[Oct.] Dans son arbre [PV Cyril] [Terminé]

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[Titre complet: Qui a dit que les Serdaigles poussaient dans les arbres? ]

La salle commune était une fois de plus trop bruyante, le bal faisait rire, comme si c'était en soi quelque chose de marrant. Ce n'était pas l'opinion d'Erin, que le bal était tellement important qu'il devait être le sujet de discussion favori de toute une école. D'accord, il fallait trouver un cavalier, c'était assez gênant comme situation, et après? Danser, Très peu pour la jeune Serdaigle qui de toutes manières ne savait pas danser. Puis la Grande Salle n'allait pas être silencieuse, il allait même y avoir un bruit d'enfer. Merci bien. Erin détestait le bruit. Elle aspirait au calme, qui était plus propice à la rêverie. En fait, on se demandait toujours si Erin n'était pas agoraphobe. Elle n'aimait pas être entourée. Dans les foules, elle avait l'impression de suffoquer. Elle ne supportait pas de voir les gens agglutinés les uns aux autres, se marchant presque sur les pieds, marchant à une cadence quasi militaire. Plus les gens étaient clairsemés, voire rares, et mieux c'était. Parce qu'Erin était quelqu'un de solitaire. On se plaignait souvent qu'elle ne savait pas s'amuser. Mais elle s'amusait bien sans les autres. Comment? Bien...En lisant. Erin aimait lire la poésie, surtout la poésie française. Elle ne lisait pas Baudelaire parce que ça faisait "cool" de lire la langue de Molière, mais parce qu'elle trouvait vraiment quelque chose de magique à sa poésie. Elle aimait lire le théâtre également, et son plus grand rêve était d'ailleurs de monter sur les planches. Mais avec sa timidité excessive, autant dire que c'était impossible.

Erin avait donc préféré fuir la salle commune pour venir se réfugier dans son endroit favori, le Lac. Elle aimait venir ici pour s'isoler, méditer, dessiner, écrire la poésie ou jouer du violon. Erin était en quête d'un endroit où elle pourrait s'installer. Elle remarqua un arbre, dont les branches étaient assez basses, pour qu'elle puisse les escalader aisément, sans que les branches ne cèdent sous son poids. Erin déposa son sac à dos au sol, dans l’herbe. Sa baguette magique posée sur une pile de livres aussi divers qu’insolites. Il y avait là les Fleurs du Mal, de Baudelaire, bien en évidence, en dessous du quel il y avait un livre traitant de la théorie Marxiste. Erin n’était pas du tout marxiste. Encore moins anarchiste. Elle n’était ni chrétienne, ni athée. Elle ne soutenait aucun mouvement quel qu’il soit, mis à part peut être l’A.D., mais c’était pas un mouvement en soit. Enfin, pour Erin, mouvement signifiait « action à grande échelle ». L’A.D. concernait un noyau réduit d’élèves. En fait, Erin n’était rien du tout. Dans tous les sens du terme. Elle était même plutôt insignifiante. Elle était timide, recluse. Fleur Bleue. Elle aimait le dessin, la peinture, elle admirait Rodin et Rembrandt. Elle aimait lire Shakespeare. Elle aimait écouter Mozart ou Beethoven. Erin était une artiste. Seule chose qui se détachait du reste, un peu trop fade, c’était son fichu sale caractère. Quand elle avait une idée, elle ne l’avait pas ailleurs.

A la fin de la pile de livres, il y avait deux ou trois grimoires traitant de Quidditch, et un livre sur les potions, non utilisé en classe. Appuyé contre la pile de livres, il y avait un carnet à croquis, représentant le paysage de Poudlard, inachevé. Ses chaussures étaient dans l’herbe, à côté de la pile de livres et du sac ouvert de la jeune femme. D’ailleurs, elle transportait toujours un tas de bazar, parfois des choses inutiles. Eh non, Erin n’était pas une pro de l’organisation, elle était même plutôt bordélique.

Erin lisait Marx pour sa culture personnelle. Des fois, elle parlait de sa lecture à Victor, qui esquissait une moue peu enthousiaste, en ajoutant -peut être plus pour lui faire plaisir que par réelles convictions- qu’il avait de grandes théories sur le sujet. Quand Erin l’interrogeait sur lesdites théories, Victor prétextait un rendez vous urgent, ou quand Erin parvenait à le coincer, Victor disait que sa théorie n’était pas encore au point. Connaissant bien son jumeau, elle se doutait bien qu’il s’en fichait totalement, de Marx!

Erin regarda l’arbre, qui était devant elle. Elle leva un bras, pour agripper la branche. Elle posa son autre main sur l’autre branche. Elle appuya ses pieds contre l’écorce du tronc. Elle se hissa sur la première branche. Elle se cala le dos contre le tronc. Elle prit son violon, et son archer. Elle commença à jouer, tout doucement, le Canon, de Pachelbel.Une musique qu’elle adorait. C’était d’ailleurs la première mélodie qu’elle a apprise. Son grand père paternel, Christopher, était chef d’orchestre. Il avait des bases en violon, il a appris cet art à sa petite fille. Erin en jouait depuis qu’elle avait six ans. Après, elle s’est perfectionnée, reproduisant les grands morceaux des maîtres du romantisme à l’oreille, faisant varier les tempos et jouant avec la même passion. Mais Erin ne jouait plus depuis un petit moment. Elle avait trop de souvenirs lié à cet instrument de musique. Erin déprimait depuis juillet dernier. Son hiver avait commencé quand Christopher est décédé. Depuis, Erin n’était plus la même. Maria essayait bien de la faire rire, mais le cœur n’y était pas. Elle avait du mal à l’accepter. Elle pleurait plus souvent, elle était plus vulnérable que jamais.

La première note du Canon trembla affreusement. Erin frotta une nouvelle fois son archer contre les cordes. Le son était très médiocre. Elle persévéra, et au bout du dixième faux départ, elle recommença à jouer la mélodie. Elle y parvint. Et la musique coula entre ses doigts, comme les souvenirs. Quiconque arrivait de loin verrait une jeune fille, vêtue d’une robe noire courte, une jambe pendant dans le vide, en train de jouer du violon dans son arbre.

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L'ambiance du château en ce mois d'octobre rappelait beaucoup au garçon l'année précédente, à la même époque. Les mêmes sourires entendus, les mêmes paroles faraudes sur les examens et les notes de fin d'année, la même effervescence à propos du bal. Il semblait pourtant que cette fois, on avait renoncé à le sociabiliser de force. Cela n'allait pas durer, Cyril le savait parfaitement mais il savourait à sa façon ce moment. Cette fois il allait inviter sa cavalière la veille. Pas question de répéter l'erreur de l'année passée.

La nuit ne tombait pas encore mais n'allait pas tarder. Les rides que le vent faisait naître sur la surface calme du lac en ce doux soir d'automne pouvait inviter à la rêverie. Mais Cyril n'était pas du genre à rêver.
Marchant sans hâte dans le parc, laissant le vent jouer dans ses cheveux en bataille, il effectuait l'action de se rendre d'un point alpha à un point béta. Il n'y avait dans cette impulsion, ni envie spéciale, ni besoin spécifique. Si on lui avait demandé pourquoi il était sortit, il aurait répondu "Pourquoi pas." Ou, plus vraisamblablement il se serait contenté de hausser les épaules. Il n'était pas plus mal ici qu'ailleurs.

Une pile de livres à l'abandon captura une seconde son attention. Devait-il s'en étonner ? Non, leur propriétaire ne devait pas être bien loin. La baguette posée sur la pile en témoignait. La musique du violon dans le vent le prouvait également. Jusque là, Cyril n'avait pas fait attention à ce bruit inhabituel. Mais maintenant qu'il cherchait quelqu'un, il lui fallait se concentrer dessus pour en déterminer l'origine.

Il commença par regarder naturellement autour de lui, puis, ne voyant personne, il leva la tête. Une jambe pendait dans le vide. Puis venait une courte robe noire qui couvrait un corps humain féminin. Des bras tenant un instrument. Des cheveux bruns. Les yeux clairs du garçon ne se posèrent sur Erin que le temps qu'il fallu à leur propriétaire pour déterminer l'origine de la musique.

Absolument pas surprit par la présence de la jeune femme sur la branche, il fit quelques pas en avant et s'adossa contre le tronc, les mains dans les poches. Il ne se demanda pas s'il connaissait ce morceau, ni de quel genre musical il s'agissait. Il se fichait pas mal qu'elle joue bien ou mal, qu'elle continue ou qu'elle arrête.

Devait-il dire quelque chose. Hum. Il n'avait rien à lui dire. Il ne la connaissait pas particulièrement. N'avait pas envie de la connaître. Ni de lui parler.

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Pachelbel, le violon, les souvenirs donnaient à Erin l'air d'être dans un état second. La Rêveuse avait posé ses yeux marron sur la surface du lac, seulement agité par une légère brise automnale. L'automne était la deuxième saison préférée d'Erin, avec l'hiver. Elle aimait moins le printemps, sauf quand c'était Vivaldi qui le jouait. D'ailleurs, elle s'arrêta de jouer Pachelbel. Lui fut infidèle. Commençant à jouer Le Printemps, de Vivaldi. Le morceau était moins triste, et moitié moins chargé de souvenirs. Elle était heureuse, la tristesse avait été éclispée. Certains prenaient leur pied à être en couple. Certains étaient heureux en restant à contempler les étoiles. D'autres se complaisaient dans leur art, les yeux brillants, alors qu'ils peignaient et dessinaient. Il suffisait juste qu'Erin entende des notes de violon pour être heureuse. A chacun sa manière d'être heureux. Erin était pas spécialement épicurienne. Elle ne soutenait pas le "carpe diem". Elle était plutôt du genre à tout planifier. Soit. Si elle était contente comme ça.

Erin trouvait également son bonheur à jouer au Quidditch. Voler sur un balai procurait des grands frissons, des sensations uniques. Icare en avait rêvé, les Sorciers l'ont fait. Une mèche rebelle s'invita sur le visage laiteux de la jeune femme. Elle ne s'en soucia guère. C'était pas la première fois que cette fichue mèche rebelle jouait les troubles fêtes. Erin n'avait pas le courage de la couper. Mais cette mèche d'ébène l'agaçait particulièrement quand elle s'invitait dans son champ de vision, surtout quand elle était en train de jouer au violon. Car quand elle faisait autre chose, elle pouvait aisément la repousser, mais quand elle jouait, remettre la mèche rénégate à sa place signifiait s'arrêter de jouer. Irritée, Erin s'arrêta. D'un geste énervé, elle mit la mèche de cheveux derrière son oreille, et elle reprit sa mélodie, sans se soucier pour le moins du monde de la personne qui approchait.

Décidément! Ils s'étaient ligués contre elle pour venir l'enquiquiner ou quoi? D'abord les cheveux, puis...ce type. Erin n'arrivait pas à voir qui c'était de là où elle était, il était de dos, et puis elle n'en avait rien à faire. Na! Elle regretta un instant d'avoir laissé sa baguette magique sur le tas de livres qui était bien évidemment hors de portée. Elle décida d'essayer un truc. Elle bloqua sa robe sous ses genoux, et elle essaya d'attraper la baguette, alors qu'elle se tenait à la branche avec ses jambes. C'était assez périlleux comme situation, bien tordu comme idée, mais c'était las la première fois qu'Erin expérimentait le cochon pendu. C'était drôle de voir le monde la tête à l'envers. La jeune Serdaigle vit une silhouette non loin de son arbre. Le type qu'elle avait vu de loin tout à l'heure était à présent tout prés d'elle. La jeune fille tendit le bras vers sa baguette, jusqu'au cas où. Mais elle s'étira beaucoup trop, et...boum! La Serdaigle tomba de son arbre comme un fruit trop mûr, à plat dos.

Elle en eut le souffle coupé. Hum, elle espérait juste qu'il ne l'ait pas vue. Sinon, elle se sentirait affreusement gênée, car une fois de plus, tentée par Mamzelle Paranoïa, elle s'était laisser couvrir de ridicule. Elle afficha un sourire embarrassé, puis elle se releva en grimaçant, en s'appyant contre l'arbre qui était le responsable de sa chute. Elle se frotta la nuque, endolorie. Elle chassa une feuille morte de ses cheveux, puis elle bondit sur sa baguette. Dans sa hâte, son carnet de croquis tomba de sa pile de livres, révélant une partie de son contenu.

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Mouvements, originalité, accrobaties. Et chute. Cause, Conséquence. Cyril ne bougea pas d'un milimètre llorsqu'Erin commença à s'agiter. Pas plus qu'il ne fut surprit de sa tentative et de ce qui en découla. Tout semblait s'enchaîner comme les maillons d'une chaine. Le passé avec le présent, le présent avec le futur. La gravité elle-même s'en mêlait. Pas de quoi en faire tout un plat.

Il l'avait vu puisqu'il la regardait mais rien dans son visage ne montrait une quelconque emotion ou reconnaissance. Il l'avait vue comme une caméra voit une scene, sans sentiments, sans passions, sans pensées.

Il ne fit d'ailleurs pas un geste pour l'aider à se relever. Ce mouvement aurait impliqué une compréhension de l'univers qui l'entourait et il n'avait pas envie d'aller jusque là. Et puis elle allait bien, la preuve, elle venait de se relever. Les yeux du garçon suivirent ses mouvements, presque vaguement. Elle avait bondit sur sa baguette, comme un lapin dans son terrier. Un de ses livres s'échappa dans le sens inverse et vint s'ouvrir juste aux pieds du serdaigle.

Son attentin fut alors totalement attirée par les croquis. Le dessin était l'une de ses trois choses qui faisaient vibrer son âme et le rendaient vivant. Il se baissa doucement, attrapa le carnet et le porta devant ses yeux plus brillants que d'habitude. Il regarda un à un les differents dessins, puis ferma le carnet et le tendit à Erin. Pour la première fois, il la regarda bien en face. Il avait presque envie de communiquer.

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*Jésus Marie Joseph!*

C'était tout ce qui en résulta de la pensée d'Erin quand son précieux carnet tomba aux pieds de son camarade de Serdaigle, ce foutu carnet qui avait eu la super bonne idée de s'ouvrir pile poil à l'endroit où elle avait dessiné une petite fille, aux longs cheveux, dans un champ de blé, en train de jouer du violon. Oups. C'était pas prévu au programme. La jeune Serdaigle paniqua. Oh! Seigneur! Son camarade ramassa son précieux bloc à dessin. Elle le regarda, tétanisée, regarder ses dessins, ses fichus dessins, qu'elle aurait voulu qu'ils disparaissent maintenant, tiens! Parce qu'ils exprimaient quelque chose de personnel. Parce qu'ils étaient loin d'être parfaits, parce que ses traits étaient encore hésitants, de travers, parfois irréguliers. Ses personnages avaient toujours un air mélancolique, la mélancolie se dégageait d'un dessin à première vue innocent. Erin se mordilla la lèvre inférieure, embêtée. Elle aurait voulu reprendre son carnet et le planquer, comme une furie, mais...elle le regarda à son tour, derrière son voile de gêne et de fausse pudeur. Elle essaya d'oublier qu'il feuilletait une partie de son jardin secret. La gamine sur le dessin la représentait elle. Mais ça on n'était pas censés le savoir. Le plus insolite, c'était que son camarade appréciait visiblement de regarder ses croquis. Il prit la patience de tous les regarder, d'un air plus ou moins neutre, sans s'attarder dessus. Erin, si elle avait été un personnage de cartoon, on aurait pu voir une grosse goutte à côté d'elle. Elle tortillait ses doigts, et se mordillait la lèvre inférieure, embêtée, gênée. Puis, elle s'efforça de garder un air neutre quand il la regarda bien en face. D'un air toujours absent.Il lui tendit son carnet. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle se contenta de balbutier.

M...Merci.

C'était tout. Erin ne semblait pas plus disposée que ça à faire la conversation. Elle n'était pas douée pour la tchatche. Elle laissait ce talent à son frère. Erin était comme son grand père: incapable de dialoguer. Incapable de tenir une conversation. Incapable d'en mener une. C'était drôle les similitudes qu'il y avait entre Christopher et elle. Erin s'était retrouvée en la personne d'un grand père âgé de 80 ans. Elle se mordilla pour la énième fois la lèvre inférieure, peu habituée à une vie sociale. La Serdaigle serra son carnet contre elle. Sans un mot, elle le casa dans son sac turquoise, au milieu de son fourbi. Elle ne voulait rien dire, de peur de proférer des imbécilités. Erin s'était déja assez ridiculisée comme ça.

Je euh...je suis désolée de m'être comportée comme une furie...Je suis Islandaise.

C'était son excuse. Pour ses défauts de prononciation. Pour son sale caractère. Erin, dans ces moments là, avait tendance à se cacher derrière son petit doigt. Merlin! Elle voulait s'enfuir à toutes jambes, mais elle ne put bouger. Ne put rien faire, mis à part de regarder son interlocuteur, avec toute la gêne dont elle était capable, et les gestes stressés et anxieux qui allaient avec.

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Les mouvements nerveux que faisaient Erin, probablement sans s'en rendre compte elle-même perturbait un peu l'adolescent. Il avait feuilleté le carnet, regardant les dessins un par un, notant la mélancolie qui s'en dégageait un peu comme un electrocardiogramme peut mesurer la nervosité d'une personne. Chaque dessin avait le droit à x minutes d'attention, puis il passait à un autre. Rien sur son visage ne montrait autre chose que de l'attention. Même le mouvement de ses paupières pouvait paraître mécanique dans ce visage par ailleurs immobile.

Derrière ce masque, Cyril n'avait pas grand chose à cacher. Il avait envie de corriger quelques traits mais avait assez de savoir vivre pour ne pas le faire. Par contre il était loin d'imaginer a quel point ce qu'il venait de faire avait été éprouvant pour sa camarade. Pour lui, un dessin n'était rien d'autre qu'une représentation graphique manuelle de l'extérieur. Un peu comme une photo, mais avec un crayon.

"M...Merci."

Il ramena son bras le long de son corps sans répondre. Il n'avait jamais aimé la formule 'de rien'. Elle ne voulait rien dire du tout et n'était donc qu'un gaspillage de temps et de salive. Si elle voulait le remercier pour ce qu'il avait fait, ce n'était pas lui que cela gênait.
Il se contenta d'incliner presque imperceptiblement la tête puis de la relever.
Il lui semblait que son esprit était vide ou plutôt remplit d'un brouillard blanc. Il avait l'habitude de cet état de fait mais cela ne l'aidait pas lorsqu'il était tenté de dialoguer. Il ne voyait absolument rien qui vaille la peine de parler. Même pas les dessins, qui pourtant l'avaient intéressés quelques minutes auparavant.

"Je euh...je suis désolée de m'être comportée comme une furie...Je suis Islandaise."

Une lueur de surprise dans ses yeux clairs. Il n'avait pas remarqué qu'elle s'était comportée plus étrangement que les autres adolescents. De toute façon il ne les comprenait pas alors. Mais surtout, il ne voyait pas du tout ce que le fait d'être Islandais venait faire là. Il était connu que les Irlandais et les Ecossais aient mauvais caractère mais il n'avait entendu aucune rumeur concernant les habitants de cette île froide qu'était l'Islande.

"Pas de mal."

Qu'est ce qu'elle pouvait bouger ! Elle avait l'air tellement anxieuse que s'en était presque agressant pour lui. Et cette façon qu'elle avait de le regarder, comme si elle attendait quelque chose de lui. Une remarque sur ses dessins ? Sur son origine ? Sur son attitude ? Qu'il s'en aille ? Qu'il la rassure ? Si seulement elle pouvait être plus claire ! Ou en tout cas plus calme.

"Calme toi."

Sa voix était aussi inexpressive que son visage. Il ne s'inquiétait pas vraiment pour elle mais toute cette agitation l'agaçait un peu. Et puis il voulait qu'elle comprenne qu'il n'avait aucunement l'intention de lui faire du mal, de la blesser, de se moquer ou d'aller raconter des âneries aux autres. Ce n'était pas son genre.

"Je ne dirais rien."

Et pour cause, il était une tombe.

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Erin émergea de son déluge de réflexions. Enfin, si on pouvait prétendre qu'elle réfléchissait. Ses pensées n'étaient même pas cohérentes, elles ne garantissaient aucun plan pré-établi, n'obéissaient à aucune logique. Erin était la preuve empirique que des filles réputées pour leur logique et leur sang froid devenaient toutes choses dès que quelque intrus osait s'approcher de trop près de son jardin secret. A force de maintenir ses paupières fixes, ses yeux s'asséchaient, elle mourait d'envie de cligner des yeux, mais elle savait que si elle commençait, elle ne pourrait plus s'arrêter, clignant des yeux nerveusement, presque comme si elle avait eu des tics. Aprés s'être mordillé la lèvre inférieure pour la énième fois, elle se fit à l'idée qu'il avait pu voir ses dessins. Victor, voyant sa "petite soeur" dessiner, il s'insurgeait: "Quoi? Tu dessines? A quoi ça sert si tu ne les montres pas?" Parce que selon Victor, un dessin était fait pour être montré, exposé. Mmh, il ne fallait pas non plus confondre carnet de croquis avec musée. Elle n'avait pas le trait de crayon de Leonard Da Vinci, elle aurait été incapable de dessiner l'homme de Vitruve, elle était d'ailleurs incapable de dessiner des personnages correctement. Erin avait encore des progrès à faire question proportions.

Erin commença à s'inquiéter du silence de son interlocuteur. Qu'avait t'il pensé? Allait t'il critiquer? Se moquer d'elle? Agir comme un idiot? Mais son absence de réation était encore plus inquiétant que les trois autres possibilités envisagées. Elle attendait en fait une critique qui ne vint pas. Tant mieux. Ou bien tant pis. De toutes façons, si ça se trouvait, il n'y connaissait rien, en matière d'art. Si ça se trouvait, c'était juste un touriste qui regardait le carnet de la jeune Serdaigle comme n'importe quel féru d'art lambda regarderait les tableaux d'un musée. Il ne dit rien non plus quand elle s'excusa. De son comportement, de sa nervosité. De...De tout, en fait. Depuis le début de la conversation, trés peu de mots avaient été échangés, et devait t'on considérer cela comme étant inquiétant? Peut être pas. Peut être que Cyril était aussi doué qu'elle en couversation. Si c'était le cas, d'ici trois heures, la conversation en serait toujours au même point, c'est à dire au point mort.

Machinalement, elle s'attaqua à son ongle de pouce. Voilà qu'elle se rongeait les ongles maintenant! Erin grimaça en sentant des picotements désagréables dans son pouce. Elle avait attaqué son ongle trop loin. Et désormais, elle avait un goût cuivré dans la bouche, un goût de sang. Erin arrêta. Elle sortit un mouchoir propre de sa poche, et elle l'enroula autour de son doigt. Elle se passa une main dans les cheveux, plantée là, comme une idiote. En fait, Cyril aurait trés bien pu contempler un platane, ça reviendrait au même. D'ailleurs, Erin était juste un platane assez nerveux. Les feuilles agitées par le vent. Et accessoirement par l'anxiété. D'ailleurs, c'était anxieux un platane? Sûrement pas.La comparaison tomba alors à l'eau. Et, pile à ce moment là, aprés un long silence, Cyril se décida enfin à ouvrir la bouche.

"Pas de mal."

Puis, pouf! plus rien. Juste le silence, et le vent qui faisaient s'agiter les branches de l'arbre duquel Erin était tombée quelques instants plus tôt. Des feuilles mortes volèrent autour d'eux. Soudainement, Erin eut trop froid. Elle aurait dû s'habiller plus chaudement. Là, elle allait cailler! Puis, quelque chose extirpa la jeune Serdaigle de ses sombres pensées.

"Calme toi!"

Gné? Erin s'empourpra. Comme si lui faire une remarque sur sa nervosité allait la calmer! Au contraire, elle sembla tenir beaucoup moins en place. C'est malin! Elle déclara d'une voix hachée, qui se voulait pourtant assurée.

Je suis parfaitement calme!

Toute nerveuse qu'elle était, Erin avait répondu de manière glaciale. Elle regarda ses pieds. Elle avait oublié qu'elle avait ôté ses chaussures. Le vent agita une nouvelle fois ses cheveux d'ébène. Elle écarquilla les yeux quand il dit qu'il ne dirait rien.

Ah bon?

En fait, elle ne savait pas si elle devait être rassurée ou inquiète. Problématique.

Je suis Erin. Erin Milena Van Hall.

Tsss, le rituel. Il devait certainement être au courant. Mais, c'était une manie. De se présenter aux gens qu'elle ne connaissait pas vraiment. Erin n'ajouta pas qu'elle était batteuse, encore moins qu'elle était préfète. D'ailleurs, l'insigne, épinglé à une bretelle de robe en témoignait. Puis, estimant qu'elle n'avait rien à dire, elle décida de remonter dans son arbre, agilement, puis, de s'asseoir sur la branche à califourchon. Son regard rêveur se perdit au loin, et elle se mit à fredonner un air, distraitement.

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Battement de paupière. Une partie de l'esprit de Cyril était à des milliers d'années de là, dans cette brume blanche et spectrale qui était une partie de son être.
Une autre partie analysait les moindres mouvement de son interlocutrice et du décors. Pas pour interragir avec mais juste pour les relever. Les yeux fixes de la brune, les mains qui se todaient, les ongles rongés, le sang sur le pouce, le mouchoir servant de pansement, les pieds nus, le vent dans les feuilles du platane.

Battement de paupière. Pour s'humidifier l'oeil mais également réagir à l'agressivité de la réponse d'Erin. Il lui avait juste demandé de se calmer. Pourquoi réagissait-elle ainsi ? En rougissant, pietinant sur place, mettant les mains sur ses hanches ? Battement de paupière.

"Je suis parfaitement calme!"
"Ah"

Simple accusé de réception. Information notée dans la base de donnée. Elle était calme. La voix froide n'était donc pas une indication d'enervement. Battement de paupière. Elle avait l'air surprise là pourtant avec ses yeux écarquillés. Allait-il oser le relever ou allait-il se tromper à nouveau ? Mieux valait ne pas prendre de risques.

"Ah bon?"

Il hocha la tête pour confirmer son intention de ne rien réveler. Il ne parlait pas de toute façon et le nombre de mots à utiliser pour raconter que la jeune fille était sur une branche a jouer du violon avant de tomber sur le sol, laissant échapper son carnet de croquis qu'il avait regardé avant de lui rendre était bien trop élevé. Sans compter le fait qu'il ne voyait pas franchement qui cela pourrait intéresser. Et ne parlons même pas de la nationalité Islandaise et du calme. Battement de paupière. S'imaginer en train de communiquer comme ça lui était désagréable. Battement de paupière. Très mauvaise image.

"Je suis Erin. Erin Milena Van Hall."
"Je sais."

Il ne se présenta pas. Pas la peine, cela faisait six ans maintenant qu'ils partageaient les même cours et la même salle commune. Sans compter qu'elle était préfète, la seule de sa maison. Il ne pouvait pas vraiment ne pas la connaître. Et il était peu probable qu'elle ai oublié son nom même s'ils ne s'étaient jamais réellement parlés. Battement de paupière. Et même si elle ne l'avait pas retenu, cela n'avait aucune importance.

Hum. Elle était remontée sur l'arbre pendant qu'il ne regardait pas et fredonnait à présent. Voila ce qu'il ne comprenait pas chez ses condisciples. Ce besoin insatiable de bouger, de faire du bruit, et d'exprimer ses sentiments et sensations. Lui n'avait aucune envie de partager le peu de chose qu'il ressentait. C'étaient des trésors qu'il gardait pour lui.
Battement de paupière. Ce n'était pas le violon sur le sol ? Et l'archet qui était avec ? Cyril fit un pas en avant et se saisit délicatement de l'instrument sur lequel il posa une seconde ses yeux couleur pluie.

Battement de paupière, quart de tour a droite, un pas. Un bras qui se tend. Cyril posa le violon sur la cuisse d'Erin mais sans le lacher pour qu'il ne tombe pas. La main blanche du jeune homme ne frôlait même pas la robe de l'adolescente. Battement de paupière. Il laissa son regard se poser sur le visage d'Erin, inexpressif.

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La fuite pouvait toujours être le meilleur moyen de sauver sa peau. Erin n'en doutait pas une seule seconde. Fuir permettait d'éviter les problèmes, le repli était garanti de sûreté. Mais en contrepartie, même si on avait la vie sauve, aprés, on traînait une réputation de lâche. Erin n'était pas vraiment du genre à braver les interdits, affronter le danger sans peur et sans reproches. Erin était plutôt du genre à se cacher, à se protéger, à accuser les coups sans jamais répliquer. C'était sa force, mais aussi sa faiblesse. Parce qu'Erin n'était pas quelqu'un d'offensif, elle pouvait se faire attaquer facilement. Elle ne faisait pas peur. Elle n'impressionnait pas. On ne voyait là qu'un petit bout de femme voulant faire sa loi sans jamais y parvenir.

Certains se demandaient ce qui avait poussé Erin à se présenter en tant que préfète. Parce qu'il fallait l'avouer, elle n'avait pas vraiment l'autorité pour. Certains disaient que c'était pour la postérité. Il était vrai que les préfets restaient dans l'histoire de Poudlard, mais la postérité n'intéressait pas Erin. En fait, il aurait fallu que la jeune Serdaigle descende de son petit nuage tout rose, tout sucré, pour affronter une réalité qu'elle a longtemps cherché à fuir, à grands renforts de films à l'eau de rose ou de romans relatant la noble quête du Graal.

Prendre la réalité à bras le corps ne se faisait pas en un seul jour. Cela commençait par prendre des postes à responsabilités. Des postes où on avait des choses à accomplir, où on se devait de faire ses preuves. Pas seulement pour se faire respecter, mais pour être un exemple. Parce que Préfet+insigne=exemple. Un préfet était un exemple, il avait certes du pouvoir, mais il restait l'égal des autres élèves. Ca voulait dire qu'un préfet n'avait pas forcément un traitement de faveur, il était juste choisi pour son comportement exemplaire. Et certainement à cause de ça. Sûrement, même.

Alors que son condisciple ne répondait que par monosyllabes, Erin répondait par un vieil air d'AC/DC, une mélodie que Lazare écoutait souvent à ses heures perdues. Le titre de la chanson, c'était Highway to Hell. Un air super connu, mais tellement vieux...C'était quand le rock américain était à son apogée et quand il avait vu fleurir des groupes tels que les Scorpions ou autres. Mais Erin n'était pas superbement attirée par ces groupes là, elle préférait la musique classique. En fait, à ce moment là, elle n'était pas disposée à parler à son camarade, elle n'avait rien à lui dire, rien en commun avec lui, alors d'ici à trouver un sujet de conversation...Mieux valait feindre l'indifférence, non? Mais ignorer quelqu'un qui était en face de soi était d'une extrême impolitesse. Eydis aurait fait les gros yeux et elle aurait grondé sa fille en disant "on regarde les gens quand on parle".

Oui, mais Erin avait là tout l'air de s'en moquer complètement, de son camarade, et là, elle n'aurait pu nier l'évidence. Elle était en train d'ignorer sciement son condisciple. Mmh, pas trés sociable la Erin. Mais Erin, sans être pour autant asociale, n'avait pas toujours aimé la compagnie des gens. En fait, elle pensait qu'il valait plutôt être seule que mal accompagnée. C'était un fait. Même si les dictons populaires ne déblatéraient pas des vérités absolues, il y avait une part de vérité.

Mais, quelque chose se produisit. Son camarade venait de lui tendre son instrument. Pour quoi faire? Elle avait arrêté de jouer. Si elle n'avait pas repris son instrument avec elle, c'est qu'elle ne voulait plus jouer pour le moment, non? Elle lui jeta un regard suspicieux, puis un regard froid. Elle s'empara de l'instrument, sans y toucher par la suite. Erin repoussa la mèche de cheveux derrière son oreille, puis elle appuya sa tête contre son arbre. Soudainement énervée, elle sauta à terre, elle se planta devant Cyril et elle déclara d'une voix forte, et glaciale.

Qu'y a t'il? Tu veux parler? Eh bien, on va parler.

Et elle se risqua à le regarder droit dans les yeux. Elle se ravisa soudainement, ce qu'elle y avait vu l'avait effrayée. Pour un peu, elle en aurait eu peur.

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Le moins que l'on puisse dire c'était que l'adolescent était à mille lieux d'imaginer les pensées de fuite qui traversaient l'esprit de sa camarade. Il était là. Sans aucune raison particulière, et lorsqu'il partirait, ce serait sans plus de raisons. Quand à l'endroit où il irait à ce moment là, il n'en avait aucune idée et ne s'en souciait pas plus que des états d'âmes de la préfète.

Il écouta le nouveau morceau sans manifester d'émotion particulière. Personne, pas même lui, n'aurait su dire s'il appréciait ou non la musique, s'il se sentait transporté par son rythme ou l'émotion qui s'en dégageait. Quoique concernant ces deux derniers points, la plupart des gens auraient voté contre. Il était difficile d'imaginer Cyril se laisser emporter par quoique ce soit. Tenez, par exemple, il était en train de se faire superbement ignorer et ne semblait pas s'en rendre compte.

D'ailleurs c'était le cas. Le silence, l'absence de regards ou de marque d'interêt ne semblaient absolument pas impolies à l'adolescents. Elles étaient juste la manifestation d'un fait extrêmement précis. *Je n'ai rien à te dire ou à te communiquer pour le moment*. Ni plus, ni moins. Pourquoi devrait-on prendre mal lorsque quelqu'un avait rien à vous dire ? C'était aussi incompréhensible que le besoin vicéral de parler qu'avait ses condisciples ou les mouvements involontaires de leurs muscles incapable de rester immobile. Aussi incompréhensible que la colère soudaire d'Erin qui sauta à bas de son arbre pour le regarder droit dans les yeux et lui parler d'une voix glaciale.

"Qu'y a t'il? Tu veux parler? Eh bien, on va parler."

Il lui rendit son regard, atone, immensité couleur de pluie que rien ne venait troubler. Pas le moindre interêt/curiosité/peur/surprise/colère ou autre sentiment montrant qu'il interragissait avec le monde extérieur. Un vide abyssal et tout au fond de ses prunelles, le reflet inversé d'Erin qui s'imprimait sur sa rétine. Cyril ne bougea pas un muscle. Fantôme, spectre, miroir, ou les trois à la fois, il appartenait bien peu au monde des vivants.

"Parler ?"

Elle se trompait totalement. Il n'avait pas envie de parler. Il voulait écouter la musique c'était tout. Oh pas au point de lui demander de jouer plus clairement qu'il venait de le faire mais tout de même un peu. Mais parler surement pas. Pour commencer il n'avait rien à dire. Pourquoi les gens prenaient-ils toujours ses silences pour des offenses ou des reproches ?

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Chose incroyable, Erin avait presque agressé le jeune Serdaigle. Peut être que Mademoiselle Van Hall avait un côté fou furieux en elle. Peut être qu'elle lui avait fait peur. Erin avait toujours préféré fréquenter les garçons aux filles. Parce que quand on parlait avec un garçon, c'était toujours avec franchise. Parce on pouvait taper sur un garçon, et ils trouveraient ça mignon. Parce que si on avait le malheur d'agresser une autre fille, on risquerait d'être inculpé à perpétuité pour tentative d'homicide. Erin n'exagérait pas en pensant cela. Certaines se permettaient de jouer les madames qu'il ne valait mieux pas offenser, sinon on risquait de passer un sale quart d'heure. Peut être qu'Erin préférait rester avec les garçons simplement parce qu'elle avait grandi avec six grands frères.

Quand Erin parlait avec des garçons, il n'y avait ni ambiguités dans ses propos, ni yeux qui pétillent, ni la drague au bout des doigts. En fait, elle était naturelle. Elle n'en faisait ni trop peu, ni pas assez. Elle n'était qu'extrêmement timide et complexée quand elle était face à un garçon qui lui plaisait. Elle n'était rougissante et bégayante que quand elle était amoureuse. Elle était par contre toujours prude et coincée. Et ça, c'était avec n'importe qui. La faute à ses parents conservateurs et trop à cheval sur leurs valeurs.

Présentément, Erin était ni avec un garçon qui était susceptible de lui plaire, ni avec un bon copain avec qui elle pourrait se montrer détendue et rieuse. En fait, dans ces cas là, elle feignait l'indifférence, et se montrait froide. Parfois agressive. Peut être que ça avait des fins dissuasives. Mais elle savait bien que Cyril n'était pas un coureur de jupons, pas comme ce prétentieux d'Azraël ou cet imbécile de Cennyd Mc Ayr. Elle ne risquait donc rien.

Erin n'était pas pour autant disposée à rompre le silence. Elle était avare de paroles. Chaque mot pesait son poids. Elle prenait son temps pour peser chaque mot, et simuler l'impact qu'ils auraient sur son interlocuteur. Elle préférait parler pour marquer les esprits plutôt que de parler pour dire de parler, et finalement pour ne rien dire. Erin détestait les paroles en l'air, les hypothèses fumeuses, les théories fumantes et foireuses, les fausses promesses et autres aberrations. Erin réfléchissait peut être un peu trop, elle n'était pas spontanée, et elle pourrait se faire passer pour hypocrite. Alors qu'elle était franche. Elle réfléchissait, c'était tout. Parfois elle se perdait dans ses réflexions. Comme là, par exemple. Elle continuait d'ignorer son camarade tout en continuant ses récriminations intérieures. Enfin, récriminations était un bien grand mot, Erin ne se révoltait contre rien en ce moment, enfin si, contre le silence de son camarade et son manque de respect à elle. Que dirait son père si il la voyait? Il la fusillerait du regard, c'était certain.

"Parler ?"

Erin cligna des yeux,,sidérée. Parler? Il n'avait pas compris visiblement. Ca ne se voyait donc pas qu'elle était pas disposée à parlementer ou polémiquer? Ou les deux à la fois? Bref, Erin voulait garder le silence. Elle regarda le Tribunal-Cyril comme si elle était l'accusée et lui Son Honneur. Elle pinça les lèvres, lui jeta un regard noir, puis elle recommença à jouer. Puisqu'apparamment c'est ce qu'il voulait, il voulait l'entendre jouer? Il allait être servi. Elle se mit alors à jouer Le Lac des Cygnes, de Tchaïkowsky, tournant délibérément le dos à son camarade, ses cheveux noirs tombant sur ses épaules dénudées.

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Parler. Action de former des mots en modulant les sons provenant des cordes vocales avec sa bouche dans le but de communiquer un message précis à une autre personne. Parler. Action de tuer un silence apaisant pour transmettre des informations parasites encombrant le cerveau et embrumant les pensées.
L'orateur était un meurtrier. Il tuait le silence en occupant l'espace autour de lui. C'était un envahisseur, un barbare venu de contrées insoupçonnées (et le plus souvent proches) pour prendre quelque chose qui ne lui appartenait pas.

Et l'être humain, de par sa nature même, était l"un des plus puissant orateur qui soit sur terre. Ce qui en soit n'était pas étonnant car il s'agissait également de l'un des plus grand destructeur. Cyril, lui, aimait le silence. Il se sentait en paix avec ce genre d'ambiance. Aimait la façon qu'il avait de tomber brusquement comme s'il était toujours là, à attendre le bon moment. Il aimait savourer ses différentes saveurs. Les silences légers des moments de joie, ceux plus lourds emplis de gêne, ou encore ceux comme ici, chargés d'incompréhension et d'agressivité.

Il lui rendit son regard, neutre, et écouta sa musique. Voila qui lui parlait bien plus que tous les mots ou toutes les mimiques du monde. Cyril était un artiste dans l'âme. C'était comme cela qu'il communiquait la plupart du temps et il comprenait ce genre de message plus que n'importe quel orateur. La musique d'Erin renvoyait une impression de gêne et de colère qui fit réfléchir l'adolescent. Qui se mit à bouger. Un pas. Un second. Un troisième pour aller vers les affaires de la jeune fille. Il avait repéré dans son carnet de croquis une feuille volante, vierge. Il s'en saisit sans se dire une seule seconde qu'il aurait du demander la permission, prit un crayon dans sa poche et retourna auprès de son arbre. Là, toujours aussi imperturbable, il posa la feuille sur l'écorce et se mit à dessiner Erin, de dos, jouant du violon.
La rugosité de son support faisait trembler ses traits.

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Erin était aussi sociable que son grand père Christopher. C'ést à dire pas grand chose. Elle préférait vivre recluse, avec ses livres, avec son chat, avec ses idées en vrac et son idéalisme. Elle préférait évoluer dans son monde plutôt que de s'entêter à vouloir rester sur Terre. Eydis avait tout tenté pour la ramener sur Terre. En retour, Erin s'était encore plus montrée évaporée, toujours armée de son romantisme un peu désuet, elle avait préféré vivre dans un monde assez rose plutôt que dans un monde qui noircissait à vue d'oeil. Le résultat n'était pas franchement artistique, et pas non plus franchement pittoresque. En clair, le monde devenait une de ces choses qu'on voyait à longueur de journée mais dont on finissait par se lasser un jour ou l'autre. Erin le comprenait. Et ce n'était pas une fatalité.

En jouant les notes de Tchaïkowsky, Erin réfléchissait, ou plutôt divaguait, parce que ses pensées n'étaient pas assez rationnelles et ordonnées pour être une réflexion digne de ce nom. Puis, elle se lassa bien vite de son morceau. Le vent glacé soufflait dans ses cheveux, remontait le long de ses jambes, faisait flotter sa robe noire. On aurait dit une sorte de Marilyn Monroe. Mais Erin n'avait rien d'une Marylin Monroe, pas une once de sensualité, pas une once de malice, juste ce petit air triste et ce regard profond dont elle ne savait jouer. Marilyn Monroe était quelqu'un. Erin n'était personne. C'était là la seule différence qu'il y avait, et le fait que Cyril se mette à la dessiner n'y changerait strictement rien.

[HJ: Désolée pour la qualité pitoyable du post, mais j'avais franchement pas d'idée..]

Invité

Etre quelqu'un. Ou n'être personne. Quelle importance ? Etre en soit n'était pas vraiment intéressant. C'était une fatalité. On ne pouvait rien y faire, on était. On était vivant ou mort. On était grand ou petit. On était bavard ou discret.
Tandis que s'achevait le morceau, l'esprit de Cyril était aussi vide que l'espace entre deux atomes. Le jeune serdaigle ne pensait pas. Il ne divaguait pas non plus. A peine s'il était en vérité.

Le silence s'abattit à nouveau sur le couple. Même le vent avait arrêté de faire bruisser les feuilles, tout occupé qu'il était à jouer avec la jupe d'Erin. Les oiseaux s'étaient tus durant le morceau, l'eau du lac clapotait en silence sur la rive, les insectes ne bourdonnaient pas, et seul le bruit du crayon sur la feuille du jeune homme semblait perturber la scène.

Le portrait était quasiment fini. Pas de sensualité, pas de tristesse non plus. Une légère mélancolie, une grande solitude, mais également le besoin de s'affirmer et de montrer au monde qu'elle existait et qu'elle était un être intellogent, original, vivant et unique comme chaque être humain de cette planète. Voila ce qui s'échappait des mèches folles, des yeux brins et du petit sourire de l'Erin représentée sur la feuille.
Les traits, rendus tremblants par l'écorce, donnaient une impression d'inachevé, comme s'il fallait encore du travail pour qu'Erin soit réellement Erin. Les ombres (toujours a cause de la rugosité du support) étaient comme mouchetées de lumières ce qui rendait encore plus les émotions que Cyril avait voulu mettre dans le portrait de la jeune fille.

Car Cyril n'avait pas mit une once de lui dans ce dessin. Au contraire, il avait renvoyé tout ce qu'il avait reçu d'elle. Comme un miroir qui renvoyait votre reflet car il refuse la lumière que vous lui apportez. Comme un spectre, qui, transparent et neute, n'est rien d'autre qu'une sorte de projection mentale d'une âme n'acceptant pas la mort et donc plus à même de comprendre les autres âmes. Comme un reflet qui s'il reste objectif, ne s'adresse qu'aux yeux de celui qui le regarde.

Il ajouta un dernier détail et tendit son oeuvre au modèle, sans se soucier de signer. Après tout ce n'était qu'un dessin. Aucun interêt.

Invité

Servir de modèle quand on était soi même dessinateur avait quelque chose d'insolite. Si un dessinateur traçait sur sa feuille les traits principaux de son sujet à grands gestes, le modèle, lui, devait rester statique, le temps que l'oeil de l'artiste capte impeccablement la pose que le modèle avait adoptée. Dessiner quelqu'un pouvait prendre cinq minutes comme ça pouvait prendre trois heures. Cinq minutes quand on pouvait retenir chaque éclat de lumière, chaque jeu d'ombres, chaque plein et chaque délié, afin de rendre son dessin le plus vivant possible. On y passait trois heures quand on voulait dessiner le moindre détail: les reflets d'une mèche de cheveux se balançant dans le vent, l'éclat mélancolique d'un regard, le teint pâle, l'expression lointaine d'un rêveur, une jambe galbée qui se balançait, un jupon qui se balançait au gré du vent. Celui qui voulait réussir son dessin se devait de représenter chaque détail, de s'approprier la moindre étincelle qui se dégageait du modèle. Mais à vouloir tout représenter, trait pour trait, nuance pour nuance, reflet pour reflet, on s'éloignait un peu plus de la réalité, pour faire quelque chose de personnel qui n'avait plus rien à voir avec le modèle d'origine. Et là, ce n'était pas de la faute du modèle. C'était de la faute du dessinateur, qui interprétait le modèle selon ce qu'il voyait, selon ce qu'il ressentait. Et c'était là toute la différence entre la photographie et le dessin.

La photographie basique ne se contentait que de renvoyer l'image telle quelle. Sans chercher à transmettre la moindre émotion, sans chercher à transmettre le moindre message. La photographie basique pouvait être floue, mal cadrée, sombre, prise à contre-jour. La photographie basique est celle que l'on trouve dans les magasines, où des mannequins posent. Et ce type de photographie s'en fiche totalement de la personne qui est dessus. La plupart du temps, c'est pour faire voir ce que les mannequins portent.
Aprés, il y a la photographie artistique. Celle qui a un sens, qui ne reproduit pas le modèle comme un vulgaire clone. La photographie artistique dégageait une atmosphère, une émotion, selon l'angle avec lequel la photo avait été prise.
Et il y avait le dessin. Qui était purement subjectif. La plupart des dessinateurs prétendaient représenter ce qu'ils voyaient. En oubliant qu'ils ont dessiné le modèle tel qu'ils l'interprétaient. Parce que tout était une question d'interprétation. Par exemple, prenons un regard mélancolique. Pour certains, il paraîtra triste. Pour d'autres il paraîtra rêveurs. Tout dépendait de comment on interprétait la chose.

Erin avait cessé de jouer. Elle écoutait maintenant les "scritch scritch" du crayon de Cyril effleurant le papier à gros grain. Qu'était t'il en train de dessiner, présentément? Erin, même si elle ne jouait plus,s'efforçait de conserver sa pose. Histoire de ne pas gêner celui qui la regardait, qui s'efforçait de la représenter, du mieux qu'il pouvait. Erin savait qu'elle n'était pas un excellent modèle. Il n'y avait rien en elle qui puisse intéresser l'oeil d'un artiste. Pas de courbes particulières, pas de formes, un visage fin, des cheveux sans volume, bref, elle était une personne banale. Ce qui pouvait peut être la différencier d'autrui, c'était l'attitude qu'elle avait quand elle était sur son balai, la batte à la main. En pose pour renvoyer les cognards. Les cheveux flottant au vent. Son regard vif et acéré arpentant le terrain, en long, en large et en travers. Oh, qu'Erin avait envie de jouer au Quidditch en ce moment. Mais elle devait rester comme elle était. Par respect pour celui qui tâchait de la représenter.

Quand Cyril lui rendit son carnet, avec son portrait, Erin daigna enfin le regarder, droit dans les yeux. Et, pour la première fois depuis le début de la rencontre, elle lui adressa, même si il était bref, un sourire reconnaissant.

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Voila c'était terminé. Comme il était de ceux qui représentaient plus facilement les ombres et la lumière que les traits, son croquis n'avait pas duré longtemps.
Cyril ne perdit pas de temps à se demander s'il était bien ou mal fait. Il ne cherchapas à savoir si son modèle involontaire était heureux ou triste de se faire croquer, il ne regarda pas le produit fini pour le comparer à la réalité. Non. Il s'en fichait. Il avait dessiné sur un coup de tête. Il avait terminé et avec le dernier trait de crayon s'était envolé cette envie qu'il avait eu. Pas de traces, pas de conséquences autre qu'un papier blanc devenu noir.

Les yeux clairs du jeune garçon rendirent à Erin son regard reconnaissant. Sans rien refléter, sans aménité, sans amitié, sans rancune, sans colère, sans joie sans soulagement, un regard vide et calme comme la surface du lac.. en admettant qu'il n'y ai pas de vent du tout.
Finalement, il avait fait ce pourquoi il était venu ici. Il ne savait pas ce que c'était et ne ressentait rien de spécial.

Sans un mot, il hocha la tête et fit demi tour. Puis il partit tranquillement dans la brume, suivant son instinct, sans même savoir où il allait ou pourquoi. De toute façon, ça lui était bien égal.

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