Un ingrédient de prix

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S'il y avait bien un endroit du monde sorcier que Lucius ne pouvait pas supporter, c'était l'Allée des Embrums. Il y faisait toujours froid, sans parler de l'épais brouillard, et le soleil ne perçait jamais.
Plus cliché tu meurs, et se promener dans le décors de base de film d'horreur moldu n'avait rien de satisfaisant.

Malheureusement, certaines choses ne se trouvaient qu'en des lieux dégoûtants, pleins d'infréquentables et crasseux badaux, et ce jour là, Lucius avait besoin d'une de ses choses. Tant pis : il avait mis ses vieilles bottes de la saison dernière (pas question d'aller salire ses nouvelles dans cette satanée ruelle où les travaux publics ne faisaient jamais leur travail), une cape chaude, son meilleure rictus repousseur-de-voyous et pouf ! transplanage.

Graaaaaaaaaand soupir à l'arrivée : le paysage était toujours aussi gris, moche, monotone et sans goût. Etait-il donc impossible d'être mage noir ET esthète dans ce monde ?
... apparement non.

Les lèvres pincées, Malefoy ne resta pas bien longtemps en place. Déjà, sa mise et la richesse apparente de ses vêtements attiraient les regards et s'il ne craignait aucun de ces déchets de la société, on était jamais trop prudents. Des numéros biscornus défilaient sous ses yeux, indiquant l'emplacement des boutiques. L'impatience et un léger frisson le fit accélérer, et il trouva finalement son adresse.

Une autre chose que Lucius n'aimait pas : il fallait toujours que les gens inventent tout et n'importe quoi pour faire mumuse avec des sortilèges inutiles. Par exemple, quel intérêt de dissimuler une boutique ? Et, encore mieux, d'indiquer par pancarte la présence de ladite échoppe cachée ?
Incompréhensible. Vraiment.
Et forcément, il fallait que le mécanisme pour entrer force le client à se pencher. Encore mieux ! Voilà exactement pourquoi le blond détestait cette rue : les tenanciers étaient en général encore plus tordus que leurs clients.

Avec un prooooooooooofond soupir, Lucius posa sa baguette sur le pot de fleur, en profitant au passage pour faire pousser une gerbe d'horribles pâquerettes du plus mauvais effet. On ne se vengeait jamais assez, et Merlin que ça faisait ridicule, ce bouquet blanc et jaune avec ses ridicules et immenses pétals, dans une telle rue ! Bien fait !

Heureusement pour la jeune Kane, son intérieur était d'un goût passable, ce qui la sauva : venir jusqu'à elle avait été assez "divertissant" pour que Lucius soit d'humeur massacrante, si bien que c'est la mine insondable et les yeux froids qu'il vint attendre au comptoir. Le service avait tout intérêt à être optimal...

Invité

Kane était encore dans l'arrière-boutique quand elle jetta un coup d'oeil au petit miroir accroché dans le fond de la pièce. Les contours de celui-çi, ornés d'ambre et d'émeraude devenaient rouges lorsque quelqu'un touchait le pot de fleur et l'image du visiteur lui apparaissait clairement comme si celui-çi avait été en face d'elle. Plutôt original et innatendu, cet accessoire pittoresque se révélerait fort utile en cas de visite du ministère...mieux valait prévenir que guérir.

Lucius Malfoy...quelle surprise ! La dernière fois qu'elle l'avait vu il errait à Poudlard complètement déboussolé et par dessus le marché ivre d'amour pour elle. En le voyant faire pousser des marguerites elle eut un sourire, ses soupçons sur "l'autre" Lucius (à savoir qu'un sorcier avait usé du polynectar pour le ridiculiser) se changèrent en certitudes. Elle n'était pas mécontente de découvrir que le véritable Lucius restait digne et ne manquait pas d'humour. Elle allait peut-être même laisser ces fleurs en place, quitte à être décalée autant l'être complètement, si seulement cela pouvait apporter de nouveaux membres à la société le bénéfice n'en serait que plus grand.

Elle arriva donc tout sourire au comptoir, contrastant avec le visage grognon du nouveau venu. Elle était suivie de près par sa nouvelle employée : Eden, une jeune servante aux cheveux noir de jais et aux yeux gris presque bleus qui baissa la tête, l'air timide.

- Bonjour Monsieur Malfoy, dit Kane d'une voix claire, en quoi puis-je vous être utile ?

Il était assez curieux de le voir débarquer ainsi à l'improviste quand on savait qu'il pouvait se procurer n'importe quelle potion par l'intermédiaire de son ami le Professeur Rogue et Kane imaginait mal, même avec son esprit tordu, qu'il ai voulu lui offrir un cadeau d'anniversaire...
Eden regarda Kane avec respect, son air de poupée fragile dans sa tenue de serveuse donnait à la boutique un style encore plus étrange d'autant plus qu'elle ne parlait pas. Elle fit quelques gestes rapides, bougeant avec grâce ses longs doigts fins et Kane se tourna vers elle, visiblement importunée par son intervention.

- Pas question, tu vois bien que nous avons un client !

Eden baissa les yeux et ses joues se mirent à rougir. Kane regarda à nouveau vers le visiteur sans y prêter attention. Peut-être avait-elle commis une erreur en engageant à l'essai quelqu'un d'aussi frêle qu'Eden, en lui donnant sa chance elle avait pourtant été persuadée que celle-çi lui donnerait satisfaction et la naîveté ne faisait pas partie de ses défauts.

- Veuillez l'excuser, ajouta-t-elle, c'est la première fois qu'elle travaille.

Elle jetta un regard noir à son employée...

-...Peut-être même la dernière.

Eden ne bougea plus, comme paralysée par les paroles de Kane. La jeune fille avait les mains serrées sur son tablier blanc et s'était mise à trembler. Pour Kane, cet incident était à oublier au plus vite, il s'agissait de la seule erreur qu'elle pouvait tolérer à condition qu'il n'y en ai jamais plus d'autre.