DAMIEN: Très bien. A plus Marilyn.

Et il s’éloigna. La jeune femme resta un moment, interdite. Elle venait de faire quoi là? Une folie, sans aucun doute. Parce que oui, c’était une folie que de défier Ombrage de la sorte. LA Poufsouffle avait encore un goût amer qui traînait, dû à la punition du Crapaud Rose. Elle se sentait un peu coupable d’avoir fait perdre des points à Poufsouffle -de par sa bêtise ou sa malchance, probablement les deux à la fois- et elle cherchait un peu comment racheter ses fautes. La jeune fille passa une main dans ses cheveux blonds, et tortilla une mèche, distraitement, une moue boudeuse étant apparue sur ses lèvres rendues plus pulpeuses à l’aide d’un peu de gloss. Ben quoi? Marilyn ne se trouvait pas trop jolie, elle était plutôt du genre à se regarder dans le miroir en s’indignant de sa condition, en se lamentant de ce nez qu’elle trouvait trop gros, de cette bouche trop fine, de ces joues trop maigres. Elle finissait le plus souvent par verser des larmes de crocodile, et à se dire que la vie est totalement injuste. Alors, autant essayer de se mettre en valeur comme on peut. La Poufsouffle se maquillait toujours très légèrement. Parce que si elle insistait, étant donné qu’elle est blonde, elle aurait l’air d’une pétasse. Or, elle était loin d’être une pétasse. La jeune femme posa un index pensif sur son menton, et se mordilla la lèvre inférieure avec inquiétude. Elle avait trop eu de renseignements d’un coup. Et à dire vrai, sa mémoire de poisson rouge avait largement eu le temps de zapper la moitié des détails. Du coup, la jeune demoiselle était en train de boguer sérieusement, les questions se bousculant dans sa tête. C’était bien sa veine. Marilyn eut tout à coup envie de courir à la suite de Damien pour le rattraper, et lui poser les questions qui la taraudaient depuis tout à l’heure. Mais étant persuadée, en plus de ça, que le jeune homme avait déjà évoqué le tout dans son explication, cela lui ferait perdre son temps. Alors tant pis pour elle. Elle composera en fonction des éléments qu’elle avait en mains.

Marilyn laissa échapper un profond soupir, et de son regard ambré, fixa le couloir où il s’était échappé. Tout à coup, la distance à franchir s’était avérée carrément insurmontable. Tant pis. Elle renonçait. Ca n’était pas dans son habitude de jeter l’éponge. Ordinairement, elle s’accrochait mordicus, quitte à aller droit dans le mur. Elle n’avait de la peureuse que son apparence effacée, mais elle avait en réalité appris à résister à certaines choses. Elle craignait juste les gens. Qu’ils soient grands ou petits. Méchants ou gentils. Elle n’était pas hostile pour autant envers les autres. C’est juste qu’elle était…Effacée. Elle se montrait juste présente pour celui qui était dans le besoin. Croyez-vous pourquoi elle avait d’emblée accepté de rejoindre le mouvement? Parce que. C’était son côté altruiste qui voulait ça. Sa volonté aussi de faire quelque chose de concluant au moins une fois dans sa vie. Marilyn lâcha la mèche de cheveux qu’elle était en train de tournicoter depuis tout à l’heure. Et d’un pas tout à fait normal, elle se dirigea à son tour vers la salle commune. Retour au bercail, en somme.

Tout en cheminant, la Poufsouffle vérifia ce qu’elle portait. Elle avait tout juste un débardeur noir, un jean troué au genoux. Une tenue passe-partout en somme, mais un peu étrange dans une école peuplée de sorciers. Après tout, elle s’était débarrassée de l’uniforme, pour le coup. Et elle venait clairement d’une famille de Moldus. Bref. Marilyn leva la tête pour regarder les tableaux devant lesquels elle passait tous les jours. Elle les salua, un peu moins gaiement que d’habitude cependant. Ses cheveux blonds voletaient autour de son visage, et elle ne souriait pas. Pour une fois, elle était de ceux qui font la gueule. Enfin, elle ne faisait pas la gueule à proprement parler, mais elle ne souriait pas. C’était tout comme, mais pour la fragile Poufsouffle, c’était différent. Toujours à trouver des complications là où il y en avait pas. Elle arriva enfin à la salle commune. Elle vit Damien, qui l’avait abandonnée au milieu du couloir. Une de ses amies dont le nom échappait à la jeune Marilyn, et Evelyn, une fille qu’elle connaissait pas trop personnellement, mais plutôt de réputation. Elle la regarda avec méfiance, mais sans hostilité. Marilyn n’était pas capable de faire preuve de méchanceté, ou de ressentir la jalousie, la haine, le mépris. Ca faisait trop peur, en réalité. Elle fronça les sourcils en voyant le chapeau d’Evelyn, puis elle se posa près du groupe. Elle se mordilla à nouveau la lèvre inférieure, avant de murmurer:

« -Je peux? Je ne dérange pas? On m'a dit qu'il y avait un truc cet aprèm pour euuh...Le projet. Alors je euh...»

Elle se tut, se perdant dans ses mots. Tout en désignant d’un index incertain le siège libre à la droite de Damien. Un léger tremblement venait de s’emparer d’elle. La blonde n’était pas très à l’aise quand il y avait trop de monde, mais ça ne l’empêchait pas d’être polie. Quoique légèrement impressionnée. S’ils étaient tous à Poufsouffle, c’est qu’ils avaient un point commun. De ses yeux ambrés, elle fixa Damien, Evelyn et Saffron. Trois Poufsouffle, mais tous différents. Elle baissa le regard, et se cacha derrière ses cheveux. Elle paraissait tout à coup plus fragile. Elle se mordilla la lèvre inférieure, et prit une profonde inspiration. Ses doigts fins agrippant le dossier de la chaise libre derrière laquelle elle était postée.

« -Sinon je peux partir »

Ajouta-t-elle. Marilyn ou l’art de s’effacer quand elle n’était pas demandée. Marilyn qui ne s’imposait jamais. Marilyn qui ne serait qu’un nom, et non pas une personne parce qu’elle n’aura jamais rien fait dans sa vie à cause de sa peur des gens pour le moins irrationnelle. Et Marilyn qui n’attendait qu’une occasion pour sortie de son cocon, occasion qui se faisait plutôt attendre. Marilyn qui, maintenant, ne pouvait pas faire autre chose de plus convaincant à part de regarder fixement le bout de ses chaussures d’un air embarrassé.

La timide Poufsouffle n'aimait pas s'imposer. Elle préférait mille fois partir plutôt que de rester parmi des personnes qui lui étaient hostiles. Ne serait-ce que pour préserver sa santé mentale. C'est pour ça qu'elle avait préféré demander. Quitte à se recevoir une claque dans la gueule à cause de la réponse. En même temps, quand on demandait « je peux rester » c'était un peu une question rhétorique. Peu de personnes osaient dire non, tant et si bien que la personne se posait là, sans vraiment savoir ce que les gens pensaient. Mais après tout. Pourquoi toujours se préoccuper de l'opinion des autres, n'est-ce pas? Genre que les autres avaient quelque chose à en faire des siens. Mais Marilyn était respectueuse. Un peu trop même. Tellement respectueuse que lorsqu'elle se clashait avec quelqu'un, elle n'osait jamais dire des mots plus haut que les autres, pour ne pas offenser. Elle n'aimait pas être l'objet de l'insatisfaction de quelqu'un, elle qui voulait toujours plaire. Et qui agissait en conséquence, s'oubliant un peu parfois en route. La Poufsouffle était de plus en plus mal à l'aise, alors que personne ne répondait à sa question. Son regard s'aventura du côté de Damien, passablement irrité. Etait-ce à cause d'elle? Marilyn se mordilla la lèvre inférieure. Elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille, lesquels étaient tombés devant ses yeux, masquant partiellement son visage qui devenait rouge brique de seconde en seconde. Enfin, Olivia, poursuiveuse dans l'équipe de Poufsouffle, que la jaune ne connaissait que de vue, prit Marilyn en pitié et répondit, mettant fin au suspense.

« On va probablement avoir besoin de toi, sinon tu n'aurais pas été invitée. »

Comme si elle n'attendait que l'assentiment d'une personne pour rester là, elle finit par s'asseoir. Au fond, se disait-elle, si personne n'avait réagi, soit elle aurait fini par craquer et foutre le camp, purement et simplement, tétanisée par le suspense un peu trop pesant, soit elle se serait assise là quand même, car comme le dit le proverbe, qui ne dit mot consent. Ouais, c'est tout à fait ça. C'était le même principe d'ailleurs utilisé pendant les mariages. Vous savez, quand le prêtre se décide à dire le fatidique « si quelqu'un s'oppose à ce mariage, qu'il se manifeste maintenant ou se taise à jamais »? Ben c'était tout à fait le même principe. Si personne ne disait rien à ce moment là, c'est qu'il consent au mariage. D'où le qui ne dit mot consent. Bref. Personne ne s'était opposé, ou tout du moins lui avait dit clairement de dégager, bien que l'attitude hostile de Damien disait tout le contraire. La Glover une fois installée, Swart prit la parole.

« Euh bon alors… On entend souvent parler de Gryffondor et Serpentard à cause de leurs conflits et des Serdaigles pour leurs bonnes notes. Poufsouffle est trop souvent mis à l’écart. On voudrait en quelque sorte organiser une grande campagne de charité ‘’Donnez vos points à Poufsouffles’’ auprès des autres maisons. On voyait un peu le truc avec des banderoles, des tracts, des tables dans les couloirs… On avait même pensé trafiquer des badges, pour faire comme ceux de l’année dernière lors du Tournoi. Enfin bref, vous voyez le truc ?! Que Poufsouffle soit à la tête de l’affiche, cette fois ! Et donc aujourd’hui, on devait décider de ce qu’on fait vraiment et de qui-fait-quoi...On pensait faire des groupes, le Jour J. Que certains aillent à la table des Gryffondors, d’autres chez les Serdaigles et tout… Vous avez des idées ? Au fait Evelyn, ta tenue, elle est vraiment sympa. Mais tu ne penses pas qu’en jaune et noir, ça rendrait vachement bien ? Qu’on lui attribue un truc ‘’Pouffy’’ en tout cas… »

Marilyn resta pendue aux lèvres de son camarade, écoutant ses paroles. Elle était d'accord avec ce qu'il disait. Poufsouffle était volontiers vu comme la maison poubelle, la maison par défaut, parce que la personne envoyée là n'allait dans aucune autre case. Pas assez de bravoure pour être à Gryffondor. Pas assez de sagesse et de raison pour être à Serdaigle. Pas assez de ruse et d'ambition pour convenir à Serpentard. Quand on voyait la plupart des jaune et noir, on se disait que oui, Poufsouffle rassemblait bon nombre de bras cassés, des gens inintéressants. Automatiquement mis à l'écart. Marilyn ne contestait pas le truc des bras cassés. Elle même n'était pas mal dans son genre. Mais ils n'étaient pas tous comme ça. Déjà là, quand on regardait le groupe ainsi constitué, ils étaient tous originaux à leur manière. Evelyn avait l'excentricité, Olivia la mélancolie, Saffron le punch, Damien savait donner de la suite dans ses idées. Marilyn elle, était timide et maladroite, mais elle avait des ressources. Ils étaient tous différents, et pourtant ils affichaient les mêmes couleurs, le même blason. Il fallait cesser le manichéisme pur et dur, il fallait cesser la généralisation plus que dévalorisante!

Quoiqu'il en soit, il devenait urgent de revaloriser leurs couleurs, de montrer enfin qu'ils existaient. Quoi de mieux que de s'investir dans une cause, une action qui aurait le mérite de faire beaucoup de bruit? Ombrage faisait peur à Marilyn, mais ainsi entourée, elle ne la craignait plus. Elle trouvait même l'idée de la campagne de charité vraiment...canon, y'avait pas à dire. Seulement, des questions se bousculaient dans la tête de la blonde. OK pour l'organisation, tout ça. Les banderoles, les tracts, la campagne offensive, il n'y avait pas grand chose à réfléchir là dedans. Ce qui chagrinait la jaune, c'était justement ce truc de « donner vos points à Poufsouffle ». Comment allaient-ils s'y prendre? Marilyn pianota un instant sur le bras du fauteuil, avant de se risquer à prendre la parole, quitte à se faire passer pour stupide, première du nom.

« -Mais euuh...Donner vos points à Poufsouffle, OK, c'est cool comme idée. Mais. Parce que y'a un mais. Les points que Poufsouffle va récupérer des autres maisons, ils vont automatiquement être déduits des autres sabliers, n'est-ce pas? Ca me paraîtrait quand même assez étrange que les élèves des autres maisons acceptent de donner leurs points comme ça, gratuitement. Leur but étant de gagner la coupe des quatre maisons, eux aussi. Alors à défaut de charité. Pourquoi ne ferions nous pas des trucs en échange, histoire d'épater la galerie? J'ai déjà vu des gens qui faisaient des sortes de spectacles en échange de quelques pièces. On pourrait faire pareil, nan? En admettant que chacun d'entre nous ait euh...Un talent particulier »

Ce que la blonde voulait dire, c'est qu'ils pouvaient par exemple mettre leur talent au service des autres étudiants, histoire aussi d'égayer un peu l'ambiance sinistre qui régnait à Poudlard. La blonde resta songeuse, réfléchissant à ce qu'ils pourraient faire d'autre. Il fallait se montrer présents, faire voir qu'ils existaient. Susciter l'admiration. Ouais, voilà, c'est tout à fait ça. Mettre le paquet pour leur en mettre plein la vue. Pourquoi pas alimenter le souffle révolutionnaire qui sévissait à l'école en ce moment? Ca serait chouette comme idée, non? Consciente que son temps de parole n'était pas encore écoulé, elle reprit alors la parole, avec plus d'assurance cette fois.

« - Outre les tracts et autres campagnes de publicité, qu'il faudra faire discrétos pour ne pas se faire prendre par Ombrage, pourquoi ne pourrait-on pas surfer sur la vague révolutionnaire qu'il y a en ce moment? J'sais pas moi, faut qu'on montre qu'on en a dans le bide, qu'on peut être tout aussi courageux, tous aussi intelligents et tous aussi rusés que les autres! Faut qu'on participe en classe et qu'on donne les bonnes réponses! Qu'on se sorte les tripes pour tout réussir, montrer qu'on est pas bêtes quoi! Déjà on gagnerait des points par nous-mêmes, et si on sortait de l'ombre peut-être que les autres nous reconsidéreraient enfin? Il faut qu'on nous voit partout, qu'on devienne indispensables, qu'ils ne puissent plus se passer de nous! »

Mais elle n'avait rien de plus concret à apporter, juste quelques maigres suggestions. Mais ils étaient beaucoup, réunis en cet instant. Cinq cerveaux, pour composer avec tout ça, ça allait largement compenser, n'est-ce pas? Parce qu'il fallait l'avouer, la blonde était à court d'idées, et là déjà, les deux mini discours qu'elle venait de composés, pleins d'emphase et de motivation étaient très inhabituels quand on la connaissait. Non pas qu'elle soit carrément stupide, bien que son attitude le laissait croire, mais sa timidité l'empêchait d'être loquace comme elle le voudrait. Et pourtant, quand on y réfléchissait, quand on regardait d'un peu plus près, on voyait qu'elle en avait des choses à dire.