[Avril] Mots dits [Libre]

Invité

Le vent jouait avec les feuilles, les faisant discuter dans l’air pur du petit matin. A quatre heures, le soleil n’était pas encore levé mais la lumière du jour combattait déjà la nuit avec toute la violence dont elle était capable. Dehors, la nature renaissait en une explosion de verts et de fleurs, comme heureuse de s’ébrouer après la longue sieste de l’hiver.

Siriel soupira. Il avait beau se sentir proche du monde végétal, il ne pouvait s’empêcher de le voir s’éloigner à l’approche des beaux jours. Lui qui n’était qu’un rêve, une erreur dans la réalité extérieure, ne pouvait que regretter la joie omniprésente. Que représentait le printemps pour lui ? La lumière, la brûlure du soleil sur sa peau et le bruit joyeux de ses condisciples autour de lui. Le printemps, Avril surtout, c’était Sarah. Son rire cristallin, ses yeux d’ambre et ses cheveux de feu. Elle lui manquait de plus en plus chaque jour. Et s’il l’abandonnait un peu pour l’oublier quelques temps aux profits de son ombre chinoise, jamais il ne se passait de jour sans qu’il regrette sa disparition, les sentiments qu’il avait eu à sa naissance, son égoïsme forcené de petit garçon.

Une feuille morte, oubliée par l’automne, vint se poser soudain sur ses genoux, l’arrachant à sa méditation mélancolique. Il n’avait que faire des regrets. Comme tous les sentiments, ils lui étaient inutiles. Après tout, cette réalité n’était qu’un leurre et il n’avait aucunement l’intention de se laisser prendre à son piège. Il étendit les jambes, installa plus confortablement son dos contre les marches du perron et posa sa tête sur la pierre froide du mur à sa droite. Doucement, comme dans un souffle, ses yeux se fermèrent et il s’endormit.

Ce fut un bruit de pas dans les escaliers derrière lui qui le réveilla. Dehors, il faisait tellement brûlant que le soleil traversait même ses paupières, nimbant son rêve d’un halo douloureux. Il frissonna. Il avait probablement attrapé froid mais cette fois, au moins, il avait reprit conscience avant qu’un attroupement ne se forme autour de lui. C’était toujours mieux que lors de sa dernière fugue. Quoique les tables de la Grande Salle l’aient laissé moins courbaturé.

Lentement, presque comme un automate, il tourna la tête. Le haut du corps. Puis ouvrit les yeux. C’étaient des pieds. Jolis. Chaussés du noir réglementaire. Ils descendaient l’escalier d’un air déterminé, sans que le Serdaigle ne puisse deviner à qui ils appartenaient. Il aurait bien sur pu lever la tête pour vérifier par lui-même mais les mouvements à imaginer pour une telle opération étaient bien trop complexes pour le moment. Peut-être dans quelques heures, quand il aurait décidé de se réveiller.

« Mh. »

Toujours aussi lentement, il se tourna à nouveau, laissant son regard triste observer la beauté de la pelouse. Les billes de rosées faisaient des milliers d’arc en ciels microscopique colorant l’herbe de reflets multicolores. Dans le chêne au loin, deux oiseaux s’ébrouaient pour se sortir de leur torpeur. La vie était une belle chose, vue de loin. Autant en profiter avant que l’inconnu(e) ne prenne son onomatopée pour un essai de communication et ne se mette à parler.

C’étaient ce qu’ils finissaient tous par faire. Parler. Et détruire la beauté à coup de mots assassins.

Invité

Grace descendait lentement vers le hall, sans vraiment savoir pourquoi. Cela lui arrivait souvent, de faire quelque chose sans aucune raison. Elle en avait envie, son cerveau lui disait de la faire, alors pourquoi réfléchir plus longtemps. A vrai dire, elle ne connaissait pas l’heure exacte, elle savait juste que c’était le matin et que le soleil pénétrait déjà à travers les fenêtres, bref, il était peut-être aux alentours de neuf ou dix heures.

Grace descendait donc les marches quand elle aperçu quelqu'un, assis dans un coin. Au début, elle ne le reconnut pas mais après l’avoir bien regardé, elle comprit qu’il s’agissait d’un serdaigle, d’une année de plus qu’elle. Elle le connaissait aussi car il avait déjà fait ça : s’asseoir dans le hall, un peu tôt le matin, et qu’il avait était vu, ce qui lui avait valu de longues discussions sur lui.

La poufsouffle s’avança vers le jeune homme, mais se rendit compte qu’elle ne se souvenait pas de son nom seulement une fois devant lui. Elle resta donc plantée face au serdaigle, se sentant idiote et mal à l’aise. Puis Grace finit par lui adresser la parole, se persuadant que de toute façon, lui non plus ne devait pas connaître son prénom.

Désolé, je ne me souviens pas de ton nom, c’est quoi déjà ? Au oui, moi c’est Grace, et toi, qu’est-ce que tu fais là ? T’inquiète, je dirais rien, moi aussi je le fais souvent. T’es en sixième année, non ? Désolé, j’ai la mémoire courte.

Elle pensa ensuite qu’elle l’agressait de questions, le pauvre, à laquelle pourrait-il répondre en premier. Alors elle ajouta.

Je te dérange pas au moins ? Désolé, je pose sûrement trop de questions.

Puis, se disant qu’il fallait mieux qu’elle se taise et qu’elle arrête de poser des tonnes de questions, elle s’assit et attendit qu’il réponde.