[Oct] Tête à tête suspect

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"J'ai besoin de toi, quelque chose à tester. Je viens dans ta chambre vers 20heures." avait dit Tsuyosa.

Et bien il était 19h59 et en bon cobaye obéissant, Cyril était dans son dortoir, sur son lit, seul. Il y était arrivé une bonne heure avant et s'était montré tellement étrange et silencieux que tous ses camarades de chambrées étaient allés parler de leurs hormones ailleurs.
Le jeune serdaigle ne se demandait pas ce qu'il allait se passer. Il n'avait pas peur d'être muni pour avoir invité une fille dans son dortoir, il ne se demandait même pas comment Tsuyosa ferait pour y entrer. On lui avait dit "soit là" et il était là. On lui aurait dit de s'asseoir sans protections au milieu d'un buisson de ronces, il aurait obéi pareil, et plus encore si c'était l'asiatique qui lui en avait donné l'ordre.

Aussi impassible qu'il soit, Cyril appréciait Tsuyosa. Il ne lui faisait pas confiance (il n'était pas aussi bête) mais comme il se fichait totalement des possibles repercussions des tests sur sa petite personne, il acceptait de boire tout ce qu'elle lui présentait et de se prêter à ses expériences. C'était tellement... étrange comme sensation d'être utile à quelqu'un. Cela changeait des cris qu'il provoquait d'habitude par ses silences. Et puis Tsuyosa était étrange. Comme il était bizarre.

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Tsuyosa quitta son dortoir vers les 19h45. Un quart d'heure c'était le temps pour faire les 50 mètres qui séparait les garçons des filles.

1°) Ne pas se faire repérer.
2°) Trouver la bonne chambre.
3°) Ne pas oublier son matériel.

L'asiatique prit ses affaires et les fourra dans un sac de toile noir. Ce soir là, elle voulait tester quelque chose de bien particulier, qui risquait certes d'avoir des effets secondaires mais aussi d'être une grande réussite pour elle. Après avoir vérifié que tout y était, elle descendit dans la salle commune. Après avoir éffrayé tout les élèves de la première à la troisième année comprise, elle se dirigea tranquillement vers un coin de la salle et incanta pour l'apparition d'une souris. Ladite souris alla semer la pagaille pendant les quelques secondes qui lui permirent de monter dans le dortoir des garçons. Si sa mémoire était bonne, c'était la troisième porte a droite. Tsuyosa se pencha légèrement et regarda par l'entrebaillement de la porte, en effet, Cyril était là, statique sur son lit. Elle entra et referma soigneusement dérrière elle.

" Bon ." Dit elle en regardant l'heure. 20:02. Elle avait quand même presque respecté le timing.

" Il y a une salle de bains pas loin? " Demanda ensuite la jeune femme.

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Le temps s'écoulait. Drôle d'image quand on y pensait parce que le tick tack des horloges faisait plus penser à un égoutement qu'un écoulement et pourtant le temps coulait. Il ressemblait à ces tourbillons de poussière que le vent faisait tourbilloner à quelques milimètres seulement du sol.
Pour Cyril, le temps était bien la seule chose en ce monde qui avait un sens. On avait beau se rebeller. Décider qu'on en voulait pas. L'occuper, voire le tuer, il était toujours là a suivre son avancé inexorable. Sans but précis. Sans autre objectif que d'avancer. Car une seconde en soit, ce n'est rien. Une seconde est précédée d'une autre seconde et suivie par une troisieme totalement identique et pourtant tellement différente.

Tsuyosa entra dans la pièce avec 120 secondes de retard. Ce qui était peu ou beaucoup si l'on se mettait sur un référentiel court ou long. Cyril n'avait pas bougé. Il n'avait pas levé la tête lorsque la porte s'était ouverte, pas battu des paupières en entendant la voix de son amie, et à peine aquiescé en réponse à sa question. Les salles de bains n'étaient pas loin. enfin à pas d'hommes. Cela devait sembler beaucoup plus à une fourmi. Mais là n'était pas le problème.

"Je dois faire quelque chose ?"

C'était ce qui l'angoissait le plus dans l'histoire. Pas que Tsuyosa se fache. Pas qu'elle ai mal dosé ses produits, pas de souffrir a la suite d'une fausse manip, non, ce qui l'ennuyait c'était de devoir faire quelque chose. Et qu'elle se soit blessée ce matin aussi mais il n'arrivait pas à voir si elle portait toujours son masque sans bouger les yeux et c'était hors de question.

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Tsuyosa étala toute ses affaires sur le bureau et commença à préparer ce qu'elle voulait injecter à Cyril. Elle l'avait fait en prenant la composition de la farce des raviolis de sa tante Chizi.

"Non rien" Dit elle de sa voix monocorde.

Elle tira lentement l'aiguille et regarda le produit se faire aspirer. Il était rosâtre, comme pour rappeller l'ingrédient principal qui le faisait le liquide. Après avoir longuement regardé si elle avait bien tout préparé comme il le fallait, Tsuyosa se dirigea vers Cyril et s'assit sur le lit. Elle dégagea quelques mèches de son visage et le regarda longuement comme pour faire une photographie de son faciés dans son esprit. Elle esperait réellement la réussite de l'expérience, non pas pour se prouver qu'elle pouvait mais plutôt pour avoir la satisfaction de voir les effets sur Cyril . Elle prit doucement le bras du jeune homme, passa un coton avec de l'alcool et le piqua, injectant peu à peu le produit droit dans ses veines.

" Tu ne devrais rien sentir, si ce n'est pas le cas décrit moi avec exactitude ce que tu ressent, d'accord ? " murmura t'elle en posant la seringue plus loin.

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Elle s'était trompé de cobaye. Lui ? Ressentir ? Cela faisait des années qu'il n'avait plus rien sentit. L'esprit humain est une curieuse chose. C'est le cerveau qui crée la douleur en réponse à un signal électrique mais c'est ce même cerveau qui ne supporte pas une dose trop élevée de cette même douleur. C'étaitpourquoi certains s'évanouissaient lorsqu'ils avaient trop mal. L'esprit ne supportant plus cette sensation se réfugiait dans un monde intérieur loin de la souffrance.

Cyril avait passé ce point depuis bien des années. Il ne ressentait plus rien, ou presque. Parfois de la curiosité ou plutôt un intérêt, parfois de la surprise mais le mot était un peu fort. Il lui arrivait d'être agacé et il y avait trois personnes au monde qu'il appréciait. Mis à part ça, il ne connaissait ni sentiments, ni sensation. Il mangeait par habitude, buvait en mangeant par automatisme, dormait quand on lui disait de dormir et se réveillait lorsque son corps le décidait. Non, les sensation n'étaient pas son domaine mais il était trop tard pourle dire aussi il n'ouvrit pas la bouche.

Il n'avait d'ailleurs toujours pas quitté la position qu'il avait prise à l'arrivée de Tsuyosa. Ni quand elle avait déballé ses affaires, ni quand elle lui avait répondu. C'était elle qui avait dégagé son visage pour le regarder. Elle qui avait prit son bras pour y injecter le produit. Elle. La seule qui avait le droit de se tenir si prêt de lui. La seule qui semblait comprendre que ses silences n'étaient pas des provocations.

"C'est chaud. Ca bouge. Jusqu'au coeur. Ca pleure aussi. C'est triste. Perdu. Ne se sent pas à sa place."

Il ressentait quelque chose en fait. Comme des pleurs d'enfants, diffus. Un souvenir qu'il avait lorsque sa soeur pleurait dans son berceau peu après sa naissance et qu'il se tenait à côté d'elle, sur la pointe des pieds, à la regarde pleurer comme si chaque goutte d'eau salée qui s'échappait de ses yeux était une goutte d'argent pur.

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Tsuyosa regarda longuement Cyril, guettant ses réactions, ce qui n'était pas une mince affaire. Le jeune homme semblait ne rien ressentir pour le moment. Comme toujours. Et encore. Jusqu'à sa mort. Il était muré dans son silence, dans son esprit, dans ses questions. Sa peau était fraiche, ses yeux étaient clairs comme la pluie, il rappellait d'ailleurs le crépitement de l'orage, quand l'eau coulait furieusement depuis les gouttières avant de s'écraser au sol. Cette froideur violente, voilà ce qu'elle voyait dans ses yeux. Cette violence était glaciale, figée dans le temps, comme gravée dans la roche.

Il entendait des pleurs. C'était peut-être les enfants, les souvenirs, et sa peau si blanche qui semblait polie comme une pierre précieuse, ses yeux qui brillaient soudainement, et ses cheveux qui devenaient léger et souples. Plus beau encore, tout chez lui rappellait à la perfection physique. Les cris, les pleurs, la tristesse se lisaient dans son âme, dans son esprit, mais son corps criait à la beauté de cette même âme.

Elle avait réussit. Cet elixir de beauté marchait réellement. Nul mensonge, nul tour de magie, c'était la magnificence à l'état pur. Mais à quel prix. Ce prix, Chizi le connaissait, Tsuyosa également, et peut-être son père. Mais personne ne devait savoir, personne, le secret était bien gardé, macâbre. L'asiatique frissona, sa collonne entière se gela un instant. Elle reposa son regard sur Cyril et caressa son visage d'un air vague. Elle ne s'était jamais demandé si il avait un avis, si elle devait lui dire ce qu'elle lui injectait, si il fallait qu'il sache ....

Non, ç'aurait été égoïste de lui faire porter les secrets comme ceux-là. Et elle ne lui faisait pas encore confiance. Cette relation qui se nouait, elle ne l'aimait pas. En elle-même elle execrait ce qu'elle ressentait, haïssait ce qui passait dans son esprit et dans son corps. Mais quelque chose de plus fort la poussait, comme l'envie de sauter du bord d'un immeuble. Autre chose. Si il avait un avenir, c'était avec elle. Sans doute étais-ce de la prétention mais elle en était convaincue, et ne pouvait pas se résoudre à laisser Cyril.

En vérité, c'était même plus bien complexe.

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La sensation s'évanoui. Aussitôt partie, aussitôt oubliée. Encore un mystère de l'esprit humain. Comme si le cerveau refusait de retenir ce qu'il ressentait quelques secondes plus tôt. La faim, la soif, le froid, la peur, la douleur ou même le bonheur. Sensations et sentiments. Tous indéfinissable sauf durant les quelques secondes où on les ressent. Certains auteurs peuvent les retranscrire mais ce ne sont que des comparaisons ou des descriptions de réaction physiques à ces manifestation. Mais qui était capable d'expliquer précisément ce qu'est la peur ? Cyril, lui, connaissait la peine. Il vivait avec depuis des années, sans arrêt. Ce n'était plus la tristesse de la perte mais bien ce que l'on appelait la peine. Dans les deux sens du terme car ce sentiment était aussi lourd qu'un manteau de plomb dans les épaules.

Or ce qu'on lui avait injecté avait de la peine également et sans un mot, sans qu'il y ai besoin de communiquer, sans que cela paraisse sur son visage pâle et impassible, Cyril comprenait et compatissait avec cette substance. Ils étaient en harmonie comme sur une même longueur d'onde. Indifférent à Tsuyosa qui le scrutait avec intensité, impassible face aux transformations de son corps que d'ailleurs il ne sentait même pas, l'adolescent resta en harmonie avec ce serum rosâtre jusqu'à ce que sa dernière note se soit enfuie dans le silence.

Le monde extérieur reprit consistance autour de Cyril. Il retrouva le visage de Tsuyosa près du sien, la sensation du lit sous son postérieur, les couvertures sous ses mains, la douceur du soir par la fenêtre entrouverte. Encore une fois une harmonie mais différente. Imparfaite, criarde, vivante.

"Hum ?"

Elle avait semblé sur le point de dire quelque chose. Et puis elle avait l'air de penser autre chose. Qui le concernait ? Avait-elle changé d'avis ? Cela valait bien la peine de lever un sourcil. Les muscles se tendirent un peu, levant l'arcade et les poils qui se trouvaient dessus. Quelque chose chez Tsuyosa était étrange aujourd'hui. Il n'avait pas spécialement envie de savoir quoi, mais si elle avait besoin d'en parler, il n'avait rien contre l'entendre.

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Tsuyosa garda les yeux rivés sur Cyril. Il dégageait une autre aura, une sorte d'attirance paisible, qui, confondue avec son silence, lui donnait des airs de statue. S'il était un miroir parfait, il reflétait sans un mot les émotions de l'âme. La peine, la souffrance longue et terne qui durait sans pause, toujours, comme un voile sur la bouche, qui empêchait l'air de bien passer sans l'arrêter totalement. C'était la douleur lacinante de la mort d'une partie de son être, la peur. La peur, drogue diffuse dans l'organisme, collée à tout ses organes comme une vieille poussière qui ne voulait jamais partir. Une vieille poussière sur un piano dont les touches désacordées jouaient toujours la même mélodie grave et sombre. Dans le noir, la musique se cognait contre les murs et glissait jusqu'au sol, s'accrochait aux fenêtres fermées et couvertes de gel. Ce dehors qu'on ne voyait qu'en flou au travers de la pellicule de glace accrochée au verre, ce même dehors que l'on ne pensait jamais revoir, enfermé dans cette salle à jamais. Cette poussière qui empêchait l'air de passer dans les poumons et intoxiquait à petit feu. Quant à cette musique, sourde, basse, qui frappait dans le silence comme les pas de milles soldats dans la plaine. C'était cela, c'était tout cela qu'elle semblait voir dans Sa Peine. Différente pour chacun, intense et brutale pour certains, Lente et agonisante pour d'autres, elle pouvait varier en chacun de nous, prendre au coeur comme au ventre.

L'asiatique laissa sa main glisser de la joue du jeune homme jusqu'à son cou, puis ses épaules pour enfin se poser sur ses bras comme un voile de soie. Elle se voulait sculpteur d'une oeuvre sans nom, sans age, sans rien d'autre que son esprit. Tsuyosa n'aimait pas spécialement les corps, les caractères, le vécut et même le passé d'une personne. Elle aimait son âme, sa façon d'être, ce qui le faisait et le ferait dans sa mort. Surtout ce qui le ferait dans l'au-delà. Elle rêvait de voir ceux qu'elle aimait six pieds sous terre, dans un ailleurs où ne comptait que ces choses que les humains oubliaient peu à peu. La froideur des peaux, le vide dans les regards, les errances dans les limbes, tout cela faisait de quelqu'un une réelle âme. Il n'y aurait plus rien dans le ciel, rien dans les mensonges.

Rien ne pouvait la déconcentrer dans la recherche du plus profond de son partenaire. Quelque chose glissait entre eux comme un serpent, lui faisait hérisser les poils sur les bras, la faisant frissoner. Ce quelque chose facilitait la compréhension de son ami, lui demandait doucement d'une voix douceureuse de chercher plus loin, de creuser comme dans la terre du cimetierre. De creuser jusqu'à trouver son cerceuil, enfouis profondément au plus loin de lui, caché parmis les pierres, les racines,l'argile et l'eau troublée. Tout prendre et s'enfuir. Tout prendre, ne rien lui laisser, à jamais.

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La poussière était un ennemi aussi redoutable que le temps lui-même. Presque invisible sauf lorsque le soleil mettait ses grains au grand jour, elle se déposait sur tout ce qui existait, recouvrait d'une pellicule de crasse les objets les plus précieux, ternissait les plus brillants, dégradaient les plus beau. Il fallait la combattre sans relâche, jour, après jour, après jour tout en sachant qu'au bout du chemin, vous ne pourrez que perdre.

En posant son regard dans les yeux sombres de son amie, Cyril eut l'impression de distinguer quelque chose. Une lueur de pitié, de compréhension, une douceur qu'il ne connaissait pas et quelque chose de plus fort derrière, qui semblait la pousser en avant. Le jeune homme nota ces informations sans chercher à aller plus loin ou s'intéresser à la question. La seule chose qu'il arrivait à faire, c'était rester impassible. Ce qui n'était pas une mince affaire avec cette main chaude sur son bras droit et ce visage tout près du sien. Fichues hormones. Heureusement qu'il était, lui, assez maitre de ses émotions pour que cela ne se voit pas.

Puisque Tsuyosa n'avait pas répondu, il n'insista pas pour relancer la conversation. Il n'avait toujours pas remarqué les changements physiques qui s'étaient opérés sur lui et même si on lui avait fait remarquer qu'il était encore plus beau qu'avant, il ne s'en serait de toute facon pas soucié. L'apparence comptait beaucoup pour lui mais pas en terme de canons de beautés. Il aimait l'harmonie, l'ordre et la propreté. Mais ce que les filles considérait comme beau ou à la mode le laissait totalement froid. Et il ne s'intéressait pas plus aux âmes. Une seule personne à Poudlard avait jamais réussi à l'intriguer. La personne qui était devant elle et qui le regardait comme ça, lui donnant envie de renvoyer toute la beauté qu'il percevait chez elle. Sans s'en rendre compte, son bras libre se mit à bouger et dégagea tranquillement une mèche de longs cheveux noirs qui tombait dans ses yeux à lui avant de retrouver sa place initiale.

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I will sell my soul for
something pure and true

Someone like you.

Tsuyosa regarda sa longue mèche se balançer lentement tandis que Cyril l'éloignait de son visage. Il était si impassible, si figé, qu'elle avait l'impression de voir le temps passer au ralenti, de savoir le réel sens du terme calme. Sereinité. Lui-même paraîssait plongé dans son esprit, elle ne pouvait savoir à propos de quoi il réfléchissait mais ce qui était sur et certain c'était qu'elle ne pensait qu'à lui. L'attirance n'était plus que physique, elle avait mué dans l'esprit, jusque dans son regard.

I would die for you
I would die for you
I've been dying just to feel you by my side
To know that you're mine.

C'était peut-être les cris des enfants, son sang qui battait ses tempes ou ses longs cheveux qui, animés d'un vent imaginaire, s'entrechoquaient, mais quelque chose troublait ce silence. Ce quelque chose n'avait rien de particulier, elle l'entendait sans cesse, où qu'elle soit. Mais lui, l'entendait-il également ? Voyait-il les voiles blancs qui parcouraient le monde, les yeux dans le vide, jours et nuits ? Sentait-il cette odeur âcre de terre battue ? Avait-il un goût de déjà-vu dans la bouche ? Sentait-il sur lui le froid éternel, qui suivait chaque humain où qu'il soit ?

I will burn for you
Feel pain for you
I will twist the knife and bleed my aching heart
And tear it apart.

Dictée par son inconscient, Tsuyosa se rapprocha de Cyril, elle voulait presque voir par ses yeux. A Quelques centimètres de son visage, elle sentait son souffle frais soulever ses longs cheveux noirs, qui se mêlaient à ceux de l'adolescent uniformément. Ses mains remontèrent le long de ses bras et restèrent posées dans son cou, d'où elle sentait le coeur battre au niveau des artères. C'était lent, régulier, immuable, éternel. Il était humain, elle était humaine, il en fallait peu pour que Tsuyosa oublie ce principe premier. Plus le temps passait, plus elle se détachait de tout ce qui pouvait la tenir à la vie. La douleur, la joie, la convoitise, la jalousie, elle avait tout oublié, tout occulté. Son premier et seul amour était à jamais la mort. A jamais ? Pourquoi sentait-elle cet étrange sentiment la pousser en avant alors ? Ce serpent qui en ensserait sa cage thoracique au point de lui couper le souffle, le sang montait trop vite, le contrôle se perdait, peu à peu. La peur venait, tout comme une autre foule de choses étranges qui torturaient son corps et son esprit.

Violate all your love that you're missing

Throw away all the pain
that you're living
You will believe in me

And you can never be ignored

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L'on disait parfois que dans l'ancien temps, les gens nobles qui voulaient s'amuser ou simplement ne pas être reconnus dans leurs petites affaires, mettaient sur leurs yeux une sorte de bandeau noir, appelé un loup. Et que cette simple protection les rendait méconnaissables aux yeux des autres. Un loup. Pourquoi ce mot, il l'ignorait.
Mais on disait aussi qu'une ville perpétuait cette tradition de la fête masquée. Et curieusement, les masques de venise étaient blancs. Décorés sobrement ou avec profusion, ils en révélaient plus sur leur propriétaires que le visage de Cyril sans autres artifices que les muscles qui le composait.

Le jeune homme ne pensait jamais beaucoup mais là, il ne pensait plus du tout. Il lui semblait être transporté dans une sorte de brouillard blanc foncé, cotonneux, inexistant et sans formes. Une musique s'élevait autour de lui et tsuyosa, composée de battements de coeur, de souffles, de tissu froissé et de craquement de parquet. Et pourtant ils étaient toujours là, tous les deux, immobiles dans le dortoir. Elle en face de lui, les mains autour de son cou et son visage si proche qu'il lui semblait pouvoir voir son âme au plus profond de ses yeux. Et lui. Immobile aussi, imperturbable en apparence, assez troublé dans le fond par cette curieuse sensation qui l'envahissait tout entier. Quelque chose d'indescriptible mais pourtant de présent, comme la caresse du satin, la beauté d'un pétale de rose nimbé de rosée et la sauvagerie d'un loup qui égorge sa proie.

Il y avait un voile blanc dans le brouillard. Un voile qui avait les yeux dans le vide et laissait dans son sillage une odeur âcre de terre battue. C'était la première fois que le jeune homme voyait cela. D'ailleurs cela ne semblait pas lui appartenir, dans son rêve eveillé, il associait cette image à la jeune fille qu'il tenait plus ou moins dans ses bras. Lui ne pouvait pas se voir et donc savoir comment elle le voyait. Peut-être un loup blanc. Ou plutôt une louve blanche aux yeux dorés, très jeune et pleine de vie. Comme l'était Sarah.

Sarah.

Une bulle bleue clair de chagrin vint troubler l'atmosphère contonneuse du rêve puis s'éleva, fragile et tremblante dans l'immensitée grise. Elle n'éclata pas. Elle ne disparu pas non plus car l'echos de la peine continua longtemps à sonner silencieusement. Mais elle partit. On ne savait où.

Sentant dans sa peine comme une angoisse qui ne lui appartenait pas, Cyril approcha également son visage de celui de l'asiatique et laissa ses lèvres former son nom. Tsu-Yo-Sa.

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Tsuyosa regarda le visage de Cyril. Parfait, en tout. Certes sa beauté était discrète, peut-être même étrange, mais là. Leurs cheveux s'entremêlaient à cause de la proximité des deux serdaigles, tout comme leurs souffles et leurs regards. Et pour la première fois de sa vie, elle se sentait sur la même longueur d'onde qu'une autre personne, en parfaite harmonie. La sombre princesse voyait l'éclat de la lune au travers de sa fênetre, posée sur le rebord les pieds dans le vide. Elle avait toujours tendu les bras jusqu'à elle. Toute sa vie. Mais cette fois la princesse avait regardé dérrière elle. Il y avait quelqu'un qui attendait, dans la pénombre, quelqu'un qui l'attendait elle, en silence. Elle avait lentement posé le pied au sol et s'était avancée près de lui, les rayons éclairant son chemin. Et là, dans la semi-oscurité, au travers de ce voile noir qui semblait les envelloper, elle voyait le visage de Cyril. Ses yeux de pluie, son air impassible et son prénom qu'il murmurait. Personne ne l'avait jamais appellée de cette façon-ci. Une manière si étrange, si nouvelle, que même elle ne pouvait comprendre. Comme fascinée, elle s'avança jusqu'à ses lèvres, oubliant tout le reste. La main qu'elle avait posé sur le bras de Cyril remonta jusqu'à son cou. Elle était gelée, la chaleur du jeune homme semblait lui donner envie de ne pas partir, comme une attache étrange. D'habitude l'asiatique se plaisait à être glacée comme la mort, mais cette fois-ci, elle voulait prendre la douceur et la tièdeur de la peau et des lèvres. Elle voulait d'ailleurs tout prendre. Tout ce qu'il pouvait lui donner, tout ce qu'elle convoitait chez lui.

Paradoxalement, elle ressentait également le besoin d'offrir. C'était tellement violent que ses mains en tremblaient, la tête lui tournait mais le mal était fait. Elle l'embrassait lentement, ne sachant ce qu'elle venait de faire, mais appréciant le moment. Sa seringue se brisa au sol après avoir roulé sur le lit mais elle l'ignora superbement. Tout prendre et tout donner à la fois, quel sentiment torturait donc son esprit ? Son corps tout entier hurlait à la douleur et au plaisir, a la peur et à la confiance, a la haine et à ... l'amour. C'était donc cela l'amour. Ces désirs étranges, mêlés dans confuséments entre l'esprit, l'âme, le corps. Imprévisible, violent, passionel, destructeur, il passait dans ses veines comme le produit dans celles de Cyril, comme une drogue qui prennait toutes ses facultés. Plus rien ne comptait, elle perdait son précieux contrôle au profit de ces nouvelles choses qui envahissaient son être. Glacée, oui elle avait plus froid encore, térrorisée également. Mais elle avait déjà sauté. Elle ne faisait que regarder sa chute.

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Tsu-Yo-Sa. Ce nom. Comme une ancre jetée dans une mer d'huile qui faisait des remous sans pour autant stabiliser le navire. La chaine de fer semblait crisser sous la morsure du sel, onduler selon les courants tandis que le poids de grapin de métal l'attirait, inexorablement vers les fonds insondables et obscurs de l'océan.
Il n'y avait que l'eau pour avoir ce genre de faiblesse. Les autres éléments mourraient lorsque quelque chose de solide s'opposait à eux mais pour dompter l'eau, il fallait de la souplesse, du mou. Comment des cordes, du bois voire des chaines en fer (grâce à la souplesse des maillons) pouvaient venir à bout de cet élément qui arrivait même à battre l'acier et la pierre, les hommes et les montagnes.

Tsuyosa était une mer ténébreuse et son baiser transportait Cyril à la lisière d'une folie étrange, rappelant les transes provoquées par les sirènes, ces êtres mi-femme, mi-oiseau de la mythologie grecque. Et il appréciait ça. Plus même, il le désirait, comme Tantale qui ne pouvait s'empêcher d'essayer de calmer sa soif dans l'eau de ce ruisseau enchanté qui s'assèchait. Ils étaient deux êtres perdus qui venaient de trouver en l'autre une ancre les rattachant à la réalité. Ils se complétaient tout en s'opposant. Ils se sauvaient en se détruisant. Comme la mer et le navire ne forment qu'un. Comme ces mammifères marins, inadaptés au milieu aquatique mais qui pourtant ne sauraient vivre sans.

Dans le dortoir, à des miles nautiques de là, Cyril avait bougé. Lentement. Jusqu'à ce que ses mains enserrent la taille de sa condisciple. Ses paupières s'étaient baissées sur ses yeux clairs tandis qu'il répondait de son mieux à ce baiser. La seringue roula sur le lit et se brisa sur le sol comme une vaine tentative pour troubler le couple. Le vent pouvait bien souffler, la chaîne metalique retenait le bateau à la mer et l'océan au navire. Il sentait sa froideur sur sa peau mais ne s'en souciait pas. Il n'avait pas peur du froid, pas peur de ces étranges sensations qui le saisissaient tout entier. Non, ce dont il avait peur c'était d'un...

Boum.

Le coeur du garçon venait de se faire entendre. Un coup. Comme violent dans sa poitrine.

Boum.

Que venait-il faire là cet organe glacé par des années de souffrance et de tristesse ?

Boum.

Comme si la froideur de tsuyosa l'avait ramené à la vie, précipitant Cyril dans une chute sans fin.

Boum.

Puis plus rien. Tout redevint normal. Silencieux, calme et tranquille. Quelque soit ce qui venait de se passer, Cyril le garderait pour lui et Tsuyosa. Comme une expérience qui avait bien mal tournée.

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Quatre.

Elle l'avait sentit quatre fois. Elle n'aurait jamais pensé, jamais. Il était trop loin, trop froid, trop dur, trop torturé. Ce coeur douloureusement enserré tout au long de sa vie venait de refaire surface quatre fois. Du bout des doigts elle l'avait senti, là dans son cou, au travers des artères. Elle se détacha légèrement de Cyril pour respirer mais surtout pour scruter son regard. Elle voulait y voir autre chose que son impassibilité habituelle. Les siens reflétaient l'étonnement mais surtout le désir. La convoitise se lisait sans tabous, l'envie et même une pointe d'agressivité. Là, contre lui, au travers de tout ce qu'elle pouvait être ou même avoir été, elle ignorait les voix. Ces voix qui lui hurlaient continuellement de les rejoindre, de mourir enfin pour connaître la paix éternelle. Mais n'étais-ce pas une sorte de paix qu'elle connaissait tout à coup ? Ephemère, elle sentait que le moment serait court si elle ne se rapprochait pas de nouveau pour lui voler quelques battements de coeur. Quatre ce n'était pas assez, elle en désirait bien plus. L'asiatique posa ses lèvres dans son cou et sentit l'artère battre très doucement, quelque part sous la carapace. Elle était près du but elle le savait, elle voulait y arriver. Ce n'était plus une expérience c'était sauter à pieds joints dans le risque et le danger. Elle n'avait jamais songé un seul instant éprouver ce genre de sentiments.

Tsuyosa se noyait. Elle se noyait sans même tenter de nager vers le bord, tout simplemet attachée par un poids qui l'attirait bien loin dans cette mer inconnue, cette mer noire qui ne semblait plus avoir de fond. Mais quelque chose au fond brillait et l'attirait irrémédiablement, comme la pie voit les bijoux qu'elle convoite. C'était peut-être l'enfer, peut-être le paradis, qu'importait, elle y allait.

Ses lèvres effleurèrent encore la peau de son cou avant de remonter attraper celles de Cyril pour ne plus les lâcher. Ses mains passaient dans ses cheveux, cherchaient à le sentir plus près d'elle, à l'attirer vers le fond de leur mer. Et s'ils ne connaissaient pas les risques, c'en était d'autant plus agréable et intense. Tout ce qui pouvait bien traîner sur le lit ou les environs s'écroula lamentablement au sol, emporté par la tempète du couple.

Ah elle aimait cette sensation d'étouffement, ce manque d'air si flagrant que la tête lui tournait, elle remontait à la surface difficilement, reprennait son air et replongeait plus bas. Elle voulait savoir, voulait perdre le contrôle définitivement. Tsuyosa avait toujours tout eu sous la main, toujours tout pu superviser, or là il ne s'agissait plus qu'elle mais bien d'Eux. Eux. Un pluriel qu'elle n'avait jamais connu, elle et Lui, Lui et elle. L'égoïsme s'estompait et laissait place à l'Autre, l'inconnu, l'étranger qui pimentait toute sa vie. Tout changeait, elle ne voulait rien d'autre que lui.

Invité

Une bouée à la surface de l'ocean, délimitant la surface entre le ciel et les profondeurs. Un point infime entre deux infinis l'un bleu azur, l'autre bleu marine. En dessous de la bouée, insidieuse et discrète, une corde qui se transformait plus bas en chaine de fer rouillé par le sel. Et plus bas encore, un poids qui l'ancrait à sa place. Il ne pouvait pas bouger. Tout au plus était-il balloté par les vagues et les courants. Il pouvait bouger de quelques centimetres en hauteur/profondeur et d'environs un mètre sur les cotés. C'était tout. C'était énorme. C'était l'illusion de la liberté.

La tempête se levait. Les vagues se faisaient plus hautes et renversaient le cône coloré. Quatre fois il se fit submerger par l'océan. Quatre fois il but la tasse de la normalité et de la vie. Quatre fois il gouta à l'ivresse des sens. Quatre fois il faillit se perdre. Puis le vent tomba. La fraicheur de la brise s'éloigna, laissant comme un manque sur la surface humide de la bouée. Cyril ouvrit les yeux pour voir ceux de Tsuyosa qui le regardait. Il y avait dans ces braises sombres quelque chose d'enflammé, de violent mais aussi de totalement offert. Les yeux couleur de pluie du jeune homme recelaient des émotions très différentes. Pour commencer, il y avait des émotions dedans. Mais elles étaient cachées par une sorte de brouillard, une bruine partie des embruns de son coeur pour masquer la tempête.

Une vague un peu plus forte que les autres fit tanguer la bouée et se fermer une seconde les yeux de l'adolescent. Il y avait, lorsqu'il sombrait, un éclat qui l'empêchait de garder les yeux totalement ouverts. C'était trop brillant, trop blanc, trop fort, trop beau pour être supportable.
Une autre vague encore un peu plus forte. La tempête se rapprochait, séductrice, destructrice, qui prenait sans demander, donnait sans refus possible.

Il coula. Une fois, puis une autre, encore une autre, inlassablement, la mer le recouvrait et l'attirait vers les profondeurs alors que son instinct, cette chose qui le protégeait de la douleur, de la souffrance et de l'oublis depuis plusieurs années, se démenait pour le faire remonter à chaque fois. Il ne s'abandonnait pas comme sa compagne à cette violence au gout d'ivresse. Il cherchait à garder le contrôle de lui-même; à ne pas se laisser emporter. Finalement, la bouée remonta et sauta hors de l'eau comme un geyser s'échappe de la terre le retenant captif.

Elle lui avait prit un nombre incalculable de battements de coeurs et il en avait reçu autant d'elle. Comme elle, il s'était laissé tenter par l'abandon du Moi au profit du NOUS. Mais Sarah l'avait sauvé. Elle était arrivée sous la forme d'un dauphin blanc et avait propulsé le jeune homme à la surface.

Cyril se rendit compte de l'ambiguité de leur situation. Il était dans les bras de Tsuyosa. Elle était dans ses bras. Ils étaient enlacés, allongés sur le lit du dortoir, heureusement encore tous deux habillés. Tout était renversé autour d'eux et le silence semblait les regarder en ricanant. Et il était bien. Tellement... lui. Comme si jusqu'ici il n'avait jamais été qu'une statue de brume.

"Hum"

murmura-t-il tendrement comme l'on faisait une déclaration d'amour. Il s'en voulait vaguement d'être revenu à la surface et de la sauver de ces profondeurs mais Sarah avait raison. Ils n'étaient pas encore prêt. Ils pourraient se perdre à aller trop loin, trop tôt. Il fallait qu'ils apprennent. Ensemble. Et c'était ce que Cyril essayait de faire comprendre à son amie en la fixant de ses yeux pâles.

Invité

Ce qui se passait ne se passait plus sur des hauteurs terrestes. Ni même dans les profondeurs de l'océan. Jamais plus, mais encore pour toujours. Ses yeux étaient plus beaux que toutes les oeuvres d'arts jamais faites, leurs couleurs, leurs reflets, ce gris si intense, et les émotions qui traversaient cela comme un coup de vent dans la tempête, la violence d'une goutte de pluie percutant la surface lisse d'un lac. Mais peu à peu, tout s'apaisa, comme dans un rappel à la réalité, aux devoirs et à la nature humaine. Et tandis que les éléments qui tauraudaient leurs sens se calmaient, l'apesanteur elle se faisait cruellement ressentir. Tsuyosa sursauta brusquement, les yeux plongés dans ceux de Cyril avant de tomber sur le côté. Seulement sur le côté il n'y avait plus de lit, puisque c'était prévu pour UNE et bien UNE Seule personne ( ah ce qu'ikéa est égoïste XD ).

Naturellement, loi de la gravité oblige, elle s'écroula au sol. Le contact avec ce même sol la reconnecta aussitôt aux circonstances qui elles se situaient sur une terre bien réelle. Notemment le fait de se trouver dans le dortoir d'un garçon, dans ses bras, de l'embrasser. Surtout un garçon qui lui servait théoriquement de cobaye. Qu'avaient donc ses sens à s'emballer de la sorte, la traîner dans des limites qu'elle n'avait jamais soupçonné ? Etais-ce bien ? Etais-ce mal ?

Elle devait dire quelque chose à Cyril . Elle devait lui parler, trouver de quoi stabiliser la situation. Seulement rien ne venait. Il avait semblé sur la même longueur d'onde, exactement au même endroit, au même instant. Le même désir, le même regard, la même passion. Etais-ce donc ceci la réciprocité ? Il avait changé pour elle, elle avait changé pour lui, et ne s'en était même pas rendue compte. Qu'y avait-il de mal à cela, dans le fond ne l'avaient ils pas voulu tout les deux ?

Mais elle se rendit soudainement compte que ses questions, aussi personnelles soient-elles, les concernaient tout deux. Elle se redressa légèrement et regarda Cyril, les coudes en arrière pour la soutenir, allongée sur le dos. Elle lui demandait. Elle lui demandait s'il avait ressenti la même chose. Bien sur que oui, elle le savait déjà, la réponse était déjà connue, il lui avait dit juste avant. Peut-être que c'était à elle d'en parler ?

Cette agitation ne lui plaisait pas, elle aimait avoir les réponses des questions qui la tauraudaient, pas avoir à les demander. Seulement elle n'avait plus le choix, elle devait penser au Commun. Au Nous.

".... "

Rien de plus.

Invité

Le monde tanguait. La réalité se dissipait sous son regard tandis que le brouillard devenait de plus en plus tangible. La masse blanche se concentra pour devenir quatifiable, finie. Puis elle continua à tourner sur elle même comme des volutes de fumées solide avant de devenir lui, reléguant sentiments, pensées, sensations dans le vide cotonneux dont il avait l'habitude. Cyril était redevenu Cyril. Le garçon imperturbable et impassible qui ne leva pas même un sourcil lorsque Tsuyosa tomba sur le sol avec un bruit mat. Il s'assit, reprenant sa pose de départ. Ses yeux gris étaient fixés sur la jeune asiatique qui s'était relevée sur un coude et le regardait. Il restait malgré tout quelque chose. Comme un lien indéfinissable qui les reliait tous deux. Le Nous ne disparaitrait pas simplement parce que le froid avaitr refait surface. Cyril ne s'était jusqu'ici abandonné qu'à une seule personne. Et rien ni personne n'avait pu rompre cela. C'était la même chose. Le même élan qui le liait maintenant avec la scientifique. Il était redevenu cobaye mais le Nous existerait toujours.

"Oui"

Son ton était un étrange mélange entre l'interrogation et l'affirmation. Comme ci par ce seul mot, il répondait à ses interrogations profondes et l'invitait à parler. Ils étaient toujours sur la même longueur d'onde, simplement séparés de quelques périodes. Et ce n'était pas parce que l'intensité avait diminué que le graphisme devenait discontinu ou cahotique. Même si la répétition était plus difficile à voir, ils étaient toujours ensemble.

Invité

Doucement, comme un oiseau qui arrête de lutter à contre courant, se laissant enfin porter par le vent, Tsuyosa s'habitua à ses nouveaux sentiments. L'impression de paix qui suivit sa rendition sembla venue d'un autre monde, comme un calme cotonneux qui ne demandait nulle réflexion. C'était donc pour cela que même les grands imbéciles savaient aimer. En y songeant, elle ramassa tout les bouts de verre qui trainaient et monta s'asseoir sur le lit. Elle comprennait soudainement le sens de l'expression: être sereine. Tout était calme. Calme et agréable comme une mélodie qui bercerait la lune.

" Tu as raison. " Dit elle paisiblement, passant ses mèches noires dérrière ses oreilles.

Son point de vue n'était plus le même. Un baiser pouvait parfois tout changer. A cet instant précis, Tsuyosa sentit la confiance qu'elle portait se diluer dans son esprit comme une goutte d'huile sur la surface d'un lac. Nul n'aurait su dire si elle était heureuse. Ou même contente. Mais elle le savait en elle-même, elle avait trouvé ce qu'elle avait toujours cherché. Une attache dans le monde des vivants. L'envie de rejoindre les morts était moins forte, tout comme leurs voix. Ils étaient deux maintenant. Maintenant et pour toujours. Elle le savait.

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