Une journée tranquille, comme les autres, trop commune, dans l’atmosphère un brin étouffant de Slug & Jiggers. Klarissa ne rêvait que d’un peu d’action ces derniers temps. Un peu plus et elle laissait tout tomber pour aller se balader dans l’Allée des Embrumes. Mais elle avait tenu bon et avait finalement fermé la boutique un peu avant l’heure du dîner. Elle avait pris un verre dans l’arrière-boutique tout en s’assurant que Necator était toujours dans son panier, puis la sorcière avait ramassé Karna sur le comptoir avant de prendre la direction de son logement, flânant un peu à gauche et à droite.

C’était une soirée paisible, sa bestiole chérie couinait sur son épaule et elle tenait contre elle le panier où sifflait Necator. Elle ne craignait rien avec lui –à la première attaque, elle n’avait qu’à lâcher la bête. Et puis, le danger ne lui faisait pas peur de toute façon. Elle rentra chez elle sans le moindre problème et monta lentement les escaliers menant à l’entrée tel quelle, où elle abandonna sa cape et ses chaussures. Elle posa ensuite Karna sur le dossier d’un fauteuil et alla libérer sa créature dans son placard dont elle ne se servait pas, au fond du couloir. Il fallait bien qu’il bouge un peu, son petit amour.

Elle laissa le panier dans un coin avant d’aller préparer un peu de café; sa tasse entre les mains, elle se dirigea calmement vers le salon, mais s’arrêta en chemin. On venait de cogner, deux fois, qui pouvait bien venir à cette heure-ci ? …Cadfael ? Klarissa déposa son café sur la table basse du salon avant de descendre les escaliers quatre à quatre.

« Klarissa c’est moi. J’ai besoin de ton aide. »

Sans hésitation, elle se dépêcha d’ouvrir et recula de quelques pas vers les escaliers lorsqu’il entra.

« Il faut que je te parle. Mais avant, j’aurais besoin d’abuser de ton hospitalité pour la nuit. Et de la promesse que tu me laisseras parler jusqu’au bout… »

Il avait l’air mal en point. Elle le détailla longuement avant d’oser parler, incertaine. Il était blessé, sa robe était tachée et déchirée et…La jeune femme fronça légèrement les sourcils, était-ce l’ombre d’un tatouage qu’elle avait vu là, sur son bras gauche ? Elle releva enfin les yeux vers son visage et essaya tant bien que mal de ne pas avoir l’air inquiet, ce qui n’avait rien de facile.

« Oui, je…Bien sûr, ne…ne restons pas dans l’entrée, veux-tu ? Je…J’ai…Tu peux rester, bien entendu, et…je…oui, c’est promis, tu…enfin…Que t’est-il arrivé ? »

Pour l’air parfaitement normal, on y reviendrait. En général, elle arrivait très bien à se contrôler, mais la vue de Cadfael dans un tel état la rendait nerveuse. Il n’était pas comme d’habitude et son apparence reflétait, outre les blessures et ses habits déchirés, que quelque chose n’allait pas. La sorcière monta quelques marches et posa sa main sur la rampe, légèrement tremblante.

Que cachait Cadfael, que lui était-il arrivé pour qu’il débarque ainsi à cette heure dans un tel état ? Telles étaient les questions qui trottaient dans la tête de Klarissa. Elle ne supportait pas ce genre de suspense, parce que c’était inquiétant. Cad’ ne revenait certainement pas d’une gentille petite partie de cartes; il avait des ennuis. Rien qu’à voir sa tête, il y avait quelque chose qui n’allait pas. Alors qu’elle remontait lentement les marches, son invité surprise l’arrêta. La jeune femme se retourna aussitôt pour regarder son interlocuteur. Non ? Non, pourquoi ? Il ne voulait pas monter ? Il lui avait bien demandé de rester, n’est-ce-pas ? Pourquoi préférait-il rester dans l’entrée alors ? Klarissa l’observa longuement, perplexe, alors qu’il la rejoignait dans les escaliers.

« Je suis mangemort. »

Les mots semblèrent tout d’abord n’avoir absolument aucun sens. Qu’est-ce qu’il racontait là ? Mangemort ? Lui ? Ce n’était pas de la frustration, ni de la peur, juste…de la confusion. Il n’avait pas menti, ni vraiment caché la vérité, elle n’avait jamais posé la question. Cadfael lui montra alors la Marque des Ténèbres; ce fut un choc. Pas vraiment un choc négatif, juste une très grosse surprise. Parce qu’elle ne s’y serait jamais attendue. Cadfael n’avait vraiment pas la tête de l’idée qu’elle se faisait d’un mangemort. Elle revit lentement chaque moment depuis leur rencontre : lorsqu’il était entré dans sa boutique pour la première fois, avec sa belle montre, puis la fois où il l’avait invité au bal des Malefoy et cette fois aussi, où ils s’étaient rencontrés dans les bois. Elle avait maintenant un tas de questions en tête, sur toutes ces situations passées.

« En m’aidant, tu te mets en danger alors je vais te poser la question une seconde fois et je ne t’en voudrais pas si tu refuses. Acceptes-tu de m’héberger pour la nuit ? Je préfère ne rien t’expliquer tant que tu n’auras pas pris ta décision, pour ne pas te mettre encore plus dans l’embarras si tu refuses. Prend ton temps, je peux attendre ici. »

Prendre une décision…? Il n’y avait aucune décision à prendre, cela ne changeait rien. Une banane est une banane, avec ou sans sa peau. Cadfael était toujours le même Cad’ qu’elle connaissait, avec ou sans la Marque. De toute façon, elle ne pouvait pas se résoudre à le mettre à la porte, peu importe la situation. Il aurait pu lui avouer qu’il était une sorte de forme humaine du Seigneur des Ténèbres, elle n’aurait pas été effrayée et l’aurait accueilli à bras ouverts. Il recula pour s’appuyer contre le mur et elle l’entendit bientôt soupirer.

« Si tu acceptes, je crois que je pousserais le vice jusqu’à t’emprunter ta douche un moment… pas envie qu'ils me repèrent à l'odeur. »

Ça, c’était très mignon. Un faible sourire s’afficha sur le visage pâle de Klarissa, amusée par la situation présente. L’inquiétude était passée, elle se calmait peu à peu. Elle attendit un moment avant de se décider à prendre la parole, un moment pour choisir ses mots.

« Cadfael…Ma décision est prise depuis que tu es entré. Tu peux rester, peu importe qui tu es vraiment. Tu peux rester parce que…j’ai confiance. Que tu sois…Mangemort ne change rien, enfin…pas grand-chose pour moi. Je ne laisserai pas tomber quelqu’un à qui je tiens lorsqu’il a besoin de mon aide, peu importe le danger. »

Elle prit une courte pause, avant de terminer sur une note moins sérieuse et plus détendue.

« Je suis une femme de risque, je ne crains pas le danger. »

Klarissa monta alors sur la marche suivante et se retourna vers Cadfael, comme pour lui montrer qu’elle était sincère et déterminée. Parce qu’effectivement, elle savait très bien ce qu’elle faisait et n’avait pas l’intention de changer d’idée.

[HJ : Encore une fois je t'ai un peu fait agir. N'hésite surtout pas si cela te déplait, la touche "edit" n'est pas surtaxée]

En temps normal, Cad aurait scruté le visage de son amie pour être certain qu’elle pensait ce qu’elle disait. Il était tout à fait possible de cacher ses émotions sous un masque mais le menteur le plus habile ne pouvait pas masquer ses intentions réelles immédiatement. Il y avait toujours un quart de seconde, une étincelle où le visage reflétait les pensées réelles. Et c’était ce moment que Cad’ avait apprit à voir dans à peu près toutes les figures. Sauf que là, il avait trop confiance et était trop crevé pour jouer au parfait petit espion. Il avait fermé les yeux, posé sa tête en arrière, contre le mur, sa nuque blessée rentrant dans son cou et touchant le haut de son dos. Ses yeux se rouvrirent doucement par curiosité, cherchant sans fouiller à voir ce que signifiait le silence de sa compagne. Ce qu’il vit le stupéfia plus que je ne saurais le dire. Cette femme était réellement stupéfiante.

Pas de peur, pas de pleurs, pas de colère, pas même un reproche sur le fait qu’il lui ai caché son identité tous ces mois durant. Non. Rien qu’une incrédulité (un rien vexante il est vrai), au début puis une compréhension et une acceptation que le mangemort n’aurait pas cru possible, même d’elle. Il s’était attendu à… il ne savait pas trop à quoi il s’était attendu mais surement pas à une telle bonté, une telle souplesse, pas à un sourire aussi charmant. Cela ne lui rendrait la suite que plus difficile par la suite mais pour le moment, il savourait le rare plaisir d’être apprécié pour ce qu’il était par une personne qu’il aimait.

Histoire d’éviter de rougir comme un collégien, le Terrifiant Serviteur du Seigneur des Ténèbres (et on note l’allitération et la symétrie, pensa-t-il, amusé, en bon littéraire qu’il était) baissa la tête et laissa échapper un petit rire qui s’accentua lorsqu’il l’entendit dire qu’elle l’appréciait. Merlin, que c’était bon d’être libre à nouveau ! De pouvoir la voir, entendre ses paroles toujours si mesurées, si en dessous de la vérité. De sentir son odeur et d’apprécier sa présence. Même s’il ne pouvait jamais faire autre chose que de rester dans son ombre, il le ferait avec plaisir. Elle ne s’en rendait peut-être pas compte mais cette décision avait ajouté la reconnaissance à l’amour dans le cœur du Gryffondor qui était maintenant prêt à tout pour elle. Excepté trahir la cause mais ça, elle ne le lui demanderait jamais. Toutefois, après avoir salué son trait de courage d’une petite courbette qui réveilla sa migraine, il décida de la suivre et de reprendre.

« C’est ça dit tout de suite que je ne fais pas peur ! »

La lumière dans ses yeux démentait son ton outré et s’il avait eu vingt ans de moins il lui aurait probablement tiré la langue. Mais un tel comportement était fort peu convenable pour le Gynn ap Nudd en titre et il avait fini par s’y faire.

« Je vais donc répondre à ta question. Par où commencer… hum… »

Redevenu sérieux, le mangemort fit rapidement le tri sur ce qui lui était arrivé et ce qu’il pouvait révéler sans risque de la compromettre à son amie.

« C’était…il y a quelques jours je crois… quel jour sommes nous au fait ? Vers la mi-novembre. J’ai été capturé par l’Ordre du Phénix qui a essayé de me convaincre… plus ou moins gentiment de coopérer avec lui. Je crois d’ailleurs que j’ai du fâcher ces charmants messieurs car ils ont fini par me relâcher. J’ignore s’il s’agit d’un piège ou d’un accord quelconque. J’ai donc transplanté à répétition avant de me tourner vers toi. »

Tout en parlant, ils avaient remonté l’escalier, Cadfael plus lentement que sa cadette, se tenant au mur, plus par manque de confiance en ses propres capacités que par réel besoin. Il leva de nouveau la tête et sourit pour atténuer tout effet de peur rétrospective. Il n’avait pas envie de parler de sa captivité mais il savait qu’il lui faudrait de toute façon affronter son échec le lendemain et faire un rapport bien plus détaillé que celui qu’il venait de faire. Klarissa était un charmant entraînement en attendant. Très charmant, appuya-t-il en laissant ses yeux se balader discrètement au niveau du bas du dos de la jeune femme. C’est presque à regret qu’il quitta cette jolie vue pour examiner ce qu’il pouvait apercevoir de l’appartement de l’apothicaire. Ce faisant, il se mit péniblement a genou pour enlever ses chaussures et conclut rapidement.

« Je ne sais pas trop quoi te dire Klary. Tu peux poser toutes les questions que tu veux, je ferais mon possible pour te répondre sans te mettre plus en danger. »

Il se releva et porta sa main à son front avec un soupir. Sa migraine se faisait plus intense et un bruit dehors le fit sursauter. Qu’avait-il donc à être aussi nerveux ? Il fallait vraiment qu’il se surveille. Surtout que le danger n’était pas qu’à l’extérieur, lui rappela la petite voix rationnelle qui passait son temps à lui pourrir la vie.
Son visage blanchit soudain de plusieurs degrés et le mal de crâne plus insistant. Il avait failli oublier l’affreux serpent.

« Euh… Necator … »

Mais même la créature n’arrivait pas à lui faire vraiment peur, il n’en avait plus le courage. Il y avait beaucoup de choses qui tournaient dans son esprit fatigué, et il commençait à en avoir vraiment marre. Une fois ses chaussures enlevées, il se redressa, s’efforçant de toutes ses forces à faire le vide dans ce truc inutile que l’on appelait son cerveau. Il y réussit plus ou moins, en se concentrant sur ce qu’il pouvait voir de l’appartement de la jeune femme. Il la regarda elle. Et, sans vraiment se rendre compte du comment ou du pourquoi, il se retrouva en train de l’embrasser.

L’appartement était silencieux, Klarissa observait Cadfael, un faible sourire aux lèvres. Elle avait pris sa décision et ne comptait pas revenir là-dessus. Il n’avait pas changé à cause de cet aveu et même qu’au fond, l’apothicaire était plutôt fascinée. De savoir que son compagnon était Mangemort n’était pas du tout un problème, ni un avantage à proprement parlé. Seulement un petit plus qui ravivait la flamme du danger dans le cœur de la sorcière. Sur sa petite marche en bois, elle se tenait droite et fière, malgré le choc qu’elle venait de subir. Elle ne voyait pas pourquoi elle devrait être effrayée : si Cadfael avait voulu lui faire du mal, il avait eu tant de fois l’occasion qu’il l’aurait déjà fait. Non, elle n’avait pas peur : il était venu la voir elle, au beau milieu de la nuit, pour demander de l’aide. Il lui faisait confiance, assez pour confier son secret du moins, et elle faisait de même.

Ils remontaient l’escalier menant à l’appartement lorsque Cadfael entama un résumé de sa pénible épreuve. L’Ordre du Phoenix l’avait capturé ? Quelques sales…ordures. Klarissa serra brièvement les dents à pensant à ces ignobles sorciers qui avaient enfermé le libraire comme un vulgaire animal. Sûrement l’avaient-ils torturé pour obtenir des informations, mais Cad’ était resté silencieux. Et finalement, il s’était tourné vers elle. Vers elle et aucunes autres. L’apothicaire atteignit enfin son appartement et se retourna pour regarder son ami enlever ses chaussures.

« Je ne sais pas trop quoi te dire Klary. Tu peux poser toutes les questions que tu veux, je ferais mon possible pour te répondre sans te mettre plus en danger. »

Il ne semblait pas en état de répondre à une quelconque question ce soir. Il semblait épuisé. Un bruit quelconque le fit sursauter. Il avait sûrement besoin de repos. Klarissa esquissa un faible sourire alors que Cadfael prononçait le nom de son serpent. Mais elle n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit pour le rassurer au sujet de Necator, puisque sans vraiment savoir comment ni pourquoi, elle se retrouva dans ses bras. Elle fut tout d’abord surprise mais y prit rapidement goût et souhaita un instant que le temps s’arrête, pour rester là éternellement. Lorsque la belle dut se détacher pour reprendre son souffle, ses yeux se perdirent dans ceux de Cadfael. Elle garda le silence un long moment, avant de murmurer enfin quelques mots.

« Mes questions attendront pour ce soir, Cadfael… »

Elle hésita, sourit faiblement, puis quitta l’étreinte de son ami.

« Tu as besoin d’une douche, d’une bonne potion et de sommeil. Rien ne presse, nous reparlerons de tout cela lorsque tu seras en état de le faire. Nous avons tout notre temps. »

Klarissa se dirigea alors vers la petite table du salon et ramassa sa tasse de café avant de prendre le chemin de la cuisine. Elle vida la boisson dans l’évier et posa la tasse sur le comptoir avant de farfouiller dans les armoires.

« La salle de bain est au bout du couloir, surtout pas la porte de droite ou tu tomberais sur Necator. La porte de gauche. Je vais préparer un peu de thé et une potion qui devrait améliorer ton état. »

Son agitation trahissait sa légère nervosité. Elle ouvrit un tiroir et en sortit plusieurs sachets contenant diverses herbes, puis un lot de récipients remplis d’ingrédients. En quelques minutes, la cuisine ressemblait à un laboratoire et un chaudron se trouvait déjà sur le feu. La jeune femme ne comprenait pas trop tout ce qui venait de se passer. À vrai dire, elle n’arrivait pas à réaliser que Cadfael était chez elle, en pleine nuit, et qu’elle se trouvait là, à préparer une potion pour lui. Mais elle aurait le temps d’y réfléchir plus tard. Comme pour approuver ou peut-être simplement pour attirer l’attention, Karna poussa un couinement aigu et entama une odyssée sur le dossier du canapé.

La jeune femme croisa les doigts, espérant que Cadfael ouvre la bonne porte. S’il tombait sur Necator, ce serait un choc de plus et ce n’était pas le moment de courir après un serpent à trois têtes venimeux et relativement de mauvaise humeur. Heureusement, il n’y eut aucun problème et son invité surprise entra dans la salle de bain. Klarissa écouta l’eau couler alors qu’elle hachait en morceaux une tige de lavande. L’appartement était redevenu calme, comme chaque soir lorsqu’elle revenait de la boutique. Karna sautillait sur le canapé, Necator s’était certainement endormi dans un coin de son placard et la sorcière était à la cuisine, plongée dans la recette d’une potion. S’il n’y avait pas eu le bruit de la douche pour lui rappeler Cadfael, elle se serait crue seule. Elle ajouta ses morceaux de lavande à l’eau bouillante et retourna aussitôt à ses contenants d’herbes. D’un coup de coude maladroit, elle faillit envoyer valser au sol un pot rempli de dards de Billywig, mais elle réussit à le rattraper. Klarissa soupira et éloigna d’une main tremblante le pot sur le comptoir. La porte de la salle de bain lui indiqua que Cadfael revenait et la jeune femme espéra qu’il allait mieux.

« Et tu fais quoi, au fait ? »

Il apparut dans la cuisine, vêtu d’un pantalon et d’un t-shirt sûrement métamorphosé à partir de sa robe. Il fureta un peu puis se dirigea vers le salon pour observer Karna.

« Potion calmante avec effets cicatrisants, tes blessures seront presque guéries demain. »

Klarissa rangea deux boîtes d’ingrédients dans une armoire et s’agenouilla un instant pour ranger un autre contenant. Alors qu’elle remettait un peu d’ordre, Cadfael lui demanda si elle n’avait pas quelques vêtements pour lui et des compresses pour ses nombreuses coupures. Il demanda ensuite s’il pouvait aider et l’apothicaire secoua la tête avant de quitter la cuisine en direction de sa chambre. Elle ouvrit la porte et contourna le lit vers la penderie. Il arrivait parfois que Tobias veuille fuir son exigeante femme et qu’il vienne se réfugier chez la seule personne qui partageait son point de vue : sa sœur. Mais en grand trainard qu’il était, Tobby laissait ses vêtements à gauche et à droite et repartait toujours avec moitié moins dans ses valises. Klarissa possédait donc une quantité de vêtements masculins assez grande pour supposer qu’elle avait un époux. Elle attrapa un pantalon et un t-shirt blanc soigneusement lavés et pliés dans l’armoire, puis s’arrêta près de sa coiffeuse pour ramasser sa trousse de premiers soins dans le premier tiroir. Enfin, elle revînt dans le salon et déposa le tout sur la table basse avec un sourire.

« Elle est mignonne ta bestiole. De quoi s’agit-il exactement ? Y a d’autres inconnus que tu me caches dans cette maison ? »

Klarissa retourna à la cuisine et versa dans une tasse la potion semblable à un thé grumeleux. Elle se servit ensuite une tasse de thé, ramassa un paquet de biscuits secs et alla rejoindre Cadfael dans le salon.

« Karna est un Boursouf, c’est très commun tu sais…Disponible dans toutes les bonnes animaleries. », fit-elle, souriante, alors qu’elle tendait à la bestiole un biscuit. « Pour ce qui est des inconnus, il y a un nid de Doxy sous ma commode mais je n’ai jamais osé les déloger…En même temps, elles ne dérangent pas et ne m’ont attaqué que trois fois depuis qu’elles sont là. »

La jeune femme déposa la tasse de potion devant Cadfael et avala une gorgée de thé avant de s’agenouiller près de la table basse.

« Et puis, dire qu’il y a des gens qui exterminent les Doxys à grand renfort de Doxycide, pauvres petites choses. Il suffit d’avoir de l’antidote sous la main pour se guérir des morsures venimeuses et tout va bien. »

Elle haussa les épaules et prit un biscuit dans le paquet. Raconter n’importe quoi, surtout au sujet des animaux, la rendait moins nerveuse. Les créatures étaient un anxiolytique naturel pour Klarissa; le Boursouf sautilla en bas du dossier, puis sur la table et enfin vola le biscuit de sa maîtresse avant d’aller trouver refuge sous la table. L’apothicaire esquissa un sourire distrait et regarda un instant sa main vide avant de prendre un autre biscuit, qu’elle put manger cette fois. Elle posa ensuite les yeux sur Cadfael et lui adressa un faible sourire.

« Tu as faim ? Je peux te préparer quelque chose…À moins que tu ne préfères dormir ? Je peux préparer la chambre d’amis ou enfin…Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ? »

Elle attrapa un troisième biscuit, qu’elle brisa en deux, et en glissa un morceau sous la table alors qu’elle mangeait l’autre moitié, silencieuse.

Klarissa était aux petits soins, plus encore qu’avec les nombreux animaux qu’elle avait accueilli chez elle. Parce que les créatures, il suffisait de leur trouver un coin pour dormir et de quoi manger pour qu’elles soient heureuses. Les chats de gouttière et les chiens abandonnés ne débarquaient pas chez elle pour demander de l’aide et ne l’embrassaient pas comme Cadfael l’avait fait. S’occuper d’un humain était bien différent que de prendre soin d’un chaton squelettique. Dès qu’il fut établi qu’il resterait, la sorcière s’était lancée dans la concoction d’un remède qui aiderait à la cicatrisation de ses blessures. Il avait demandé des vêtements, elle lui en avait donné, sans vraiment réfléchir à ce que son invité pourrait penser en voyant qu’elle possédait des vêtements d’homme. À vrai dire, elle était trop préoccupée par le bien-être de son ami pour se justifier. Elle avait des vêtements masculins, voilà tout. Peut-être même qu’elle s’en faisait pour rien, il avait sûrement compris qu’ils appartenaient à un de ses proches. Ou du moins, elle espérait. Parce que s’il supposait qu’elle avait quelqu’un dans sa vie, toutes ses chances étaient…Bref. Potion, thé, petits biscuits secs, l’apothicaire avait même pris le temps de ranger un peu le capharnaüm de la cuisine avant de retourner au salon.

Parce qu’elle était nerveuse, la sorcière –après avoir répondu au sujet de Karna- enchaîna sur les Doxys, puis sur la façon dont on s’en débarrassait, leur venin et blah blah blah. Il lui semblait que chaque fois qu’elle était en présence de Cadfael, la conversation déviait sur une créature quelconque, souvent nuisible ou dangereuse. Au fond, c’était un sujet comme un autre, c’était aussi banal et pathétique que la météo par exemple.

« Enfin si tu as besoin d’aide, pour les Doxys ou je ne sais pas quoi, je peux demander à l’Elfe de te donner un coup de main. Ce n’est pas comme s’il croulait sous le travail. Il a même l’air de s’ennuyer en ce moment. »

L’apothicaire se contenta de lui offrir un sourire presque gêné. Pas question d’elfe dans sa demeure. Premièrement parce que les elfes lui rappelaient les gobelins de Gringotts, deuxièmement parce qu’il n’y avait pas assez à faire ici pour s’encombrer d’une telle bestiole. Avec leurs gros yeux globuleux, leurs oreilles démesurément grandes, leurs membres squelettiques et leurs haillons, ils étaient effrayants. Et puis, elle aimait bien faire le ménage dans ses petites affaires. Cadfael avala la potion avant de grimacer puis prit un biscuit qui provoqua aussitôt des protestations de son estomac. Klarissa lui proposa de lui faire à manger et de lui préparer la chambre d’amis.

« Ça ira ne t’en fais pas, je t’ai déjà assez dérangée comme ça je ne vais pas en plus te demander de cuisiner ou de te mettre en frais pour moi. Les biscuits et un coin de canapé ce sera parfait. »

Des biscuits secs et un coin de canapé ? Il avait été retenu prisonnier par l’Ordre du Phénix et il voulait se contenter de biscuits secs et du canapé ? Pas question. La sorcière prit un autre biscuit et le coupa en deux pour en donner un morceau à Karna. Elle se leva ensuite et lissa sa robe avant de se diriger vers la cuisine : légumes, beurre, farine, sel, poivre, chaudron, cuillères, baguette. Elle lança quelques sorts à droite et à gauche et la recette se mit en route alors qu’elle retournait à sa place au salon.

« Il va bien falloir que je LUI fasse un rapport demain tu sais. Aussi, franchement, tu n’as pas à hésiter. Le pire qui puisse arriver est que je ne réponde pas. Honnêtement, je ne comprends pas comment tu fais… pour tout écarter comme ça, tout accepter sans poser de questions. Tu n’es pas un minimum curieuse ? Même si je n’ai pas changé je… enfin je ne suis pas celui que tu pensais que j’étais. »

Sa main rencontra la sienne et Klarissa baissa un moment les yeux, pensive. Oui, elle était curieuse. Terriblement curieuse même. Mais les questions qu’elle avait envie de poser n’avait rien à voir avec sa séquestration ou quoi que ce soit de « sérieux ». Ses questions étaient futiles, voire stupides, et la jeune femme n’osait pas dire de telles bêtises alors que Cadfael revenait d’une dure épreuve. Il était épuisé, il avait faim et elle n’était pas là pour le questionner mais pour le remettre sur pieds, point. La sorcière releva les yeux et esquissa un faible sourire.

« Cadfael, lorsque je t’ai vu la première fois, je me suis dis que tu étais un homme charmant, drôle et intelligent. Tu es toujours ce sorcier charmant, drôle et intelligent; la seule différence c’est que maintenant je suis au courant de ton secret. Tu es toujours le même. Mais si tu insistes, je peux toujours te poser des questions, quoique ce ne soient sûrement pas les questions auxquelles tu t’attends. »

Sans se lever, elle se retourna brièvement pour agiter sa baguette en direction de son chaudron qui bouillonnait. L’odeur réconfortante d’une soupe crémeuse envahissait déjà l’air ambiant. Klarissa ramassa Karna couinant sous la table basse –à la recherche de miettes quelconques- puis reporta son attention sur Cadfael.

« Alors…hum…IL est de retour donc ? De retour en presque forme humaine ou juste…enfin…son esprit ? Il paraît qu’IL a un serpent…Il est gros ? Féroce ? C’est un mâle ou une femelle ? Il a déjà eu des petits ? Ce doit être passionnant de parler Fourchelang avec un serpent qui est aussi proche de nous…Comme si je discutais avec Necator. Ce serait merveilleux. Est-ce qu’il y a des femmes auprès du Lord ? Je veux dire…pas comme des épouses, enfin, tu vois…parmi les Mangemorts ? J’imagine que c’est une information que tu ne peux pas révéler…Leur identité doit rester secrète, quoique savoir s’il y a des femmes chez les Mangemorts n’est pas vraiment révéler l’identité de qui que ce soit… »

L’apothicaire se tut enfin, pensive, cherchant à ses nombreuses questions des réponses qu’elle ne connaissait pas. Lorsqu’elle prit conscience du nombre de questions qu’elle venait de poser en si peu de temps, Klarissa –embarrassée- se leva précipitamment pour jeter un coup d’œil à la soupe, et accessoirement cacher sa gêne.

Le langage se passait bien de mots. Surtout entre Klarissa et lui. Une myriade de choses passait derrière les sujets les plus banals, de part leur comportement, leurs sourires et leurs regards. La gêne de la jeune femme ne passa donc pas inaperçue pour le mangemort qui la prit simplement pour ce que c’était. Un refus poli. Son propre sourire changea également, s’accompagnant d’un hochement de tête montrant bien qu’il avait entendu et prenait note. Il ne lui demanderait pas pourquoi elle refusait son aide (enfin celle de l’elfe), ce n’était pas important. La seule chose qui comptait à présent c’était qu’elle était là, devant lui. Qu’elle avait apprit qui il était et l’acceptait quand même. Qu’il était vivant. Libre. Heureux.

Toujours sans un mot, l’apothicaire écarta ses objections et se mit à faire la cuisine. Les aliments se mirent à bouger tous seuls dans la cuisine, comme animés par une main mystérieuse. Distraitement (encore un peu nerveux également par l’épreuve qu’il venait de traverser), le libraire les regarda s’agiter, une très légère déception au fond du regard. De la soupe. Ça changeait du gruau mais sincèrement il aurait préféré de la viande. Quelque chose de solide en somme. Pas de la soupe…

Est-il besoin de préciser que ce genre de pensées terre à terre disparut dès le retour de la sorcière ? Que l’ombre dans les yeux gris de l’écossais se leva au profit d’une admiration qu’il ne pensait même pas à cacher ? Et que sa main sous la sienne, petite et chaude, douce et tendre le…

« Cadfael, lorsque je t’ai vu la première fois, je me suis dis que tu étais un homme charmant, drôle et intelligent. Tu es toujours ce sorcier charmant, drôle et intelligent; la seule différence c’est que maintenant je suis au courant de ton secret. Tu es toujours le même. Mais si tu insistes, je peux toujours te poser des questions, quoique ce ne soient sûrement pas les questions auxquelles tu t’attends. »

Non mais non. Si elle s’y prenait comme ça il allait fondre sans espoir de retour. Et un mangemort ne fondait pas par Merlin. Le romantisme n’était pas, plus, une preuve de virilité. Il baissa lui aussi les yeux admirant les nervures du bois sur le parquet pour s’empêcher de rougir. Ce n’était pas juste. Il était beaucoup trop fatigué pour rester noble et froid.

« Vas y quand même. »

Elle bougea et, comme un réflexe, les doigts du libraire se refermèrent sur le poignet de la jeune femme. Pas question de laisser un tel trésor s’échapper. Cette main était la sienne ce soir. Il ne relâcha son étreinte que lorsqu’elle se remit à parler, caressant distraitement cette peau si douce du bout du pouce.

« Alors…hum…IL est de retour donc ? De retour en presque forme humaine ou juste…enfin…son esprit ? Il paraît qu’IL a un serpent…Il est gros ? Féroce ? C’est un mâle ou une femelle ? Il a déjà eu des petits ? Ce doit être passionnant de parler Fourchelang avec un serpent qui est aussi proche de nous…Comme si je discutais avec Necator. Ce serait merveilleux. Est-ce qu’il y a des femmes auprès du Lord ? Je veux dire…pas comme des épouses, enfin, tu vois…parmi les Mangemorts ? J’imagine que c’est une information que tu ne peux pas révéler…Leur identité doit rester secrète, quoique savoir s’il y a des femmes chez les Mangemorts n’est pas vraiment révéler l’identité de qui que ce soit… »

Il y eut un silence tandis que le mangemort essayait de mettre un peu d’ordre dans ses pensées. Elle avait raison, il ne s’était pas attendu à ce genre de questions et ne savait que très peu de choses sur Nagini. Comme impatiente, la belle se leva, enlevant sa main en même temps que le reste de son corps pour surveiller la soupe. Stupide soupe. Le manque se fit soudain très fort puis disparut. Cad’ la suivit du regard, toujours aussi pensif.

« Je crois que les rumeurs sur Sa mort ont été très exagérées. Je ne sais que peu de choses. J’étais de l’autre coté de l’Atlantique à l’époque, avec ordre de ne pas revenir avant qu’il ne m’appelle. J’y suis resté quinze ans. »

Il s’arrêta une seconde, refoulant les souvenirs de cette époque à la fois bénie et maudite où il avait été son propre maître. L’ivresse et la peur. Il leva cette fois les yeux au plafond et reprit.

« Il est humanoïde mais n’a jamais été humain. Il ressemblerait plus à un… reptile. Et oui il en a un. Enorme. Nagini. Je crois que c’est une femelle mais je n’ai jamais posé de questions. Je l’ai vue dévorer un homme en quelques minutes. Oui, ça doit être une femelle. J’ai entendu dire qu’on devait la traire. Après…je pensais que les serpents étaient ovipares… »

Pourquoi fallait-ils qu’ils parlent de cette affreuse bestiole ? Et pourquoi est-ce qu’il pâlissait encore hein ? Ce n’était pas comme si Nagini était là. Pas comme-ci il y avait neuf chances sur dix pour qu’il doive à nouveau sentir son contact le lendemain en punition pour son échec. Car il serait puni. Sévèrement. Et le pire là dedans était qu’il savait le mériter. Le Lord seul saurait à quel point cet échec le décevait.

« Il y a quelques femmes parmi les mangemorts. Une qui est morte durant la bataille a ce que l’on m’a dit. Et bien évidemment Bellatrix Lestrange qui est connue de tous et que donc je peux nommer. Quelques autres également mais je ne connais bien que Bella. On se voit souvent…pour discuter. Elle est folle. Dangereuse. Mais une des sorcières les plus puissante que je connaisse. »

Il sourit un peu en repensant aux cours que lui donnaient la Sang pur, avec un rien de tristesse pour Rochelle, la potionniste aveugle à présent disparue. Personne ne savait la raison de cette mission mais elle avait été coûteuse. Le Seigneur des Ténèbres avait-il réussit à atteindre son but ?

Ça sentait bon dans la maison. La soupe finalement était une très bonne idée. Il avait faim. Il se leva, rejoignit rapidement la sorcière et lui passa un bras autour de la taille. Tant qu’elle ne le repoussait pas, il continuerait à prendre des initiatives. Il n’était pas de ceux qui avaient peur pour rien.

« Pourquoi, tu voudrais rentrer à Son service ? »

C’était son devoir de poser la question mais maintenant qu’il y pensait, il se sentait fondamentalement contre l’idée. Klarissa avait bien trop de classe pour fréquenter les dingues, les violents et les idiots qui composaient 70% de l’armée du Lord Noir.

« Tu as d’autre questions ? Le forfait est illimité pour toi ce soir. Profites-en avant que je ne reprenne mes esprits. »

Un silence, puis une interrogation, un énième cri du cœur.

« Les vêtements que je porte. Ils sont à Tobias n’est ce pas ? »

Ne pas montrer de méfiance ou de jalousie. Rajouter autre chose. Vite. Ça devenait urgent.

« Ça ne le dérangera pas tu penses ? »

Il s’en fichait pas mal de ça. Mais il avait envie de l’entendre parler. De la Cause, ou d’elle-même, ou de sa famille, peu importait. Il avait juste besoin du prétexte des mots pour remplir l’espace et éviter de retomber dans ses pensées en boucle. Les douces sur Klarissa et les plus sombre sur les semaines qu’il venait de traverser.

Klarissa se sentait stupide d’avoir osé poser ses questions au sujet du serpent de Vous-Savez-Qui. C’était déplacé, Cadfael devait n’en avoir absolument rien à faire de ce reptile et ce n’était certainement pas le moment de le déranger avec ce genre de questions. Et pourtant, alors qu’elle fuyait vers la cuisine pour cacher son malaise, elle l’entendit répondre à ses questions. Il commença par parler du Mage Noir lui-même et de Sa mort exagérée, da sa forme humanoïde loin d’être humaine et finalement passa au sujet du reptile. Nagini, une énorme femelle capable d’avaler un humain entier…La sorcière abaissa un instant sa baguette alors qu’elle réfléchissait. Laissée entre les mains d’un sorcier quelconque, ce beau spécimen serait assurément dangereux. Un serpent de cette taille, qui se nourrissait certainement de grosses proies, s’attaqueraient à des êtres comme…oh, si cette belle bête pouvait dévorer les gobelins et les elfes de maison, quelques enfants turbulents du voisinage, ce serait parfait. L’apothicaire sortit de ses rêveries pour saisir la suite des réponses à ses questions, cette fois concernant les femmes dans les rangs des Mangemorts. Il connaissait Bellatrix Lestrange ? Sur le coup, Klarissa manqua échapper toute la poivrière dans son chaudron. Elle revoyait clairement les avis de recherche et les articles dans la Gazette du Sorcier au sujet de l’évasion de certains Mangemorts. Cette sorcière était folle, dangereuse et il la côtoyait ? Les partisans du Mage Noir ne s’entretuaient certainement pas mais c’était tout de même vivre dangereusement que de partager du temps avec une femme comme Lestrange. Quoique…Elle avait peut-être de la conversation. Elle avait sûrement quelque chose à dire, ce devait être un soulagement de pouvoir parler avec des gens normaux –ou presque- après tout ce temps enfermé à Azkaban. La prison inviolable avait laissé s’échapper un mystère pour Klarissa.

La jeune femme chassa ses réflexions au sujet de l’étrange sorcière lorsque le bras de Cadfael entoura sa taille. Elle posa un instant sa tête contre l’épaule de son invité et esquissa un faible sourire. Sa nervosité laissait lentement place à une sorte de soulagement de le savoir en vie, même après cette dure épreuve. Il aurait pu être tué, il aurait pu être découvert et enfermé à Azkaban à son tour. Elle ignorait qui avait séquestré le libraire mais ces gens-là, qu’on les considérât comme le bien, n’entraient pas dans sa définition d’alliés. Pas question de se mettre du côté d’individus qui avaient tout bonnement kidnappés l’Écossais.

« Pourquoi, tu voudrais rentrer à Son service ? »

La sorcière ne s’attendait certainement pas à une telle question et prit un instant pour y réfléchir. Devenir Mangemort; cela impliquait énormément, c’était offrir sa vie à une cause qu’elle ne pouvait soutenir que secrètement. Et encore, elle n’était pas de sang pur et venait d’une classe franchement moyenne, convenait-elle réellement ? Serait-elle utile alors qu’elle ne s’y connaissait qu’en potions et en créatures ? Oh bien sûr, l’apothicaire se défendait bien une baguette en main, mais elle n’avait jamais eu le désir du duel. Elle pouvait le faire, mais le vouloir était une toute autre histoire. Elle savait aussi taire les secrets les plus sombres, mais tout cela suffirait-il à la rendre utile ? Elle se garda finalement de répondre à la question, c’était trop compliqué. Rejoindre les armées du Seigneur des Ténèbres, c’était sceller son destin et elle ne pouvait se décider là, maintenant, ce soir. Cadfael lui demanda si elle avait d’autres questions, mais avant même que Klarissa n’ait eu le temps de retrouver ses mots, il reprit la parole.

« Les vêtements que je porte. Ils sont à Tobias n’est ce pas ? »

Croyait-il vraiment qu’un autre puisse être passé ici ? La jeune femme s’était refusée tout attachement depuis plusieurs années déjà, les seuls représentants de la gente masculine qui entrait dans son logement portaient le nom de Hollister.

« Ça ne le dérangera pas tu penses ? »

L’apothicaire esquissa un sourire amusé et retira le chaudron du feu d’un coup de baguette. C’était mignon, cette préoccupation pour les vêtements qu’il portait. Si elle avait été cruelle, elle aurait pu prétendre qu’il s’agissait des vêtements d’un ex-petit copain inexistant, puisque son dernier remontait à l’époque de Poudlard. Mais il n’y avait que Tobias pour laisser trainer ses vêtements derrière lui. Elle se souvenait encore de l’avoir aidé à défaire sa valise, plier ses vêtements jetés pêle-mêle dans ses bagages; Klarissa avait écouté ses plaintes et ses reproches sans commenter. Au fond d’elle-même, elle avait eu envie de dire « Mais laisse la tomber, nom d’un Serpencendre ! », mais elle n’aurait jamais osé le dire à voix haute. Malgré tout, son frère était heureux avec sa femme.

« Je crois que depuis le temps, il a dû oublier l’existence de ces vêtements. Quand il fait un séjour ici, il se laisse tellement traîner qu’il part avec moitié moins dans ses valises. Je crois qu’il y a même plus de trucs à lui dans ma penderie que de choses qui m’appartiennent. »

Tout en parlant, la sorcière sortit un bol d’une armoire et enchanta distraitement une louche pour servir la soupe. Elle avait envie de poser des questions et à la fois de se taire pour le ménager. La jeune femme s’obligeait à éviter tout sur les Mangemorts et tout le reste parce qu’elle était persuadée que ça n’aiderait en rien. Et pourtant, sa curiosité habituellement bien contenue insistait pour déborder un peu, juste le temps de grappiller quelques informations pertinentes. L’apothicaire regarda distraitement trois contenants d’épices reprendre leur place dans le placard avant de regarder Cadfael.

« …Crois-tu vraiment que je conviendrais pour être à Son service ? Je ne suis pas une guerrière, je me sers de ma baguette comme une ménagère le ferait. »

Elle se tut un moment. Elle savait user de sa baguette, mais si elle devait vraiment tout avouer, Klarissa était une habituée du trafic d’artefacts et de créatures magiques. Ce qu’elle savait le mieux faire, c’était soutirer des informations et acquérir divers objets et/ou êtres supposés être illégaux. Comme son Necator qui dormait dans le placard. La plupart des trafiquants qui demandaient des animaux voulaient les vendre à des collectionneurs. Et les collectionneurs étaient des amoureux de ces créatures. La sorcière ne se sentait absolument pas hors-la-loi d’offrir à des gens la possibilité de prendre soin de bêbêtes incomprises.

« En quoi ça consiste ? Je veux dire…d’être Mangemort ? »

Le bras fermement passé autour de la taille de la jeune femme, Cadfael savourait le contact de son corps contre le sien, le doux abandon de sa tête sur son épaule et la douceur de ce contact. Ils parlaient toujours de tout et de rien mais il y avait eu tout un échange corporel qui était au moins aussi intéressant. Elle l’aimait, voila ce que l’étreinte lui révélait. Et lui ne la laisserait pas partir. Il lui vola un baiser dans le cou profitant que ses mains étaient occupées par la cuisine et continua comme si de rien n’était. Surtout, ne pas parler de ce qui importait vraiment.

Le soulagement qui le saisit lorsque la jeune femme lui confirma qu’il s’agissait bien de Tobias ne s’exprima que dans un petit rire, à la fois touché et moqueur. L’amant avait sentit la méfiance protectrice du frère et s’en amusait plus qu’autre chose. Les deux hommes se ressemblaient trop pour se détester vraiment. Leur antipathie n’était finalement que poudre aux yeux et personne ne s’y laissait prendre.

« Si c’est le cas, il faudrait vraiment que je t’emmène faire les boutiques un de ces huit ! Hors de question que tu aies moins de robes que lui de chemises. »

Son ton léger adoucissait la remarque mais ne supprimait pas sa détermination. L’invitation – car s’en était une – était on ne pouvait plus sérieuse et Cadfael avait bien l’intention de s’y tenir dès qu’il aurait un moment de libre. Le mois prochain. Peut-être même avant s’il avait un désistement quelque part. Et il offrirait les plus belles étoffes à sa bien aimée. Dès qu’ils auraient finis de parler boutique. Il soupira. Pourquoi fallait-il toujours qu’il fasse passer le devoir avant tout hein ? Parfois il se mettrait des claques pour s’apprendre à se taire. Enfin, il n’avait plus le choix que de revenir à des considérations plus sérieuses. Cela lui apprendrait à obéir aux ordres.

« Je ne sais pas Klary. »

Seule une réponse honnête était possible à présent. Il soupira un peu, agacé de la tentation timide qu’il entendait dans la voix de son amie. Partagé entre sa mission, la Cause et ses propres envies. Il sentait son égoïsme se faire de plus en plus insistant. N’avait-il pas donné assez déjà ? Sacrifié son premier rêve, quinze années de sa vie, son libre arbitre, tout ce qu’il était en somme pour une Cause dont il ne voyait pas le bout ? Certes, il savait que la fatigue et la lassitude avaient beaucoup à voir dans son découragement mais il aurait tellement aimé pouvoir mentir. Dire à la jeune femme qu’elle serait inutile, qu’il valait mieux qu’elle les soutienne de loin, par exemple en le voyant régulièrement. Ou bien faire le choix d’abandonner une personne de plus à l’Avenir et lui dire que l’on attendait plus qu’elle pour se lancer dans l’aventure, qu’elle pourrait y retirer gloire et honneur, toutes ces choses qu’il n’avait d’habitude pas de peine à sortir aux adolescents et jeunes adultes qu’il devait recruter. Il devait faire un choix. Il n’y arrivait pas.

« Honnêtement, la décision t’appartient. Mangemort n’est qu’un mot générique pour désigner ceux qui ont l’honneur de porter la marque. Il n’y a pas qu’eux qui agissent pour la Cause et même parmi eux, il y a de tout. Des combattants, des médicomages, des hommes de loi, des potionnistes… »

…des espions, des traîtres, des saboteurs, des empoisonneurs, bref tout un beau monde dont les trois quarts étaient aussi fous que les Lestranges.

« Être mangemort, en gros, cela signifie dédicacer sa vie au Seigneur des Ténèbres et à son œuvre. Obéir à chaque ordre, quel qu’il soit, savoir assumer ses échecs sans espérer d’autre récompense que l’accomplissement de son devoir. Il faut anticiper mais pas trop, obéir mais intelligemment, et la plupart de mes camarades sont des imbéciles. »

Nouveau soupir. Cela ne ressemblait pas du tout à son discours de recrutement habituel, mais la recrue n’avait rien de banale non plus. Par automatisme, il lâcha la jeune femme pour prendre les deux bols de soupe et les ramener à la table dans le salon, haussant la voix pour qu’elle continue à l’entendre de la cuisine. Il le posa alors et revient la voir, incapable de rester loin d’elle plus longtemps.

« Si tu me demande mon avis, je pense que tu as les capacités qu’il faut pour Le servir. Tu es intelligente, cultivée, douée, digne de confiance. Avec de la chance et du travail tu pourrais même t’élever rapidement dans la hiérarchie. »

Il déglutit, se tourna vers elle et chercha son regard, plus sérieux que jamais, le visage fermé par la semi trahison qu’il s’apprêtait à faire mais toujours souriant.

« Normalement, je devrais arrêter là, te dire de faire ton choix toute seule, mais je t’en conjure, Klarissa, réfléchit bien à ce que tu vas dire. Il n’y aura pas de recours possible. La plupart des mangemorts ne dépareraient pas dans l’allée des embrumes, bien peu ont de la conversation et il n’est pas aisé pour quelqu’un comme toi ou moi de s’y sentir. Il faut aussi que tu te sentes capable de supporter le sang sur tes mains, même si ce n’est qu’indirectement, pouvoir faire taire la plus petite pensée de trahison, savoir que le bien être des tiens sera lié à ton succès… ce n’est pas forcément une bonne chose pour toi. Je pense que tu peux bien plus aider la Cause en restant à l’extérieur de celle-ci. »

Et voila, c’était fait. Il avait franchit le pas et donné son opinion. Refusant de l’influencer davantage, il la lâcha à nouveau, reprenant sa place sur le canapé, pensif. Ça n’était pas vraiment interdit et il était probable que, de la part du Seigneur des Ténèbres, cette proposition ne visait qu’à tester sa Foi à lui (comme il l’avait si bien dit à Klarissa, les proches n’étaient jamais à l’abri). Ils avaient d’ailleurs bien assez de potionnistes et naturalistes dans les rangs et … cela ne servait à rien de s’auto justifier, il verrait bien demain. Demain. Il pâlit.

« Je partirais tôt demain matin et je vais redisparaître un moment après le temps que les choses se calment, mais je garderais un œil sur toi alors si tu as besoin de quoique ce soit, n’hésite pas à me le faire savoir, je m’arrangerais pour avoir ton message d’une manière ou d’une autre. Et si tu as encore des questions, n’hésite pas. »

Il porta le bol de soupe à ses lèvres, goûtant sa chaleur et sa douceur. Il avait faim, c’était bon. Il avait soif, c’était apaisant. Et maintenant qu’il se sentait bien, ses paupières commençaient à se faire très lourdes.

Si elle oubliait son logement, Necator dans le placard et l’heure tardive, Klarissa arrivait à imaginer une scène quotidienne de la vie d’un couple. Ce qui –elle essayait de s’en convaincre- semblait un mauvais signe. Elle s’était attachée à Cadfael plus qu’elle ne l’aurait voulu et se savait maintenant incapable de s’éloigner de lui. Il ferait parti de sa vie qu’elle le veuille ou non, en ami ou plus, sûrement plus à vrai dire. La sorcière avait tenté de se persuader que ce sentiment de bien-être était dû au fait que son ami venait de sortir d’une horrible épreuve en vie, mais c’était surtout parce qu’alors qu’il avait besoin d’aide, c’était elle qu’il était venu voir. Elle, elle et personne d’autre. Un sourire illumina brièvement son visage alors qu’elle servait la soupe de son invité surprise. Discuter des vêtements de Tobias était quelque chose de plutôt anodin, un peu comme de parler d’un petit encadré dans la Gazette. Ses joues rosirent légèrement lorsque Cadfael annonça qu’il devait l’amener faire du shopping parce qu’il était inacceptable qu’elle est moins de vêtements que Tobias. Elle n’avait pas particulièrement envie de changer de sujet mais lorsque l’occasion se présenta de parler du Seigneur des Ténèbres, l’apothicaire saisit aussitôt sa chance. Par simple curiosité bien entendu. À vrai dire, elle n’avait jamais envisagé la possibilité de se joindre à la « Cause », mais c’était avant de savoir qu’elle côtoyait un Mangemort. Un vrai, avec la Marque pour le prouver. Et qu’est-ce qu’un Mangemort devait faire au juste ? Préparer le repas du Lord ? Avait-il besoin de manger en fait ?

« Je ne sais pas Klary. »

La jeune femme entendit son ami soupirer et se sentit aussitôt coupable de s’être aventurée sur le sujet de la Cause. Après tout ce temps passé en captivité, il n’avait certainement pas envie de parler de la raison pour laquelle on l’avait capturé. Klarissa agita légèrement sa baguette pour ramener à l’ordre un contenant d’épices qui prenaient la mauvaise direction et s’assura que le pot retournait à sa place. S’occuper de telles choses l’empêchait de trop réfléchir.

« Honnêtement, la décision t’appartient. Mangemort n’est qu’un mot générique pour désigner ceux qui ont l’honneur de porter la marque. Il n’y a pas qu’eux qui agissent pour la Cause et même parmi eux, il y a de tout. Des combattants, des médicomages, des hommes de loi, des potionnistes…Être mangemort, en gros, cela signifie dédicacer sa vie au Seigneur des Ténèbres et à son œuvre. Obéir à chaque ordre, quel qu’il soit, savoir assumer ses échecs sans espérer d’autre récompense que l’accomplissement de son devoir. Il faut anticiper mais pas trop, obéir mais intelligemment, et la plupart de mes camarades sont des imbéciles. »

Cadfael soupira de nouveau; la sorcière fronça un instant les sourcils. Être Mangemort ne semblait pas être particulièrement plaisant. Le Seigneur des Ténèbres n’utilisait certainement pas ce discours peu engageant pour recruter de nouveaux serviteurs. Aucun jeune sorcier ne souhaiterait entrer au service de quelqu’un avec une si mauvaise réputation sans récompense. Juste de l’obéissance et de la dévotion. L’expression de Klarissa se fit un peu plus déconfite lorsque son ami la lâcha et s’éloigna vers le salon avec la soupe. L’apothicaire se dépêcha de ranger ce qui traînait encore sur le comptoir et referma la porte de la dernière armoire alors que son invité revenait vers elle.

« Si tu me demande mon avis, je pense que tu as les capacités qu’il faut pour Le servir. Tu es intelligente, cultivée, douée, digne de confiance. Avec de la chance et du travail tu pourrais même t’élever rapidement dans la hiérarchie. »

De nouveau, la couleur de ses joues changea un moment. Klarissa n’avait pas l’impression de mériter de tels compliments; certes, elle était intelligente et certainement cultivée, mais elle n’arrivait pas à se considérer comme particulièrement douée en quoi que ce soit ni digne de confiance. Aux yeux des gens du Ministère, elle était une contrevenante. Rien d’assez grave pour se retrouver en procès, mais elle avait bien quelques actes douteux qui méritaient une amende. Comme pour confirmer ses pensées, elle entendit son Runespoor s’agiter dans le placard : tant qu’il restait caché, tout irait bien.

« Normalement, je devrais arrêter là, te dire de faire ton choix toute seule, mais je t’en conjure, Klarissa, réfléchis bien à ce que tu vas dire. Il n’y aura pas de recours possible. La plupart des Mangemorts ne dépareraient pas dans l’Allée des Embrumes, bien peu ont de la conversation et il n’est pas aisé pour quelqu’un comme toi ou moi de s’y sentir. Il faut aussi que tu te sentes capable de supporter le sang sur tes mains, même si ce n’est qu’indirectement, pouvoir faire taire la plus petite pensée de trahison, savoir que le bien être des tiens sera lié à ton succès… ce n’est pas forcément une bonne chose pour toi. Je pense que tu peux bien plus aider la Cause en restant à l’extérieur de celle-ci. »

La sorcière baissa un instant les yeux vers le sol, pensive, avant de regarder Cadfael. Ce dernier s’éloigna alors à nouveau pour retourner au salon et Klarissa hésita un moment avant de le rejoindre. Supporter le sang sur ses mains et se donner à cent pour cent pour protéger sa famille…Et en cas d’échec, Tobias risquerait quelque chose. Sa femme aussi. Et Jacob. Sa mère, son père, son oncle, sa tante, son cousin…Peut-être même Teresia, aussi inutile soit-elle dans son état. Toute sa famille dépendrait de ses performances, elle ne pouvait risquer la santé de ses proches. Cadfael avait certainement raison, elle serait plus utile sans s’engager. Elle devait déjà garder le secret de son ami, ce serait infernal de devoir garder le sien aussi. L’apothicaire prit délicatement son bol de soupe et alla s’installer sur le canapé à son tour.

« Je partirais tôt demain matin et je vais redisparaître un moment après le temps que les choses se calment, mais je garderais un œil sur toi alors si tu as besoin de quoique ce soit, n’hésite pas à me le faire savoir, je m’arrangerais pour avoir ton message d’une manière ou d’une autre. Et si tu as encore des questions, n’hésite pas. »

Klarissa but une petite gorgée de son bol et ferma les yeux un moment avant de prendre la parole.

« Je crois que nous devrions changer de sujet, nous reparlerons de tout ça une autre fois, tu veux bien ? Quand les choses se seront calmées…Nous avons tout notre temps n’est-ce-pas ? Mes questions peuvent attendre. Et ne t’inquiètes surtout pas pour moi. Je ne ferai rien sans réfléchir intensément. Mais pas ce soir. Maintenant, je compte profiter de cette soupe, me pelotonner contre toi et parler d’avantage de cette virée de shopping avant une bonne nuit de sommeil. »

Elle s’étira pour déposer son bol sur la table basse et appuya sa tête contre l’épaule de Cadfael, un fin sourire aux lèvres. Voilà, tout ça lui semblait être un bon plan. Un plan parfait.

« Il va falloir que je prévois une partie de mes recettes dans les prochaines semaines pour faire les boutiques…J’ai un côté capricieux en matière de vêtements. Je n’ai pas grand-chose mais ma mère m’a contaminé avec son goût pour les étoffes de luxe. J’ai l’habitude d’y aller durant l’été, avec mon jeune cousin, il connaît mieux tout ça que moi…Dans les deux dernières années, j’ai dû acheter environ trois ou quatre nouvelles robes. »

La sorcière se redressa paresseusement pour attraper son bol avant de reprendre sa place près de Cadfael. Elle garda le silence un moment, buvant une nouvelle gorgée de soupe, puis releva les yeux vers son ami.

« …Tu reviendras me voir demain, avant de disparaître pour quelques temps ? »