, Louise fut saisie d’une véritable vague d’émotion. Emotion étrange s’il en était, inhabituelle, un mélange improbable de désir, d’excitation, de tristesse et de peur. Elle voyait en Jalender la concrétisation d’un millier d’attentes qui résonnaient avec ses faiblesses les plus pernicieuses, les plus enfouies. Inutile de préciser que la position du consultant n’arrangeait en rien ce trouble d’une rare intensité. Elle se retrouvait comme une toute jeune fille, en plus fougueuse mais aussi en plus intimidée. Cette impression, futile et fugace, mit peu de temps à se dissiper. Elle céda la place à une pulsion plus animale, incisive, évidente. L’appel de la chair.

« Je ne crains pas de donner la menace pas plus que ne le crains de la recevoir. Attache-moi. A condition de savoir ce que tu vas faire de moi lorsque je serai sage et soumis. »

Le sourire carnassier de Louise s’élargit alors que sa main blanche, prolongée par sa baguette, reprenait le contrôle du tissu. Elle laissa voguer la magie au gré de sa fantaisie, dévorant des yeux ce visage si charmant, offert, presque suppliant. La cravate quitta le bras pour onduler contre l’épaule, le buste, remonter et finalement changer de branche. Elle s’enroula paresseusement contre Louise, passa sous sa manche et remonta gentiment jusqu’à son propre cou de cygne. Elle s’y noua à la Christensen, efficacement, sa pointe retombant tout contre la ligne thoracique séparant les doux galbes de sa poitrine. Durant ce ballet hypnotique et délicieusement lent, son autre main dessina avec douceur le contour du visage de Jalender, se promenant nonchalamment le long des pis et des saillies du fascinant faciès.

« Craindre … obéir … » Elle eut une moue ennuyée. « C’est si primitif. »

Puis Jalender eut ce petit pincement de lèvre qui la secoua, et qu’elle aurait dévoré comme une bête si l’homme n’avait pas immédiatement enchaîné avec ses murmures infernaux. Zeus, rien que cela … Elle pensait n’avoir aucun mal à être la nymphe qu’il souhaitait voir en elle, de Métis à Callisto. Quoi que pour cette dernière, s’il savait s’y prendre, elle irait peut-être rejoindre les constellations dont la pauvre fille était maintenant une des principales attractions. Dora comme Louise devraient pouvoir s’accorder au moins là-dessus. Sa main continuant à parcourir délicatement la nuque offerte, elle sortit de son sac quelques billets qui règleraient leur addition. Du bout de sa baguette, elle ordonna la fin progressive du maléfice frappant les moldus, le maintenant par malice sur le consultant – quoi que d’une ampleur bien réduite. La drogue commençait à assaillir ses connexions nerveuses, et de jolies couleurs commençaient à fleurir autour d’elle. Le visage de Jalender lui parut soudainement très, très proche.

« Zeus est une crapule de la pire espèce – celle des dieux – mais je dois lui reconnaître un certain goût en matière de femmes. » Venait-elle de s’encenser copieusement ? Tout à fait. Mais lui avait bien mélangé noms grecs et noms romains, elle ne lui avait rien dit. Son visage s’approcha encore jusqu’à ce que cheveux platines chatouillent joues négligées. « Quant à ses pratiques vénériennes, peu s’en sont plaintes. Les autres sûrement ont menti pour préserver leur vertu, parce qu’enfin, b*iser un dieu, ça ne doit pas être si terrible. »

Spoiler:

Vulgaire, elle l’était. Que Merlin la pardonne et ferme les yeux. Louise enfin n’en pouvait plus. Sans un regard pour le reste du café, elle brisa les entraves de son stoïcisme et dépassa le visage masculin pour se plonger au creux de son cou palpitant. Sa bouche vermeille s’y complut avec délice, embrassant la chair, épousant ses contours de peau frémissante, administrant un traitement divin au fruit de sa convoitise. Ses doigts, libérés de la baguette qui reposait au creux de sa poche, s’enfonçaient dans les cheveux épais avec la même délectation que ceux d’Amélie dans les paniers de graines. Bien vite, ils ne furent plus guidés par la moindre raison, que les pulsions de son désir, pénétrant la chemise, griffant précieusement dos et épaules, cherchant un contact puissant et prolongé. Sa bouche, elle … quittant le cou à regret, elle chercha l’oreille, et ce fut un gala. Elle reproduisait sur lobe et cartilage les mêmes traitements qu’elle mourrait de recevoir, se basant sur son propre désir pour satisfaire au mieux celui de son supplicié. Lèvres, dents, langue, elle usait de son savoir-faire pour titiller la zone érogène, soumettre son propriétaire, sans toutefois abuser de l’instrument et en ménageant la chair pour d’autres aventures.

Quittant l’excroissance, elle remarqua quelques regards moldus teintés d’amusement ou de scandale, et empoigna le bras de Jalender pour le lever doucement puis le tirer hors de cette terrasse indiscrète. Elle n’avait pas fait dix pas que les quais se présentèrent à eux, déserts et engageants. Elle se retourna vers lui, l’œil fol, et après une seconde de contemplation, alla chercher enfin ces lèvres éloquentes pour leur soutirer maintes liaisons dangereuses. Main droite enserrant le dos dans la transversale, main gauche pressant la nuque vers elle, Louise adoptait le comportement d’une affamée mais ses gestes restaient délicats et gracieux, comme si elle rechignait encore à se salir. Un regard fugitif lui confirma que cela n’était pas fait pour durer. La nymphe allait y perdre des feuilles, et étrangement, brûlait d’expectative à l’idée de se faire déraciner. Le Chandoo hachant ses idées, le whiskey en lissant les bords, sa langue eut bien du mal à tracer une formule intelligible.

« Ce manteau est … terriblement gênant. » furent les seuls mots simples qui exprimaient correctement son état d’esprit. D’une main, elle fit mine de défaire les boutons du haut, de l’autre elle tira sa baguette. Quand les doigts furent sur le point d’achever leur travail, une seule attache conservant encore le soupçon principal de son intimité, elle s’arrêta et saisit la main fiévreuse du consultant. Avec un dernier regard de geyser islandais, ils transplanèrent ensemble loin du quai parisien.
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