Une missive. Elle lui était parvenue ce matin, alors que Constance allait fermer la boutique. Un peu de plus et le hibou aurait dû attendre son retour. Elle avait décacheté la lettre, qui portait les armoiries de...la famille Gynn ap Nudd. Un nom bien complexe qui ne disait pas grand chose à la commerçante, aussi précise soit t'elle: on n'oubliait pas un nom pareil, mais Constance voyait tellement de gens que ce n'était pas impossible qu'ils se soient déja croisés. Elle avait lu la missive et elle était restée un moment perplexe.

Citation :

A l'attention de Madame Klein,

Madame, j'ai récemment entendu dire que vous portiez un vif interêt à ce qui sort de l'ordinaire. Etant moi-même un grand amateur d'oeuvres d'art mais ne pouvant, pour des raisons logistiques, les garder tous en ma possession, je serais prêt à vous en céder quelques unes pour peu que vous preniez la peine de venir me voir au Gynn ap Nudd Manor, en Ecosse. Je vous envoie le nécessaire pour que vous puissiez transplaner dans le village le plus proche. Une voiture vous y attendra le jour dit pour vous mener directement jusqu'à ma propriété.

Je suis à votre service,

Cordialement,

Cadfael Gynn ap Nudd

Bien sûr, qu'elle portait de l'attention à "tout ce qui sortait de l'ordinaire" , pour reprendre les mots de ce... (elle jeta un coup d'oeil rapide à la signature) Cadfael. Ainsi, il l'avait appelée car il espérait qu'elle pourrait le délester de ses trésors. Constance devrait les acheter, on ne donnait pas des antiquités, ça serait hérétique. Parfois, ses clients lui vendaient des marchandises, et des fois elle tombait su des foutaises, ou sur des merveilles. Mais ce Cadfael paraissait trop sérieux pour vouloir l'arnaquer. Evidemment, elle devrait, en bonne antiquaire qu'elle était, authentifier l'objet, et négocier son prix. Ca n'allait pas être facile, car son oeil exercé exigeait un certain prix, mais dès que ça devenait exhorbitant, elle refusait net. Il ne fallait pas qu'elle se retrouve sur la paille pour des bricoles.

Constance avait donc filé, mis sa cape sous ses épaules et son capuchon sur la tête, pour protéger ses cheveux bruns des trombes d'eau qui s'abattaient sur Pré-Au-Lard. Elle avait relu les instructions des dizaines de fois, et elle avait fini par connaître la lettre par coeur. Ainsi, elle avait transplané dans un petit village, dans les highlands, et là, elle avait vu une voiture, un taxi. Le chauffeur l'avait interrogée sur son identité (par mesures de sécurité, avait t'il dit) et il l'avait fait monter dans le véhicule. Constance arriva dans une vaste propriété, et fronça les sourcils pour tenter d'avoir une vue panoramique de la bâtisse. Elle y renonça, c'était beaucoup trop grand. Elle monta les quelques marches qui menaient à la porte. Elle avait attaché à sa ceinture une bourse contenant l'argent qu'elle donnerait, si jamais elle décidait de prendre la marchandise. Elle sortit son poing, puis elle tapa trois coups.

Cadfael ne disait rien mais écoutait attentivement les paroles de la jeune femme, un sourire aimable aux lèvres. C'était un être extrêmement curieux et doté d'une bonne mémoire. Il en profitait également pour l'observer, se demandant distraitement pourquoi il ne l'avait plus croisée au repère depuis son retour d'angleterre. Malchance ? Le Seigneur ne l'avait peut-être pas rappelée... il avait tardé à le rappeler lui donc c'était encore possible. A moins qu'elle ne soit un traitre mais ce n'était pas à lui d'en décider.

En tout cas entendre sa voix lui rammenait d'étranges souvenirs d'une époque ou le mensonge et la dissimulation étaient moins présents que maintenant. Une époque ou ses rêves lui paraissaient totalement réalisables. Avec son 'exploit' Potter n'avait réussi qu'à augmenter le nombre de victimes innocentes de ce que le mangemort considérait comme une révolution indispensable à l'évolution de la société sorcière.

Un dieu lézard, un seigneur serpent, et son père dont le patronus était un crocodile. Les reptiles avaient décidément la part du lion en ce qui concernait les puissants sorciers. Enfin bref ! Le libraire lanca un coup d'oeil au portrait de son père qui de toute façon ne parlait jamais en public. Malgré les années et la mort du modèle, John James Brian Gynn ap Nudd était toujours le véritable seigneur du manoir et il suffisait souvent que le portrait fasse une suggestion pour que Cadfael le suive.

Ne croyez pas que l'écossais était perdu et ne suivait pas ce que disait Constance. Il pouvait très bien enregistrer une conversation tout en pensant à autre chose, c'était l'une de ses grandes forces. Aussi haussa-t-il un sourcil et demanda soudain :

- L'échiquier, il était moldu ou sorcier ? L'enchantement tenait toujours sur les pièces ?

Peu d'enchantements résistaient aussi longtemps mais vu les détails que rapportaient la jeune femme ils'agissait d'une vraie oeuvre d'art. Cad n'avait jamais été bon aux échecs. Ce jeu demandait plus de patience qu'il n'en avait et il déplacait plus les pièces pour la beauté de la forme que dessinaient les pièces que par réelle stratégie. Il préférait les mots croisés sorciers, ou les jeux de logique. Quant aux malédictions, très peu pour lui. Il admirait la magie noire mais refusait d'y toucher ou de s'y frotter. Curieux pour un mangemort vous me direz mais Cad était un homme curieux.

Il lui tendit l'étuit sans mots dire et l'écouta parler de Tristan et Iseult. En effet, maintenant il savait. Depuis l'incident avec Lucius il s'était renseigné sur cette garce. Cette... il ne trouvait pas le mot... qui avait forcé le pauvre garçon à la désirer jusqu'à la mort. Cad (qui n'aimait pas l'idée de s'attacher malgré sa fidélité à toute épreuve quand il était amoureux) en avait des frissons.

- Je sais, j'ai examiné cet objet pendant plusieurs semaines. Et je peux vous garantir que c'est de l'argent. Parole d'honneur. Et je peux également vous dire que sa magie est toujours aussi forte. Je lui ai fait passer quelques tests avant de vous demander de venir. Je ne vous aurais pas fait déplacer pour rien.

Il laissa passer un silence et inclina poliment la tête. Il n'avait pas touché à son propre thé, il n'avait pas souvent soif et ne se servait que par politesse.

- Merci. Le blason est celle d'une branche américaine des Wincheston. Il s'agit d'une des rares familles américaine à être toujours de sang pur avec les Bashes, les Doors - pas le groupe de rock hein, la famille. fit-il avec un sourire avant de continuer, un peu moins légèrement. Il n'est pas réellement dangereux en soi, c'est comme tout, cela dépend de l'usage qu'on en fait. L'important est de ne jamais le porter.

Un autre silence assez court et, pour Cad, un peu gêné qui décida de changer de sujet.

- A votre avis alors, qu'est ce que ça vaut ?

Il avait bien une estimation, il n'était pas novice dans ce genre d'affaire. Il avait fréquenté trop de salles d'enchères et de bouquiniste pour ne pas savoir marchander correctement.

Constance continua d'ausculter l'objet avec sa loupe, scrutant ce fameux bracelet en essayant d'en déceler le moindre détail. C'était vraiment une belle pièce d'orfèvrerie, et Constance arqua un sourcil quand il lui posa des questions à propos de l'échiquier magique. Constance rayonnait. Elle allait pouvoir étaler sa science sur le sujet, quoique, sans fioritures, elle faisait son travail.

Constance songeait. Elle avait repensé à ces années, passées en compagnie des Mangemorts, ça faisait sept ans qu'elle était sortie du service psychiatrique de Sainte Mangouste, et quand elle était sortie, elle avait appris que son Maître était tombé. Mais il était revenu des ténèbres, tel un phénix, et maintenant, il rayonnait de nouveau, irradiant le monde magique de sa magnificence maléfique. Constance savait que le moment approchait. Le pouvoir du Seigneur des Ténèbres n'était pas encore à son apogée, et elle souhaitait vivement voir les futures actions, voir le monde changer, faire un immense bond en avant. Constance entendit la voix de Cadfael dans le lointain.

L'échiquier, il était moldu ou sorcier ? L'enchantement tenait toujours sur les pièces ?

La question relevait de l'évidence. Si l'échiquier était moldu, on n'aurait pas pris la peine de lui faire parvenir, Constance s'occupant uniquement des antiquités apparentées à la magie, et surtout, les objets dangereux. Des fois, elle réparait les objets trop endommagés, renouvelait des sortilèges -en ce qui concernait les échiquiers, en tout cas- et elle restaurait les gravures, dessins et tableaux pour les sauver. Constance croisa les jambes, et posa sa tasse sur la table. Elle s'humecta les lèvres, puis elle reprit la parole.

C'était un échiquier magique, version sorcier. Sinon on ne me l'aurait pas confié. Le sortilège a du être renouvelé. en fait, je l'ai eu avec un coup de chance, c'était un collectionneur qui n'en voulait plus, et il me l'a apporté. Un peu de plus et il finissait dans un musée. Des fois, ça m'arrive de revendre des marchandises à un musée de la sorcellerie, mais ça reste occasionnel. Je revends surtout à des particuliers, et je neutralise les objets dangereux. C'est un sacré travail, mais c'est avant tout une passion.

Les échecs, c'était le truc de Dean Mc Gregor, son mari. Dean excellait dans le domaine, et des fois, Constance devait bien l'avouer, elle trouvait qu'il s'en vantait un peu trop. Dean n'avait pas encore vu l'échiquier, mais si il le voyait, il serait comme un gamin en extase devant ses jouets de noel, qu'il a commandés et qu'il a eu.

Ainsi, Cadfael lui garantissait que c'était de l'argent. Certes, légèrement oxydé, mais c'en était quand même. Elle s'attarda encore sur les fines gravures qui le constituaient. Elle soupira, puis elle but à nouveau une gorgée de thé. Elle nota qu'il était beaucoup plus froid que tout à l'heure, normal, quand on pensait qu'elle avait passé son temps à contempler la pièce que lui avait fournie Cadfael. Elle n'avait pas sifflé la tasse de thé en une seule lampée, ça aurait été la dernière des impolitesses.

Sincèrement, vous pensez que c'est réellement lié à l'histoire des deux amants? Je sais que les bardes et tous ceux qui ont chanté ce chant lyrique ont un peu romancé la réalité, que l'histoire était bien plus cruelle que dans les versions racontés...mais est-ce, enfin, je veux dire, ces runes, est-ce une preuve sufisamment tangible pour relier mythe et réalité? Les Moldus ont souvent assimilé cette légende à un mythe, mais pour les sorciers ce n'est visiblement pas la même chose. Je crois qu'il n'ont fait que d'empoisonner l'histoire.

Constance marqua une pause, puis elle écouta Cadfael mentionnant les Wincheston. D'aprés ce que disait le libraire, c'était une des rares familles de sang pur d'Amérique. Elle ne remit pas ses explications en doute, en tant que libraire, il devait trés certainement savoir ce qu'il faisait. Constance opina en silence. Ses yeux valsèrent un instant sur l'étui qui avait contenu le bracelet avant que l'antiquaire ne s'en accapare. Elle reposa la boîte sur la table, et elle posa sa loupe à côté du bracelet. Elle le prit dans ses mains.

Pourtant, il n'avait pas l'air dangereux, du moins, au toucher. Ses effets ne devaient se distiller que quand on osait réunir le fermoir. Malgré son usure, il n'avait rien perdu de sa dangerosité. Qui sait...

Vous croyez qu'il a été porté par Iseult elle même, ou elle l'a donné à Tristan pour le garder sous le coude? Cette manière de dire les choses est certes succinte, mais c'est l'idée...ce qui me chagrine, c'est cette inscription, là. Ca me ronge de savoir ce que cela signifie...Je pense que la loupe ne suffit pas à décoder la phrase, l'usure étant trop importante...mais ce n'est pas totalement usé...le fermoir a perdu seulement le quart de son volume initial. Ca peut paraître énorme, mais je vais essayer de décoder la phrase. Avec un peu de chance, au microscope, on verrait les traces laissées par les outils qui ont servi à graver les symboles. Ca serait terriblement imprécis, mais au moins on aurait une petite idée de ce que disait la phrase, et la malédiction attachée au bracelet.

Cette hypothèse était un peu tirée par les cheveux. En admettant que Iseult la blonde ait réellement existé, qu'elle ait réellement retenu Tristan auprés d'elle, un peu comme la nymphe Nausicaa l'avait fait avec Ulysse dans l'odysée, en admettant que ce mythe soit bien réel, que serait donc ce bracelet? Constance ne croyait pas vraiment aux coincidences. Elle avait toujours cet esprit cartésien et rigoureux qui la caractérisait, ce qui lui aurait valu Serdaigle, dans sa prime jeunesse, mais le Choixpeau l'avait envoyée à Serpentard. Constance plissa légèrement les yeux. Elle cligna des yeux, puis elle leva ses yeux marron vers Cadfael.

combien je vous l'achète? Hum, ma foi, je dirais entre mille et cinq mille gallions. C'est une pièce rare, et dangereuse qui de plus est. Ca vaut une petite fortune, parce que comme vous pouvez vous en douter, les gallions valent assez cher, et bon nombre de familles ont du mal à en obtenir en serait-ce une dizaine...

Constance croisa les bras, puis lança un regard interrogateur au libraire, pour savoir si sa proposition de prix lui convenait ou non. Sinon, elle pourrait marchander.



[HJ: Je suis désolée T_T . Vraiment mille excuses de ne répondre que maintenant et par un post aussi médiocre :sniff: ]

[Désolée d'avoir trop tardé, j'avais pas mal de soucis et pas mal de travail. J'espère que ma réponse de satisfera tout de même]

Constance sourit en entendant Cadfael évoquer à son tour sa passion. Ils avaient ce même amour des objets anciens. Constance n'avait pas cherché à occulter son amour pour les livres, même si elle a préféré l'art par la suite. Constance aimait les vieilles choses, leur charme désuet la rendaient comme une gamine de sept ans qui avait reçu les jouets qu'elle aurait commandés à Noel. On disait toujours que Constance était hors de son temps. Ce n'était pas faux, quoiqu'un peu exégéré. L'ex Serpentarde appuya sa joue sur sa main et resta songeuse. Dans son métier, Constance avait réussi à mêler ses deux passions: l'art et le danger. Pas que Constance était spécialement une tête brûlée, elle était plutôt prudente, mais son métier avait le mérite de mettre un peu de piment dans sa vie. Les vieilleries étaient pour elle une échappatoire, un moyen de s'écarter de la monotonie de son quotidien.

Si Constance Klein Mc Gregor haissait bien une chose, c'était la monotonie. Constance avait lutté pour éjecter ce poison de sa vie. Elle avait choisi ce métier pour plusieurs raisons: son goût pour les choses anciennes en était une, évoquée plus haut, mais les autres raisons étaient, certes moins évidentes, mais toutes aussi importantes. Constance aimait voyager. Or, elle allait chercher des antiquités dans tous les pays du Royaume-Uni, mais des fois elle allait en France ou en Espagne, tout dépendait d'où ses amis l'appelaient. Constance, à force d'efficacité et d'assiduité, avait fini par se faire forger une réputation des plus sérieuses.

C'était un trait de caractère récurrent chez l'antiquaire. Elle se donnait toujours les moyens de réussir. Quelqu'en soit le prix. Et plus haut elle montait, plus la chute était dure. Elle l'avait appris à ses dépens. Constance retomba brusquement sur Terre. Cadfael venait d'évoquer Iseult d'un air méprisant. Même dans une ère trés lointaine, son fantôme continuait à hanter.

Vous savez, je n'ai pas une vision aussi radicale des choses. Peut être que ce bracelet était juste le symbole de leur union...peut être qu'ils étaient unis bien avant...Tristan, par deux fois, a eu une dette envers elle. Elle lui a donné la vie, il lui a donné son amour. Parce vous savez, quand on perd quelqu'un qu'on aime trés fort, c'est presque mourir. Je parle en connaissance de cause.

Constance se tut. Elle avait encore une fois l'impression de se retrouver parachutée dans le marasme de ses souvenirs, aussi noirs que la suie, aussi opaques que glauques. Constance se rembrunit. Puis, pour se donner consistance, elle esquissa l'ombre d'un sourire, et elle se mit à évoquer une anecdote

Vous savez, il n'y a pas longtemps, j'ai eu vent d'une bien sinistre histoire...on a retrouvé un couple de personnes âgées morts dans leur manoir, mais ils ne sont pas morts de vieillesse...ils avaient des morceaux de chair arrachés, comme si ils avaient été dévorés... J'ai été appelée sur les lieux et j'ai trouvé le responsable: deux dentiers qui étaient a priori statiques, mais qui se mettaient à mordre dès qu'on les approchait...Bien sûr, je l'ignorais, mais j'ai dû toucher les dentiers, et ils ont failli me dévorer la main gauche. Tenez, regardez.

Miss Klein montra sa main à Cadfael. On voyait en premier lieu ses ongles, bien manucurés, couverts d'un vernis noir impeccable, et, en dessous, on voyait des traces de morsures. Des traces profondes.

C'est bien sinistre tout ça

Elle avait dit ça en hochant la tête. Elle joignit ses deux mains, puis elle appuya son menton dessus. Ses cheveux tombèrent le long de son visage. Elle avait l'air d'avoir dix ans de plus. Des légers cernes avaient encerclé ses yeux marron, qui avaient légèrement terni. Les premières rides avaient commencé à marquer son front. Ses joues s'étaient creusées, quoique certains puissent en dire. (!) Et tout son corps traduisaient un début de vieillesse. C'est exagéré, me diriez vous, Constance avait trente cinq ans et elle était plus proche des vingt ans que des soixante. Mais bon, l'humain était périssable, et tout pouvait être marqué trés tôt. Il fallait juste prendre soin de son enveloppe pour éviter que cela ne dégénère.

Enfin, bon. J'ai eu aussi entre les mains des documents datant de l'époque de Marie Antoinette, c'était un pamphlet, je crois, mais il a été détruit...je crois bien que c'est un faux, mais ça m'a bien fait sourire... Je crois que ça donnait "Je vous salue, Marie Antoinette, pleine de grâce, dont le Seigneur se contre-fout, Vous êtes honnie d'entre toutes les femmes, et Louis XV, qui a eu vent de vos entrailles, le soit aussi...Enfin, c'était plus une parodie d'un Je vous Salue Marie qu'un pamphlet sérieux et significatif, mais c'était juste pour que vous ayez une idée de ce qui a circulé en France pendant une certaine époque

L'accent français de Constance était à désirer, mais bon, il ne fallait pas lui en vouloir...Constance entendit Cadfael rire et essayer de marchander. Elle mit sa main sous son menton, et elle afficha un sourire

Bien évidemment. Selon vous, ça vaut combien?

Constance afficha un petit sourire sadique, et attendit un moment.

[désolée, c'est minuscule mais ça a trop tardé et ça nous permettra d'embrayer plus rapidement sur la suite.]



En fait, Mademoiselle Klein n'était pas idiote. Elle n'avait pas demandé à Cadfael de répéter le prix non parce qu'elle était bouchée à l'émeri mais parce elle voulait s'assurer que ce n'était pas une blague. En fait, Constance n'aurait pas osé proposer un tel prix pour un tel objet. C'était beaucoup trop. D'accord, le bracelet était joli, bien travaillé, l'argent était du vrai, mais ce n'était pour elle qu'un bracelet. Un bracelet qui rendait amoureux celui qui le portait, à vrai dire, elle n'y croyait pas trop. En fait, beaucoup trop de légendes du genre circulaient à propos de soi disant objets extraordinaires, et Constance en était assez lasse, elle devait farfouiller dans toutes sortes de documentations afin de débusquer les charlatans des vrais marchands. Et ce n'était pas tâche aisée car certains étaient des vrais roublards. Constance croisa les bras sur sa poitrine. Elle se lassa bien vite de cette position et prit l'anse de la tasse. Elle porta le breuvage à ses lèvres, machinalement. Constance grimaça en réalisant que sa tasse était vide.

Elle fouilla dans son sac et en sortit un calepin, où elle notait toutes les légendes urbaines qu'elle avait pu rencontrer dans son métier.

Vous allez me prendre pour une ingrate, mais je ne crois pas vraiment au pouvoir de cet objet. J'ai entendu de nombreuses histoires elle tourna les pages de son calepintoutes aussi abracadabrantes les unes que les autres…mais jamais entendu d’un…bracelet qui avait le pouvoir de rendre amoureux. J’ai entendu parler de…euh, de stylos pouvant écrire ce qu’écrivaient leurs utilisateurs dans leur chair, vous voyez, ce genre d’objets est illégal, et j’ai toujours pas compris comment fonctionnait ces stylos…j’ai eu récemment affaire à des moteurs de vendeuse à gazon qui explosaient tous seuls, vous savez, il y a toujours des petits malins qui s’amusent à ensorceler des objets moldus…mais un bracelet qui rend amoureux, vous savez, je suis tout à fait sceptique.

*Fais gaffe, tu parles trop*

Constance se sentait vieille. Il y avait cette ride sur le front qui la turlupinait, et ses traits commençaient à se creuser. Ses cheveux étaient secs et cassants, et Constance guettait également les cheveux blancs. Trente cinq ans n’était pas un âge anodin. Ca s’accélérait après, ou ça ralentissait selon les personnes. En général, ce qu’on redoutait le plus arrivait plus vite que ce qu’on attendait avec grande impatience. Constance quand elle était élève avait horreur des évaluations, comme tout élève normalement constitué. Elle ne prenait pas son pied à plancher deux heures sur un examen pour avoir une mauvaise note en finale. Et, bizarrement, elle ne voyait pas le temps passer entre le moment où le professeur annonçait l’interro et le moment où il distribuait les copies. Quand Constance s’était mariée, elle avait attendu cela avec impatience et le temps entre la demande en mariage de Dean et la cérémonie semblait avoir duré une éternité. Comme si ça ne suffisait pas, les supplices duraient longtemps et les délices passaient vite. C’était injuste.

Constance porta sa main à son épaisse chevelure brune, puis elle croisa ses mains sur la table. Elle regarda le libraire avec courtoisie quand il lui annonça son prix, pour ne pas paraître impolie.

Ca me semble un prix exorbitant pour ce que c’est. J’espère que vous plaisantez…Cependant, je veux bien que vous me prouviez votre bonne foi…en me le passant.

Quand Cadfael lui retira le bracelet, cela lui fit l'effet d'une douche froide. Point de cheveux mouillés, point de goutelettes d'eau sur le visage hâlé de la jeune femme, mais en revanche, elle avait froid, elle frissonnait. Et en plus, elle portait le fardeau de la honte. Elle avait honte de s'être comportée comme une adolescente, elle qui était réputée pour être une femme rigide et sévère. De plus, elle avait failli fricoter avec un homme qui n'était pas son mari, et qui, accessoirement, était un client potentiel pour ses antiquités. Vraiment! Elle avait décroché le gros lot. Elle eut soudainement envie de s'asséner une bonne paire de gifles. Elle ne sut pas comment réagir. Elle se rabroua violemment.

*Tss, espèce d'idiote, cesse de faire l'enfant! D'abord, c'est toi la fautive. TOI et seulement TOI. C'est toi qui as demandé de te passer le bracelet, c'est toi qui a poussé le bouchon à vouloir l'embrasser.*

Constance frissonna de dégoût. Non que Cad était repoussant, loin de là, il était plutôt plaisant à regarder, mais elle s'était comportée comme une traînée, vautrée à ses pieds. Elle aurait bien pu tenir le rôle de Marie Madeleine, la prostituée repentie. Un rôle en or et la Palme d'Or à Cannes si elle avait joué le film. Ah, c'était malin!Constance avait moins l'air fière tout à coup, avec son nez qui coule, ses yeux rougis et ses joues teintes d'un rouge agressif. Elle ressemblait plus à Hazel dans ses moments de colère qu'à une femme adulte. PAF! Gifle mentale. Monumentale. Constance baissa les yeux et hocha la tête en silence quand il l'entendit parler du pourquoi il voulait se débarrasser de ce truc.Constance était d'accord. Cet artefact cloportait des effets néfastes et pervers, il annihilait toutes raison, déshinibait tout l'être, il traînait dans son sillage la honte et la déraison. Iseult. Constance se promit, que, si il se trouvait que la sorcière s'était réincarnée, elle lui ferait passer l'envie de s'amuser avec les gens. Sans doute elle avait évité le pire. Elle aurait trés bien pu se réveiller, nue, dans le lit d'un quasi inconnu. Bien aprés cette pensée, elle eut du mal à regarder le sorcier dans les yeux. Elle sortit de son sac une bourse et elle étala des pièces sur la table.

voilà la somme que vous m'avez demandée pour la marchandise. Et deux cents gallions en guise de dommages et intérêts. Au revoir monsieur Stark.

Sans excuse, sans vergogne, elle s'éclipsa en transplanant. Peut être paraîtrait d'elle impolie de ne pas s'être excusée pour son comportement décalé, mais ses yeux l'avaient fait à sa place.