[Dec] Les rives gelées de L'île Lettrée

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(topic public mais reservé pour le moment)

La clef ripa sur la serrure, traçant une rayure fraiche sur le métal argenté. Un juron en gallois retentit alors dans le chemin de traverse étrangement vide en cette aube de décembre. Le ciel était couvert mais il ne neigeait pas encore. L'air était frais, rappelant Noël et ses festivités et augmentant la migraine du mangemort.
Cadfael rouvrait sa librairie londonienne. Il avait relancé celle de Pré au Lard une semaine auparavant mais ne voulait pas rester trop loin des rumeurs de la capitale pendant trop longtemps. Ces vacances forcées n'avaient apaisé ni son moral, ni ses blessures mais il fallait bien reprendre du service et puis il fallait avouer que la proximité d'une certaine boutique d'ingrédient ne lui était pas si désagréable que ça.

L'écossais poussa la porte qui grinça et grimaça en voyant la poussière accumulée. Cela ne faisait pourtant qu'un mois qu'il avait fermé. Hésitant une seconde à appeler l'elfe de maison pour qu'il nettoie tout ce fatras, il posa sa chemise de cuir sur le comptoir et saisit une bouteille contenant une étrange potion rosâtre dont il prit une gorgée. Quelques instants plus tard, il se sentit l'esprit plus clair et commença à ranger.

Le temps passa, le soleil se leva derrière les nuages et la rue se peuplait de curieux et de passants. La poussière avait disparue, les araignées s'étaient cachées et la boutique reprenait son désordre habituel. Les livres se cotoyaient et se mêlaient sans classement apparent. Magie noire, blanche et arc-en ciel, romans moldus et sorciers, contes anciens et nouveaux, livres de cours, d'art, de géographie. Le miaulement d'un chat abandonné dans la rue le tira de ses pensées et il retourna l'écriteau "fermé" en position "ouvert". Il y avait moins de monde ici qu'à Pré au Lard mais qui savait...avec de la chance une client allait passer la porte. Et si c'était vraiment son jour, peut-être une certaine cliente aux longs cheveux bruns et au sourire malicieux...

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[HJ : ça me dérange pas que ça soit "libre", mais je réponds très lentement, moi… très très très lentement…]

Décembre.

Keith était à Londres depuis une petite semaine et il envisageait déjà de partir. Continuer son voyage sans son ami était plus difficile qu'il ne l'aurait pensé. Surtout qu'il ne connaissait pas cette ville. Il ne savait pas où trouver des partenaires qui lui feraient oublier son amant, il ne savait pas comment contacter Poudlard pour un approfondissement en Métamorphose. D'ailleurs, il n'était pas certain que l'école accepte. D'après ce qu'il avait compris, le climat en Angleterre était des plus tendus. Pour ajouter à cela, l'hiver était rude aux yeux du jeune homme qui n'avait jamais vraiment connu le froid (ayant visité les pays froids en périodes estivales).

Il avait terminé ses réserves de bouquins et jugeait qu'il était temps de sortir un peu le nez de chez ses grands parents. Sa grand mère lui avait parlé du Chemin de Traverse et du Chaudron Baveur. L'idée d'aller flâner dans la rue commerçante lui disait bien, mais il avait décliner l'invitation à y aller par les cheminettes, il lui fallait aussi du tabac et il doutait d'en trouver chez les sorciers. La vieille femme lui avait donc dessiné un plan pour rejoindre le Chaudron Baveur et lui avait expliqué comment atteindre les commerces puis Keith était parti prendre l'air. Certes il faisait très froid mais cela lui faisait un bien fou de marcher.

Il portait un jean épais, une chemise et un pull en dessous d'une cape d'hivers bleue qui avait appartenue à son ami d'enfance. Les mains bien enfoncées dans ses poches, le cou rentré, il avançait tranquillement sur le trottoir. Il commença par se présenter à un bureau de change pour transformer ses francs en livres puis il s'engouffra dans la chaleur d'un bar anglais à la recherche de cigarettes. Ceci fait, il s'engagea dans les petites ruelles que sa grand mère lui avait indiqué et passa devant le Chaudron Baveur sans le voir. Il dû faire deux ou trois fois le tour du pâté de maison avant de trouver le pub à l'air malfamé. Préparant sa baguette au cas où, il pénétra dans les lieux et fut surpris d'y trouver une atmosphère aussi agréable. Il avait oublié que les sorciers d'Europe devaient se cacher.

Après avoir salué le barman, il se dirigea vers le mur de brique et entra, comme on le lui avait indiqué, sur le Chemin de Traverse. Il passa plusieurs heures à déambuler jusqu'à tomber face à face avec une librairie. Comme en transe, il pénétra dans les lieux et, sans même regarder le libraire, s'avança vers les rayonnages. Le rangement était… particulier, mais cela ne le dérangea pas. Piochant ici et là des titres qui lui semblaient prometteurs, il se constitua une petite pile de livres qui nourrirait ses moments de temps libre en attendant qu'il commence sa formation d'approfondissement. Il avait d'ailleurs aussi choisi des livres traitant de la métamorphose à un niveau avancé pour pouvoir commencer à se préparer. Il déposa donc ses choix sur le comptoir et leva (enfin) les yeux vers le vendeur.

Ce qu'il vit le figea totalement de surprise. Bien qu'il ne sache rien de lui, il connaissait cet homme. Ils s'étaient vus aux Etats Unis lors d'une soirée très arrosée où Keith avait perdu le pari de mettre le barman dans son lit… Et voilà qu'il se retrouvait avec le dit barman devant lui. Peut être était-ce un signe… une deuxième chance. Il lui sourit de toutes ses dents, heureux de trouver une tête connue.

"Salut, t'es rentré en Angleterre depuis longtemps ?"

Mais il avait beau chercher, il ne retrouvait plus le prénom de cet Apollon…

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Londres dormait. Comme un gros ours gris qui s'était roulé en boule au fond de sa grotte, ses réserves de nourritures terminées, et qui entendait bien passer la saison froide sans être dérangée. Et dans cette atmosphère étrange d'immobilisme, même la neige hésitait à tomber. Il ne faisait pas très froid pour un mois de décembre anglais mais il semblait que la fièvre d'avant Noel était déjà retombée. Un six décembre. Triste monde déserté par l'espoir. Les détraqueurs avaient-ils envahi la capitale anglaise durant son absence ? Ou était-ce la morosité de la journée qui la rendait si maussade ?

Depuis qu'il avait retourné l'écriteau, Cad avait fait beaucoup de choses. Il avait vidé des cartons, tourné en rond, prit l'air affairé... Puis, il s'était assit devant la cheminée, sur le tapis, et vidait une tasse de thé en regardant la rue de l'autre côté de la vitrine. La journée s'écoulait doucement. Il y avait eu cette ménagère et son livre de cuisine, quelques ventes Lockarts par des Fans de la première heure, un bon polar des années cinquantes et un livre de cours. Potion. Mais l'étudiant n'avait pas envie de parler et restait sourd aux essais de conversation du libraire. Pas de Klarissa en vue. Pas d'informations intéressantes, pas même un amoureux des livres avec qui discuter. En désespoir de cause le mangemort faisait ses comptes, toujours aussi florissants malgré tout. Etre à la mode à Poudlard avait tout de même ses avantages.

La petite sonnette de la porte retentit soudain et Cad releva la tête comme un épagneul à l'arret. Non, pas elle. Un homme de grande taille, plutôt mince, la peau blanche mais toutefois assez bronzée pour un anglais. Il était jeune, portait un court bouc et des cheveux longs. Ses vêtements montraient soit qu'il aimait la mode moldue soit qu'il était passé par Londres mais le tout était harmonieux. Le sang-mêlé portait toujours beaucoup d'attention à ce que portaient les gens. Les chaussures par exemple. On pouvait apprendre beaucoup de choses de quelqu'un en regardant ses chaussures. Le style, la couleur, la marque, la discrétion. Plus que le maintient qui pouvait s'étudier, les chaussures étaient une marque de niveau de vie et d'éducation.

Bref, il semblait malheureusement que le nouveau venu n'avait pas plus besoin d'aide que les autres. Cad' rangea donc son discours et ses conseils pour se poster derrière le comptoir. Là, il attendit patiemment, s'occupant de rédiger rapidement un mot qu'il remettait depuis plusieurs jours. Aussi, lorsque l'inconnu et sa pile de livres se présentèrent devant lui, il ne le remarqua pas tout de suite. Par contre l'accent et la phrase employée lui firent lever la tête comme s'il avait été frappé par la foudre.

Il ne reconnaissait pas du tout l'homme qu'il avait en face de lui.

Mais il était américain, cela ne faisait aucun doute et ils avaient du se cotôyer puisque l'inconnu savait qu'il était "rentré". En une seconde, une dizaine de visages et de noms passèrent devant les yeux du libraire qui tentait de faire fonctionner sa mémoire habituellement meilleure que ça. Poli, il lui tendit la main (droite après une infime hésitation avec la gauche comme toujours) et lui sourit.

"Un an, un an et demi, par là. Qu'est ce que tu fais sur le vieux continent ?"

Il ne l'avait pas reconnu mais il pouvait toujours faire comme-ci. Avec de la chance, l'américain laisserait échapper son nom au fil de la conversation. Espérant que cela lui apprendrait quelque chose, il jeta un coup d'oeil à la pile de livre et ne put s'empêcher de lever un sourcil surprit.

"Tu t'intéresse à la métamorphose maintenant ?"

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Pendant un instant, le libraire tenta de retrouver qui était son vis à vis. Keith n'avait cessé de sourire. Il se disait qu'à tous les coups, l'autre ne se souviendrait pas de lui. Il faut dire que ça aurait été totalement normal puisqu'ils ne s'étaient vus qu'à une soirée et qu'en tant que barman l'homme avait du voir défiler pas mal de monde. Il ne se serait lui même pas rappelé de ce barman s'il n'avait pas été l'objet d'un pari. Finalement, le libraire sembla se ressaisir et lui tendit la main tout en lui répondant. Surpris, Keith lui rendit sa poignée de main. Ainsi il se souvenait de lui ? Il n'avait peut être pas tant perdu son pari que ça, finalement…

Un an, un an et demi… L'homme avant donc quitté les états unis peu après lui. Ca faisait à peine plus d'un an et demi que Keith était sur les routes. Il allait d'ailleurs répondre et évoquer son voyage initiatique quand son vis a vis rajouta une phrase après avoir posé un regard sur sa sélection. Et là, le jeune homme parti dans un éclat de rire. Il avait failli se faire avoir. Même cette phrase là aurait pu le berner sans le "maintenant"… Ce "maintenant" sous entendait qu'ils s'étaient parlé un peu l'un de l'autre mais ce n'était pas le cas. Le libraire ne se souvenait absolument pas de lui. Calmant enfin son fou rire, Keith ne pu retenir une remarque :

"T'es toujours aussi… charmant."

Il avait un regard et un sourire entendu mais il se doutait que, pas plus qu'avant, l'homme ne comprendrait pas son message subliminal. Ce n'était pas grave, ils allaient avoir un peu plus de temps pour faire connaissance cette fois. Le décès de son compagnon et son arrivé dans ce pays triste l'avaient un peu (beaucoup) déprimé, mais retrouver cet homme rayonnant et si séduisant lui rendait sa bonne humeur et il sentait que son voyage initiatique se terminerait sur une note des plus agréables. Il s'appuya que sa pile de livre et décida de rompre le suspens :

"Je dois t'avouer que je ne me souviens plus non plus de ton nom, mais je ne suis même pas sûr que nous nous soyons présentés l'un à l'autre. J'étais un peu bourré ce soir là et toi tu bossais. Y avait tellement de monde, c'était la fin des Aspics. Et puis en boite, c'est pas le bonne endroit pour faire connaissance…"

Voilà, le mystère était soulevé, le libraire devait au moins resituer où et quand ils s'étaient rencontrés. Maintenant, répondre à la question et ensuite seulement, se présenter. Autant se faire désirer un peu s'il voulait séduire cet homme… encore une fois.

"Mais, franchement, je n'aurais jamais pensé te revoir au milieu de bouquins, si j'avais su je t'aurais pas laissé une chance de m'échapper… Mais bon, c'est sympa de te retrouver ici. Pour répondre à ta question, l'Angleterre est la dernière étape de mon voyage initiatique et je compte y développer mes connaissances en métamorphose, Poudlard est réputé jusqu'en Amérique dans ce domaine."

Il se redressa et tendit de nouveau la main, la gauche cette fois, habitude de gaucher :

"On recommence au début ? Je suis Keith Andels, enchanté."

Sourire colgate.

[HJ : Arg ! C'est court… Désolée… -_-']

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Ce qui était amusant lorsque l'on avait a faire à des gens intelligents, c'était qu'on n'était jamais en sécurité. La moindre erreur, le plus petit mot en trop, un regard faussé, une erreur de jugement et l'on était démasqué. Lorsque ce que l'on cache est un secret, mettant en danger d'autre personnes et susceptible de faire du mal à la Cause, c'est un problème. Mais lorsqu'il ne s'agit que d'un petit bluff sans réelles conséquences, alors la chose prend une toute autre saveur. Certes, le danger était un puissant excitant, mais depuis qu'il avait passé la quarantaine, l'ancien gryffondor s'était (un peu) assagit et trouvait son piment dans des conversations comme celle-ci.

Pendant une petite eternité comprise entre quelques secondes et une minute, Cad' cru avoir réussi à noyer le poisson. Jusqu'à ce qu'il se détende trop et laisse échapper une bêtise. L'américain éclata de rire, mais un rire joyeux qui élargit le sourire du libraire. Il se frotta la nuque comme souvent lorsqu'il était gêné (nota en passant qu'il allait bientôt lui falloir un passage chez le coiffeur) et accepta la remarque de l'inconnu d'un hochement de tête. Ainsi il était charmant. Voila qui ne voulait rien dire au libraire mais prouvait que le jeune homme n'était pas vexé. Il avait même un sourire entendu qui ne disait rien de spécial à son destinataire.

L'américain reprit la parole, s'appuyant sur sa pile de livre et donna sur le champs une foule d'informations. Travailler, boite, aspics. Il data l'évènement de quelques années et la soirée lui revint. Les soirées pour être franc car il n'avait fait que trois fins d'Aspic. A l'époque il ne buvait déjà plus, vivait plus ou moins avec Austen et se servait surtout de ce boulot pour rencontrer des gens. Et il en avait rencontré a cette époque. De tous les horizons, rang sanguin, opinions, rêves... Mais même avec cette indication, il ne le remettait pas. Tant de visages, tant de noms, tant d'années...

Le sourire de Cad' s'était un peu modifié, devenant presque nostalgique. Ca lui manquait un peu tout ça. La folie américaine choquait souvent son côté anglais mais ravissait le Gryffondor en lui. Il serra la main (gauche !!) de Keith et hocha la tête.

"Cadfael Jon William Gynn ap Nudd. Je me faisais appeler William aux Etats Unis mais ici je préfère Cad. Bienvenue à Londres, Keith."

N'ayant aucune raison de faire languir son interlocuteur, le mangemort avait commencé par se présenter. S'amusant comme souvent à énoncer son nom complet. A chaque fois que Cad avait changé de nom, sa vie avait prit un tournant important. Pour lui, la symbolique était très importante. Et Keith avait un nom de dragon. Hum. Il lisait trop cet auteur de fantasy ces derniers temps, il avait des pensées étranges.

"C'est dommage que je ne l'ai pas su avant, je t'aurais proposé de t'inscrire a mon club de lecture. Alors comme ça tu as voyagé ? Seul ? Tu as vu beaucoup de choses ? Quels pays as-tu visités ?"

Club de lecture qui lui permettait entre autres de filtrer les gens "interessants" et ceux qui n'avaient pas la même opinion que le Maître. S'en suivait ensuite un club de politique et de débats, toujours aussi légaux qui permettait d'affiner encore ses choix et enfin, il proposait au candidat d'entrer dans un troisieme club, celui-là secret et souterrain. Méthode un peu longue mais qui avait l'avantage d'être discrète et totalement permise. Le libraire regarda Keith avec un interêt non déguisé et qui pouvait être interprétée comme de la curiosité sur ses voyages.

"Mais je t'assommes de questions et je manque a tous mes devoirs. Tu es pressé ou tu accepterais un verre ? C'est pour moi cette fois, profites en !"

Non, il n'avait pas oublié le plus intéressant dans le discours de Keith. A savoir Poudlard. Car si l'américain avait trouvé le moyen de s'y faufiler alors cela pourrait être une source d'information supplémentaire. Mais chaque chose en son temps. D'abord lui proposer de rester. Keith ne semblait pas pressé et ma foi, un peu de compagnie ne lui était pas désagréable du tout.

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Il était fort possible que les deux hommes ne se soient pas dit leurs noms par le passé car le nom, pourtant courant, que le libraire avait utilisé aux Etats Unis ne lui disait vraiment rien. Par contre, il était certain qu'il n'oublierai plus le prénom de cet homme. Cadfael. Il trouvait ça à la fois beau et séducteur… Ca mettait un peu plus de mystère encore dans le personnage. Pour l'américain, c'était vraiment un nom exotique et il le trouvait superbe. Il le répéta même, pensif, pour s'y habituer et trouver la manière la plus sensuelle de le prononcer. Malgré se manque flagrant d'attention, Keith ne laissait échapper aucune parole de l'anglais, au contraire. Mais l'idée d'un club de lecture ne provoquait pas vraiment d'échos dans son esprit. Il se disait que, malgré le charme de Cadfael, si celui-ci lui avait proposé une telle chose, il aurait certainement décliné. Le jeune homme n'avait aucune honte d'aimer les livres, loin de là, mais ça ne voulait pas dire qu'il appréciait les lecteurs… au contraire. Il n'aimait pas ces ambiances qu'il trouvait trop fermées où les gens se parlaient de livres, s'en conseillait et en lisait. Il avait besoin d'indépendance, de liberté et surtout, pour lire, de solitude.

Il s'abstint donc de répondre à cet phrase mais se remit à rire dès que son vis-à-vis reparti dans sa multitude de questions. Vraiment, Cadfael avait quelque chose… d'attachant. Certes, à la question "Seul ?", une ombre passa sur le visage du jeune homme mais elle fut tellement discrète que son fou rire l'éclipsa en un instant. Par contre, il était certain que, quand il envisagerai de répondre, il allait savamment l'éluder. Keith profita du léger silence dans la conversation pour envisager de répondre, cherchant par quoi commencer. Devait-il raconter son voyage dans l'ordre ou se contenter des parties les plus intéressantes ? Il ne voulait pas ennuyer sa "proie", mais Cadfael semblait vraiment très curieux de tout savoir. Néanmoins, Keith ne voulait pas se l'accaparer et l'empêcher de travailler… Justement, au moment où il pensait ça, le libraire lui proposa de lui offrir un verre. L'américain ne put retenir un sourire vainqueur et amusé. Ainsi, le dragué offrait à boire au dragueur. Il se pencha un peu plus pour se rapprocher encore de l'homme et prit le temps de le regarder attentivement. Son visage, ses yeux, ses joues… Il sourit :

"Ca sera avec plaisir, Cadfael", prononça-t-il dans un murmure charmeur, "mais pas quelque chose de trop fort, s'il te plait… J'ai l'alcool triste en ce moment."

Une ombre passa de nouveau sur le visage de Keith, mais il la chassa aussitôt. Il devait continuer à vivre, oublier son amant mort et passer à autre chose… Cadfael ne serait-il pas parfait pour tourner la page ? Il repoussa légèrement sa sélection de livre sur le côté, il les règlerai plus tard. La place libérée fut aussitôt occupée par ses coudes. La tête appuyée sur les mains, il observa Cadfael préparer les boissons et commença son récit… par un sommaire.

"J'ai quitté les Etats Unis à peines quelques semaines après mes Aspics. Il y a un peu plus de deux ans. Les cours de Salem sont de très bonne qualité mais ils restent très généraux, un peu basiques parfois. J'avais l'ambition d'approfondir les différentes matières en me rendant dans les pays spécialisés. J'ai commencé par l'Amérique du Sud pour la botanique et les connaissances en créatures magiques exotiques. Ensuite je suis passé par le Japon. Je m'y suis beaucoup plus. Ce sont des experts en art du duel et en combat. J'ai même pratiqué des sports de combats moldus. Mon passage par l'inde a été assez rapide mais ils sont très doués en techniques de soin. Par contre, ils sont peu conventionnels, c'était passionnant. Puis j'ai fait l'Afrique pour des Magies moins utilisées et mal vues dans les pays développés. L'Europe de l'est pour les Potions et la France pour les sortilèges et enchantements. Je suis arrivé en Angleterre il y a moins d'une semaine. Je me repose un peu et je verrai si je peux entrer à Poudlard, mais je ne sais pas si ça sera possible. Je ne suis pas certain qu'ils fonctionnent comme Beauxbâtons."

Il avait parlé d'une traite, mais pas trop vite, juste ce qu'il faut pour que toutes les informations soient entendues et retenues. Il devint alors pensif, se souvenant de ses cours en France puis des paroles de sa Grand Mère au sujet du Ministère et des journaux…

"D'ailleurs, d'après ce que j'ai compris, l'état politique de l'Angleterre est assez instable donc je vais sûrement devoir trouver un maître en métamorphose hors de l'école… Mais j'ai de la famille ici, donc je pense rester plus longtemps bien que je vais chercher à vivre ailleurs que chez mes grands parents… Après deux ans à courir le monde, je me suis habitué à mon indépendance…"

Sortant de ses pensées, il sourit à Cadfael tout en ce demandant ce que le sorcier avait prévu de lui faire boire…

[HJ : je m'arrête là, sinon ça va finir en monologue et j'avancerai trop l'histoire, ça serait dommage…]

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Cadfael se sentait détendu, amusé, bref tranquille. Les sourires et fou-rires de Keith avaient dissipé sa morosité et offraient un changement bienvenue à la routine. Cad' trouvait le jeune américain fort sympathique et se plaisait à entendre à nouveau ce drôle d'accent qu'il avait presque oublié. Sans qu'il s'en rende vraiment compte, il avait également reprit son mélange bâtard de New Yorkais et d'Ecossais. Un truc incompréhensible pour le londonnien de base mais que Keith semblait interpréter à la perfection. La conversation semblait rouler sans accroc, rythmé par le rire de Keith mais aussi par des ombres qui passaient très rapidement sur le visage de ce dernier. Il s'agissait de changements tellement fugaces que le libraire eut été bien en peine de dire ce qui les avait provoqués ni même s'il n'avait pas rêvé. Avec tact, il décida de se baser sur les questions ne recevant pas de réponse et de ne pas insister. Il ferait sa propre enquête plus tard.

Il y avait également quelque chose qui gênait un peu Cad sans qu'il puisse mettre le doigt dessus. Il se sentait... observé en quelque sorte. Pas en danger mais le genre de sentiment que l'on a lorsqu'une passante vous lance un regard un peu appuyé. Ou lorsque vous avez de la peinture sur le front et que personne n'ose vous le faire remarquer. Seulement il n'y avait pas de filles dans le coin et il ne voyait pas comment il aurait pu se salir le visage en déplaçant de vieux bouquins. Il devait rêver. Depuis son évasion de l'Ordre, il devenait parano.

Cela n'empêcha pas le mangemort de profiter du fait que Keith accepte sa proposition pour jeter un petit coup d'oeil à son reflet dans le miroir qu'il cachait à coté des boissons sous le bar. Non, il n'avait aucune trace. Il était donc bien parano. Il hésita un moment quand au cocktail qu'il allait faire. Un truc pas trop fort donc... hum.

Après réflexion, il opta pour un truc très Londonnien, que Keith ne devait certainement pas connaitre. Le Halloween Beer était un mélange comprenant environs 50% de Bieraubeurre et autant de jus de citrouille dans lequel on rajoutait une proportion variable (ici légère on était en journée quand même) de gingembre pour relever le tout. Il appela donc son elfe de maison et lui demanda d'aller lui chercher bière et gingembre. Il avait le jus de citrouille en stock mais ne gardait pas d'alcool en magasin. Il préférait éviter d'être tenté. Quelques secondes après, l'elfe revint avec le ingrédients demandés et disparut à nouveau continuer son travail. Cad' fit les cocktails tout en écoutant ce que Keith avait à lui dire. Le jeune homme était affalé sur le comptoir, visiblement fatigué par son voyage. Et on pouvait le comprendre, c'était une sacré trotte, même en deux ans.

"Et bien, tu dois en avoir des choses à raconter. Mais tiens, asseyons nous. Ce sera plus agréable pour discuter."

D'un geste, il lui montra les deux fauteuils devant le feu, prit les verres emplis d'une mixture orange foncée qu'il posa devant chaque siège, sur la table basse, et s'assit en faisant signe à son invité de faire de même.

"Cela fait deux fois que tu parles d'apprendre la métamorphose à Poudlard. Je trouve cette idée particulièrement intéressante mais je doute franchement que cela soit possible, comme tu le disais le climat est particulièrement sensible et même lorsqu'il ne l'est pas, je ne sais pas si le Professeur Dumbledore accepterait qu'un inconnu entre dans son école sans lettre de recommandation."

Il but une gorgée de son mélange (pas trop mal dosé, il n'avait pas totalement perdu la main), ses yeux gris fixant le feu qui crépitait joyeusement. Non, Dumbledore et Ombrage étaient trop méfiant, surtout avec les racontars de Potter fils.

"Mais dit moi, pourquoi apprendre tout ça ? Tu n'as pas envie de te spécialiser dans une branche spécifique de la magie ? C'est que c'est bien beau mais toutes tes connaissances mises bout à bout ne font pas un métier et il va bien falloir que tu t'établisse un jour où l'autre."

Bien qu'il ai la fibre paternaliste, Cadfael ne disait pas ca que par gentillesse. Il y avait un début d'idée qui germait dans son cerveau fatigué. Mais avant de la mettre totalement en pratique, il lui fallait en savoir plus sur lui, et précisément sur ce qu'il tentait de cacher. Car il n'avait pas répondu à la question "seul" et l'idée ne fonctionnait que pour un célibataire libre de toute entrave. Il ne voulait pas avoir de mauvaises surprises à la sortie. Surtout si son idée plaisait à l'américain !

"Enfin si tu as besoin de conseils, d'adresses pour te trouver un logement, d'autres adresses pour sortir ou que sais-je encore, tu peux toujours venir me demander, je t'aiderais avec plaisir."

Et le pire dans tout cela, c'est qu'il était sincère. Un rien calculateur, certes mais totalement et fondamentalement sincère. Keith était un collègue américain et entre baroudeurs du nouveau continent, il fallait s'entr-aider.

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*Il fait toujours aussi bien les cocktails*

Telle fut la première pensée de Keith en trempant les lèvres dans le verre. Il avait observé un moment la couleur orange foncée qu'il trouvait plutôt belle avant de se décider et il n'avait pas été déçu. Confortablement assis dans un fauteuil moelleux, le jeune homme posait un regard pensif sur le visage de son vis-à-vis alors qu'il cherchait à identifier la composition du mélange. Il avait vaguement entendu ce que Cadfael avait demandé à son Elfe mais n'y avait pas prété attention. Visiblement, il y avait de la bieraubeurre. C'était un mélange peu alcoolisé donc les Anglais raffolaient. Elle semblait être mélangée avec du jus de citrouille qui donnait cette couleur si agréable et ce goût particulier. La bieraubeurre n'était pas une boisson particulièrement anglaise, mais chaque pays avait la sienne propre qui avait un goût particulier. Aux Etats Unis, elle était plus amère et donnait une impression de gras que Keith n'appréciait pas particulièrement. Mais il y avait autre chose dans le mélange. Une touche d'autre chose qui donnait à ce cocktail sucré un arrière goût un peu épicé et agréable. Keith n'arrivait pas à identifier cette substance quand la commande passée à l'elfe lui revint en mémoire. Du gingembre. Il ne put s'empêcher de sourire, se demandant s'il devait interpréter ce choix de Cadfael comme une invitation à poursuivre dans son idée… Quoi qu'il en soit, une chose semblait évidente à Keith : pour avoir le celte, il devrai aller lentement.

Cadfael avait repris la parole en lançant le sujet sur Poudlard et en lui annonçant ce qu'il avait perçu depuis son arrivée : le climat tendu risquait de lui fermer les portes de l'établissement. Bien sûr, il était un étudiant étranger qui n'avait rien à voir avec ce Mage Noir qui semblait effrayer l'Angleterre mais peut être le fait de ne pas être anglais lui porterai préjudice. Cadfael évoqua des recommandations… Ca, il en avait. Ses notes et appréciations à Beauxbâtons étaient rassurantes pour n'importe quel établissement et Salem lui avait donné des passe-droit quand il avait quitté le pays. Il n'était pas trop aux faits de ce qu'il se passait en Angleterre et devait bien avoué que s'il y avait un sujet qui ne l'intéressait pas, c'était bien la politique. La question suivante perturba particulièrement Keith. Pourquoi apprenait-il tout cela ? A quoi cela allait-il lui servir ? Ne voulait-il pas se spécialiser ?

"Je ne sais pas", avoua-t-il, "La formation de Salem m'avait paru trop transversale, trop vague. Je suis très curieux et j'aime toucher à tout. Mais je ne sais pas ce que je ferai après… Je devrais y penser sérieusement puisque l'Angleterre est la dernière étape de mon voyage mais je n'ai pas envie de penser à mon avenir en ce moment… Je n'en ai pas la force. Je veux encore un peu me laisser porter par l'insouciance de la jeunesse."

Depuis des années, Keith avait eu Marc à ses côtés et ces quelques mois de voyage ensemble les avaient tellement rapprochés que le jeune homme n'imaginait plus son avenir sans son ami. Mais maintenant… Maintenant le futur lui semblait bien fade, bien triste, bien seul… Il ne voulait pas le voir arriver, il ne pouvait pas encore se résigner à terminer son deuil et à commencer une nouvelle vie. Sa vie… sans Marc. Mais il ne connaissait pas assez Cadfael pour s'ouvrir sur ce problème, pour se confier à ce sujet… C'était encore trop sensible, trop douloureux. Que serait son avenir ? Allait-il rentrer dans ce pays, dans cette ville où chaque rue lui rappellerait son amour ? Sentant que son visage avait certainement pris une expression douloureuse et triste, Keith détourna pudiquement les yeux et les plongea dans le feu. Il avait bien trop pleuré son ami mais, encore aujourd'hui, son souvenir lui mettait les larmes aux yeux. Constamment, il repensait à ces sortilèges pour faire revenir les morts un temps déterminer et parler avec eux que les chamans africains utilisaient souvent. Il n'avait pas trouvé la force de le faire. On lui avait appris qu'il fallait avoir l'esprit et le corps stable pour cela sinon on risquait d'être emporté par l'âme du défunt… Et il n'était pas certain de résister à cet appel…

Cadfael, peut être pour le protéger de ses souvenirs tristes, reprit la parole et lui dit qu'il pouvait l'aider si le jeune homme en avait besoin. L'homme lui proposait des adresses où sortir et Keith reprit aussitôt le sourire. Il doutait que son compagnon puisse lui conseiller le genre de boites qu'il avait l'habitude de fréquenter. Mais il savait qu'il les trouverait rapidement. Les hommes dans son genre se repéraient assez facilement, il lui suffirait de se promener dans les rues londoniennes et dans le métro pour que le drapeau arc-en-ciel guide ses pas ou qu'un de ses semblables vienne vers lui. Ca s'était passé comme ça, à Paris. Il avait été abordé par un charmant jeune homme à quelques centaines de mètres du quartier du Marais (qu'il ne connaissait pas). Bien sûr, à cette époque, il était avec Marc et les deux hommes allaient rarement voir ailleurs, mais Keith s'était laissé approché pour en apprendre plus sur la quartier gay de la ville. L'endroit où, par la suite, il s'était senti le plus à l'aise. Par contre, il envisageait sérieusement de répondre à l'invitation de Cadfael…

"Je crois que je vais te prendre au mot alors… Pour le moment, je suis chez mes grands parents, mais j'ai besoin de mon indépendance. Alors si tu pouvais m'aider à trouver un endroit où loger qui ne soit pas trop cher, ça m'arrangerait beaucoup. Enfin, c'est pas pressé non plus, faut que je trouve un petit boulot avant ça, je n'ai pas vraiment de quoi payer un loyer pour le moment… Et je crois bien que je vais être obligé d'approfondir mes connaissances en métamorphose tout seul… Mais je crois que le plus important, là… Ca serait d'en savoir un peu plus sur le climat de tension. Je veux dire… Qu'est-ce que je dois éviter de dire ou de faire ? Il me semble qu'il y a ici un certain racisme envers les moldus. Tu sais comment est l'Amérique. J'ai l'habitude de vivre au milieu d'eux et de cohabiter avec eux…"

Pendant tout le temps de cette conversation, sans s'en rendre compte, Keith avait fini son verre…

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Deux yeux bruns qui le regardaient vaguement tandis que ses pupilles grises essayaient de voir si l'adolescent aimait son mélange. Deux regards aux buts très différents mais tous deux désireux de plaire à leur façon et surtout, surtout, de ne pas se croiser. La petite voix de Cad' - mais si vous savez, cette petite voix censée et moqueuse qui passait son temps à le reprendre - lui murmura qu'il était ridicule, ce qui eut pour effet de faire naître sur le visage du mangemort un sourire amusé, suivit d'un brillement de l'oeil. Puis l'attention revint sur le feu qui craquait et Keith qui racontait son histoire.

Bien qu'il ait été tenté de réagir tout au long du petit monologue de son interlocuteur, Cad' le laissa tranquillement finir. Il ne comprenait pas comment on pouvait se retrouver ainsi sans but dans la vie et continuer à avoir foi en l'avenir. C'était au dessus de ses forces. Toute sa vie, il avait travaillé dans une direction bien précise, avec un cahier des charges complet qu'il devait suivre à la lettre. Depuis 46 ans, il vivait avec des buts, certes souvent différents mais qui avaient le mérite d'exister. Il n'y avait eu que pendant cette période noire de sa vie, lorsqu'il avait perdu la foi, qu'il s'était retrouvé sans rien. Et le résultat n'avait pas été plaisant à voir. Mais alors qu'il allait lui demander s'il n'avait vraiment aucune idée, même pas une toute petite, de ce qu'il voulait faire, Keith invoqua l'insouciance de la jeunesse et détourna le regard.

Mouais. Il avait déjà vu mieux comme insouciance. Que c'était-il donc passé pour blesser ainsi Keith ? Pourquoi cette tristesse soudaine ? Beaucoup de questions (encore plus qu'avant pour être tout a fait honnête) traversèrent l'esprit du libraire. Alors que Keith avait détourné la tête, lui avait baissé la sienne et regardait son verre, pensif. Encore un jeu de regard, encore un échos entre leurs deux comportements. Sauf que Cad' était simplement sérieux tandis que son interlocuteur avait l'air plutôt démoralisé. Bah. Il saurait en temps voulu, a forcer la confidence, il ne risquait qu'à le braquer. Non, le mieux dans ces cas là était de dévier les pensées des souvenirs douloureux. Quels qu'ils soient. Et c'est donc ce qu'il fit, avec un sourire et après une nouvelle gorgée de son mélange.

Opération réussie. Keith sortit de son marasme et repartit de plus belle avec toute une tripotée de questions en désordres auxquelles il devait soigneusement répondre.

"Oulah, doucement s'il te plait. Ca fait beaucoup de choses à se rappeler pour un vieux comme moi !"

Il sourit de nouveau histoire qu'on ne prenne pas sa remarque pour une réprimande, bu une nouvelle gorgée et choisit bien ses mots.

"Ce ne sont pas tellement les moldus qui sont en cause. En fait, tu vois, il y a quinze ans, un mage très puissant et très craint a été vaincu, on ne sait comment, par un gamin. Le gamin est maintenant un adolescent et clame que le mage est revenu. Le ministère soutient que non. Et l'opinion est divisée entre ceux qui croient le ministère, ceux qui ont confiance en l'adolescent et ceux qui veulent se ranger aux cotés du mage au cas où il serait là. L'affaire dégénère quelque peu j'en ai bien peur."

Il fronça une seconde les sourcils, espérant qu'il ait été assez neutre dans son discours pour qu'on ne puisse pas savoir quelle était réellement son opinion. Maintenant la partie la plus sensible... les moldus. La encore il allait devoir jouer serré.

"Il est difficile de donner des indications précises, tout dépend du partit que tu vas côtoyer. Le Ministère continue a dire qu'il a la situation bien en main mais de nombreux criminels se sont évadés de prisons récemment et sont toujours en fuite. Ensuite tu as ceux qui prèchent ouvertement pour l'égalité, la fraternité et la liberté, un peu à la française en fait, mais on ne connait pas vraiment leurs motivations non plus, et enfin tu as le troisieme partit qui propose de faire une séparation totale entre le monde moldu et sorcier, afin d'éviter les débordements et ce genre de problèmes. Mais en gros, évite de t'habiller en moldu dans les lieux totalement sorciers et ne te vante pas trop de tes origines américaines. Sont un peu vieux jeu la dessus aussi. Ils croient encore que nous sommes tous les condamnés et les originaux qu'ils y avaient envoyé."

Le nous en fin de discours, n'était pas un hasard mais bien là pour mettre Keith en confiance, lui expliquer que lui n'était pas raciste (pas envers les américains en tout cas). Cad termina son verre, laissa passer une courte pause puis reprit, se concentrant sur la partie la plus importante de la discussion.

"En fait, je crois que je connais quelqu'un qui pourrait te proposer un boulot avec logement de fonction dans Londres. Si ca t'intéresse bien sur... un autre ?"

Et une fois la ligne lancée, il se perdit dans la contemplation de son verre vide, curieux de voir comment et si le poisson allait mordre à l'hameçon... et accessoirement s'il acceptait un autre cocktail.

Invité

Keith écoutait attentivement ce que son ami lui expliquait. Visiblement, c'était des vieux fantômes qui revenaient à la surface. Mais qui était ce Mage craint ? Qu'avait-il donc fait ? Visiblement, c'était lié aux Moldus et vu l'attitude des Anglais à ce sujet il était en fait aisé de deviner qu'il s'agissait plus ou moins de noblesse. Etrangement, s'il n'avait jamais étudié la politique contemporaine de l'Angleterre, Keith avait entendu parler des quatre fondateurs de Poudlard et du mode de vie conservateur des anglais. Les nobles prétendaient qu'il ne fallait inculquer la magie qu'aux nobles… Ca devait être quelque chose dans le genre. Mais visiblement, il y avait quelques petits détails un peu plus compliqués tels que l'influence de ce Mage sur la communauté magique anglaise où l'étrange victoire d'un enfant sur un puissant sorcier.

Se couper du monde moldu, ne pas apprendre la magie aux moldus… Certains américains clamaient ces valeurs mais ils étaient bien peu et leurs voix ne portaient pas vraiment face à la synergie qui liait les deux mondes dans le pays de naissance du jeune homme. Quoi qu'il en soit, il était évident que pour vivre dans le pays de Merlin, Keith allait devoir se renseigner… Et quel meilleure source d'information que les livres ? Quoi qu'il en soit, visiblement, quel que soit le parti, les anglais semblaient assez réfractaires aux moldus.

"Corrige moi si je me trompe… Le Mage dont tu parles veut mettre les sorciers à une place supérieure, c'est ça ? La politique officielle est plutôt de se cacher, de ne pas montrer son existence. Quant à ce que tu dis "à la française"… C'est pareil, non ? Seuls les moldus qui entrent dans notre monde par la force des choses, une enfant sorcier par exemple, son accepté, les autres sont ignorés. Globalement, l'état d'esprit des Anglais n'est pas au mélange comme chez nous…

Je ne suis pas fan de politique, mais je me renseignerai, il doit bien y avoir des livres qui traitent du sujet, non ? Tiens, au fait, tu ne m'as pas dit le nom de ce fameux Mage…"

Keith marqua une pause infime puis, plongeant son regard dans celui de son vis à vis, il demanda, curieux, mais aussi pour se faire une idée, se situer :

"Tu en penses quoi, toi, de tout ce tapage ? Tu as vu les Etats Unis, par rapport à l'Europe, quel système te semble le meilleur si tant est qu'il y en ait un ?"

Keith avait fini son verre et Cadfael termina aussi le sien avant d'ajouter un petit "détail" à la conversation. Il était prêt à se porter garant de Keith auprès d'une de ses connaissances pour lui permettre de trouver un boulot et un logement. Les deux en même temps. C'était plutôt alléchant, comme proposition… Pensif, il tendit son verre au gérant de l'île lettrée, le cocktail était vraiment bon, il en reprendrait volontiers…

N'y avait-il pas un piège ? Cadfael et lui ne se connaissaient pas tant que ça, ils n'avaient même pas couché ensemble (Keith en était certain, ça…), alors pourquoi l'homme lui apportait autant d'aide ainsi ? Attendait-il quelque chose en échange ?

Mais Keith n'était pas d'un naturel très méfiant et il chassa rapidement ses doutes. Un job avec logement à Londres, c'était parfait. Il ne serait pas loin de ses grand parents tout en étant chez lui. Il fallait tout de même qu'il se renseigne pour savoir comment était le logement, en quoi consistait le boulot et quel était le salaire… Enfin décidé, il sourit au Cadfael :

"Si tu penses que je peux me rendre utile à quelqu'un, je t'écoute, ça serait quel type de job ?"

Invité

Une fois de plus, Cadfael se sentit un peu étrange face à Keith. Peut-être la façon dont il l'écoutait ou le fait qu'il marchait sur des oeufs. L'américain avait prouvé qu'il était loin d'un idiot et semblait s'intéresser beaucoup à la politique. C'était étrange d'ailleurs car les jeunes de son âge voulaient souvent refaire le monde mais ne prenaient pas la peine de s'instruire sur ce qui existait avant. Ils préféraient, en somme, perdre du temps à tout réinventer et se croire originaux. Il avait été comme ça lui aussi. C'était comme les boutons d'acné, presque inévitable, et qui disparaissait lorsqu'on ne s'en souciait plus vraiment.

"C'est à peu près ça. Il y a ceux qui veulent cacher notre existence aux moldus et ceux qui veulent l'imposer. Historiquement, l'angleterre a toujours été très attentive à la séparation entre les classes. Elle a toujours été une monarchie, même si les différentes révolutions montraient bien la volonté du peuple à avoir son mot à dire. Et même parmis la noblesse, il y a des distinction entre ce que l'on pourrait appeler la noblesse d'épée, la nobility qui est en fait composée des plus grandes et anciennes familles, et ce que l'on peut assimiler à la noblesse de robe mélangée avec les plus hautes sphères de la bourgeoisie. Ils ne sont donc pas près à comprendre le système américain. D'ailleurs, maintenant que j'y pense, le vieux continent en entier fonctionne comme ça..."

Il reprit le verre que Keith lui tendait et le remplit à nouveau avec ce qui restait dans son shaker, hésitant a se resservir. Finalement, la raison prit l'envie et il se servit un verre de jus de citrouille sans rien d'autre. L'alcool était vraiment l'un de ses pires ennemis.

Tout à ses pensées et à son jus de fruit, Cadfael savourait le silence qui s'était brievement instauré entre eux. Jusqu'à ce qu'une question, naîve en apparence, le fasse avaler de travers. Il se mit à tousser comme un possédé, a moitié plié en deux sur son fauteuil, essayant désespérément d'enlever le liquide de ses poumons. Et, parole de libraire, le jus de citrouille, ça colle !

"Désolé"

Bredouilla-t-il en s'essuyant les yeux et en reprenant son souffle. Sa gorge avait été irritée et sa voix un tout petit peu rauque. Une gorgé de jus (dans le bon tuyau cette fois-ci) répara ce désagrément mineur et Cad' sourit à son invité. S'il avait voulu éviter le sujet, c'était impossible maintenant, la curiosité de Keith avait surement été piquée. Il valait donc mieux le mettre au parfum que le laisser faire ses recherches et apprendre ce qu'il ne fallait pas qu'il sache... tout de suite.

"Il y a un tabou sur son nom. C'est interdit de le prononcer. On l'appelle Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom ou plus simplement Vous Savez Qui."

S'attendant a des moqueries sur la couardise des anglais, Cad' rendit son regard à Keith. Il l'aimait bien le petit, c'était quelqu'un d'intelligent, d'honnête, avec un rien de naïveté rafraichissante. Comme un gamin avec qui on pouvait avoir des conversation d'adultes. Certes, il devait faire très attention à ce qu'il lui disait avant de savoir précisément dans quel camps le ranger mais d'un autre coté, pour le moment, il n'avait que lui pour le former. Un esprit vierge et sans préjugés en somme. Un esprit bien trop intelligent finalement au vu de ses questions. Il ne pouvait pas vraiment éviter d'y répondre encore une fois. Pas plus qu'il ne pouvait mentir ou dire la vérité. Il fallait donc biaiser. Pour changer en somme. Heureusement que ce genre de jeu l'amusait. Il haussa les épaules.

"J'ai l'habitude du système dans lequel j'ai grandit en fait. Les premiers mois passés aux Etats Unis je ne comprenais pas pourquoi vous vous affichiez comme ça. Mais finalement je m'y suis fait. Cela dit je ne suis pas fan des moldus, ils se reposent trop sur leur technologie et perdent l'habitude de se servir de leurs mains et de leur tête. En général, quand j'ai le choix, je préfère me servir de la magie."

Changement de sujet, sur un terrain bien plus stable. Le boulot. Keith avait hésité mais son sourire montrait bien qu'il avait prit sa décision. De son côté, Cad se fichait pas mal des opinions de celui qui l'aiderait à tenir sa couverture. Prendre au hasard permettait de déjouer les recherches et puisque Lupin avait refusé, Keith lui semblait un très bon choix.

"Vendeur en gros. Vendeur intelligent j'entends, capable de bavarder aussi bien avec les adolescents que les adultes, de faire des inventaires et de noter deux trois trucs a la demande du gérant. Par contre c'est pas gagné hein, va y avoir un entretient d'embauche. Par contre c'est plutôt bien payé. 31 Gallions par mois et le logement de fonction au dessus de la boutique fournit en plus."

Invité

Keith était en train de tremper les lèvres dans son second verre quand Cadfael commença à tousser violemment. Inquiet et ne s'imaginant pas une seconde que sa question puisse en être la cause il observa l'homme prêt à intervenir mais le libraire repris sa respiration et lui répondit comme si rien ne s'était passé. L'attitude de Cadfael rassura le jeune homme qui se concentra sur la réponse. Un tabou ? Il fronça légèrement les sourcils. Il connaissait la théorie, il en avait entendu parler. Un tabou… Mais…

"Un Tabou ? Mais c'est débile. Mettre un Tabou sur son propre nom. Comment les gens s'adressent-ils à lui ? Et puis ces noms… Franchement dans quel monde vivons nous ? Les gens ne savent plus quoi inventer pour faire parler d'eux."

Keith trouvait ça franchement amusant. Il n'avait jamais trouvé d'utilité à ce sortilège étrange mais il ne pouvait s'empêcher de penser que celle-ci était la plus risible qui soit. Il n'attendait pas de réponse, d'ailleurs. Il avait décidé qu'il avait assez d'informations et qu'il pourrait se renseigner par lui-même par la suite.

Cadfael évoqua un point de vue des Moldus qui amusa Keith. C'était un grand sujet de polémiques aux états unis et le jeune homme avait souvent été coincé entre les deux bords étant à la fois moldu et sorcier.

"Ce que tu dis est très amusant, Cadfael. Tu n'as jamais entendu parler de ça, peut être, mais dans les campus c'est un sujet récurent.

Les Sorciers critiquent les technologies moldues qui sont pourtant bien plus rapides que les nôtres. Leur seul défaut étant, je pense, qu'elles sont incompatible avec les ondes magiques. Un téléphone portable ne marchera pas dans une zone protégée par un anti-transplanage par exemple. Les moldus sont très développés en moyens de locomotion et de communication. Reprenons l'exemple du téléphone portable par exemple : certes tu ne vois pas le visage de la personne avec qui tu parles, mais tu n'es pas obligé d'être à genoux devant ton âtre, la tête dans le feu avec tout le désagréable qu'implique l'utilisation du réseau des cheminettes. Tu peux te déplacer, tu peux appeler quand tu veux et l'autre peut recevoir ton message sans avoir besoin de faire le guet devant sa cheminée. Et le mail, aussi. C'est un transfert instantané d'information d'un ordinateur à l'autre d'un bout à l'autre de la planète. C'est nettement plus rapide qu'un Hibou. Non, franchement, les Sorciers critiquent les technologies moldues mais elles peuvent se être vraiment très efficaces. J'ai moi même un téléphone (qui ne marche pas sur le chemin de traverse, bien sur) et un ordinateur. C'est comme ça que je communique avec ma famille restée en Amérique et c'est vraiment rapide.

Mais les Sorciers ne sont pas les seuls à critiquer. Les Moldus aussi critiquent les manières des sorciers. Regarde, par exemple, pour venir jusqu'ici, j'ai fait ma valise d'un coup de baguette, je l'ai réduite et je l'ai mise dans ma poche. Les Moldus disent que les Sorciers sont des fainéants. Ils ne font rien d'eux même, ils ne se lèvent plus de leurs sièges et font venir les choses à eux. Bien sûr, c'est terriblement pratique de pouvoir changer la couleur de son papier peint sans passer trois jours à l'enlever et deux autres à le remettre. Mais d'après les Moldus, on va tous finir énormes à force de ne rien faire nous même. Bien sûr, j'en conviens, les Américains sont les moins bien placés pour nous reprocher de ne pas assez bouger…"

Keith eut un sourire amusé. Sa mère était l'archétype de l'américaine énorme et il en avait parfaitement conscience mais cela ne le dérangeait pas plus que ça. Il conclut enfin :

"Je pense que chacun critique l'autre sans vraiment savoir et ceux qui ont le plus de chance sont ceux qui, comme moi, ont grandi dans les deux mondes en même temps et peuvent vraiment bénéficier des avantages des deux communautés."

Il dégusta encore quelques gorgées de son cocktail en le savourant. Cadfael lui présenta ensuite le boulot en question et Keith réfléchit sérieusement à la question avec tranquillité. Ca lui semblait bien. Il acquiesça la tête. C'était pas mal, 31 Gallions par semaine. Ca lui convenait bien. Soudain il eut comme un doute…

"C'est au Chemin de Traverse ?"

Ca voulait dire que l'ordinateur et le portable ne passeraient pas. C'était assez embêtant, ça. Mais d'un autre côté, ce n'était pas très grave, il pouvait toujours passer chez ses grands parents pour envoyer des nouvelles à ses parents et acheter des livres ici pour occuper son temps libre… Son temps libre. Il eut un sourire. Il fallait aussi espérer que le Patron ne serait pas trop contre ses activités nocturnes. Le logement au dessus de la boutique, ça voulait clairement dire que ses amants d'un soir croiserait le gérant… Le Gérant… Voilà peut être le plus important, parce que la vente et le conseil ça ne devrait pas trop le déranger.

"Quand tu parles d'entretien d'embauche, c'est à dire ? Un essai ? Il est comment le Patron ? Plutôt ouvert d'esprit ou totalement traditionnel ? Ca peut m'intéresse, vraiment, mais vu ce dont on vient de parler… Ce n'est pas quelqu'un qui risque de s'offusquer de mes origines américaines et de mes habitudes moldues ?"

Et quelques gorgées de plus. Ca lui mettait de bonne humeur cette boisson. Il posa de nouveau son regard sur Cadfael, détaillant son torse, ses mains, ses jambes… Il serait certainement très bien dans son lit…

Invité

Cadfael laissa Keith s’étonner à voix haute sans rien dire. Il n’était pas facile d’expliquer la terreur qui prenait aux tripes à la seule évocation de ce nom. La terreur ou le respect bien sur car si Cad’ craignait le Lord (comme tout être doté d’un minimum de raison face à un être qu’on ne pouvait ni comprendre, ni contrôler et contre lequel on ne pouvait se défendre), il le respectait plus encore. Le tabou était l’incarnation de cette peur et de ce respect. C’était également une partie d’un plan qu’il ne connaissait pas et n’avait pas l’intelligence de deviner. Il en était persuadé. Le Lord n’avait simplement pas pu abandonner son nom de baptême (quel qu’il soit d’ailleurs) et prendre un pseudonyme qu’il avait rendu célèbre par se seule force juste dans le but de l’interdire. Il fallait qu’il y ai quelque chose d’autre derrière. C’était certain. Le fait qu’il ne sache pas quoi ne changeait rien à cette certitude. Et puis le jugement de Keith le faisait sourire au moins autant que sa franchise.

Le sujet tomba finalement dans l’oubli ce qui n’était somme toute pas plus mal. Il n’était pas prêt a comprendre ce qu’était le Lord. Trop américain, trop étranger à la culture britannique et trop ignorant de l’histoire moderne de l’île. Quand il aurait rencontré des gens, sentit l’importance de cette interdiction , alors il reviendrait la bouche pleine de questions et il serait grand temps de le sonder.
Pour le moment, Keith était partit dans un long discour pro-moldu que le mangemort écoutait d’une oreille tout en savourant son jus de citrouille. Ce genre de débat n’avait pas de réponse toute faite, c’était sans doute pour ça qu’il avait autant de succès.

« On pourrait en discuter des heures. »

Lâcha-t-il simplement avec un sourire lorsque Keith conclut sur un apologie des sangs mêlés.

« Chacun fini par dire que ses propres origines sont les meilleures parce que finalement, on a bien du mal à s’écarter du modèle dans lequel on a été élevé durant notre enfance. On peut lutter contre, faire des efforts pour penser autrement, et même avec la meilleure volonté du monde, on continue a penser que notre système est le meilleur. Ceux qui disent le contraire se mentent à eux même et l’on s’aperçoit vite qu’ils disent blanc et font noir. »

Pensif, le sang mêlé fit tourner la fin du jus dans son verre en le regardant. Une habitude qu’il avait prise en buvant du Whisky pour en faire ressortir les arômes mais qui revenait souvent lorsqu’il ne restait plus qu’un fond de quelque chose dans son verre. Il était de sang moldu. Au moins un quart. Mais élevé par des sangs purs et des sorciers puristes, il n’avait jamais réussi à aimer la technologie moldue. Il y avait de bonnes idées. Et des choses amusantes. Mais sans plus. La magie était vraiment la seule technique fiable.

Il termina alors son verre d’une gorgée, laissant l’américain réfléchir à sa proposition. Un sourire en pensant qu’il ne savait pas encore qui serait son patron, sourire qui s’accentua aux questions du garçon. Par Merlin, il lui avait vraiment fait peur avec ses mises en gardes ? Prenait-il à présent tous les anglais pour des pets secs coincés incapable d’accepter une idée nouvelle a moins qu’elle ait plus de 300 ans et soit approuvée de concert par la Reine, le Ministre de la Magie et les Bizzar’ Sisters ?

Il secoua doucement la tête, voulant par là, à la fois rassurer Keith sur le conservatisme de l’employeur et s’éclaircir les idées (qui comme d’habitude sautaient du coq à l’âne sans rime ni raison).

« Il y a deux boutiques, toutes deux reliées par le réseau de cheminettes. La plus active est en Ecosse, à deux pas de Poudlard dans le seul village entièrement sorcier de Pré-Au-Lard. Les élèves du château y passent souvent, pas toujours pendant les heures de sortie mais la politique de la maison est de ne pas se mêler de ce qui est permit à Poudlard ou pas. Il y a également un système de vente par hibou et de commandes par correspondance qui te seras expliqué si tu es prit. L’autre boutique est au Chemin de Traverse en effet et l’appartement juste au dessus des deux boutiques en fonction de ce que tu préfèras. »

Un aguamenti remplit son verre vide d’un peu d’eau fraiche. Il ne lui avait pas encore dit ce qu’il devait vendre ni qui serait réellement son patron mais Keith devait déjà se douter de quelque chose. Il connaissait tout de même beaucoup de détails pour un intermédiaire.

« En fait, le gérant en question est passionné par ce qu’il vend. Il voudra donc savoir si tu aimes son produit autant que lui, si tu sauras le mettre en valeur, l’adapter au client, mettre ce dernier à l’aise pour qu’il est envie de revenir, enfin ce genre de choses. Il a des côté traditionnaliste mais se trouve tout de même plutôt ouvert d’esprit. Oh et je ne pense pas que le fait d’être américain me gêne, sinon je ne te l’aurais pas proposé. »

Il posa son verre à nouveau vide et planta ses yeux clairs dans ceux de son jeune ami, ignorant totalement les pensées de ce dernier. Il cherchait à capter son regard, rien de plus.

« Ça pourrait t’intéresser tu crois ? »

Une pause.

« Je ne suis pas forcément un patron facile »

Un sourire.

« Mais je pense que c’est faisable et que nous nous entendrons bien. »

Nouveau sourire rayonnant, presque charmeur. S'il acceptait, alors un monde de possibilité s'ouvrait devant lui. Pour sa boutique, pour Klarissa, pour le Lord même. Keith était une inconnue qui lui ouvrait plusieurs pistes pour la réussite de ses missions et, à plus long terme, pour le triomphe de la Cause. Non, il ne s'embalait pas, il venait juste d'avoir une nouvelle idée pour espioner Poudlard sans risques.

Invité

Keith, très concentré sur les paroles du libraire, ne se rendit pas compte des détails qui auraient pu lui mettre la puce à l'oreille. Ainsi il y avait deux boutiques. Clairement, loger à Londres plaisait plus à Keith que de loger en Ecosse. Ici, il était à la fois près de ses grands parents mais aussi des différents bars et boites de nuit destinés aux gens "comme lui". Etrangement, une partie de son esprit avait bien compris qu'il allait vendre des livres pour Cadfael mais l'autre se demandait qui était ce patron. Il tilta quand l'homme parla à la première personne mais sans comprendre ce qui lui avait paru étrange. Son regard se posa sur celui de son aîné et les paroles suivantes firent naître un magnifique sourire sur son visage jusqu'à ce qu'il explose de rire en se laissant retomber sur son fauteuil.

Puis, séchant les larmes de rire qui coulaient de ses yeux, il se calma et se redressa pour reprendre sa respiration. Après quelques minutes, il vida son verre et le posa sur la petite table avant de pose un regard des plus amusé sur Cadfael.

"Merlin, ce que j'ai été long à comprendre ! Pour sûr que ça m'intéresse ! Tu veux que je bosse dans ta librairie ? Je ne sais pas si j'aime les livres autant que toi, mais j'en lis au moins un ou deux pas semaine. Si je m'étais attendu à ça en entrant ici tout à l'heure. Trouver une connaissance, un boulot et un appart. Je suis partant à 100%. C'est Marc qui va…"

Brusquement le visage de Keith s'assombrit et le sourire disparu. Non, Marc ne serait pas surpris et ne le féliciterait pas. Marc ne ferait plus jamais ce genre de choses. Le regard de Keith était dans le vide. Ses yeux semblaient s'embuer de larmes mais il se contrôla et reprit pied dans la réalité. Il devait continuer à vivre, il devait passer à autre chose. Il remplit son verre vide d'eau glacée comme l'avait fait son hôte et le vida d'un trait avant d'ajouter comme pour lui même :

"Je n'aurais pas du te laisser me servir un autre verre… L'alcool me fait oublier que… Et le retour à la réalité n'en est que plus dur…"

Second soupire, second verre d'eau glacé. Il cligna des yeux et posa de nouveau son regard sur Cadfael, se forçant à sourire :

"Je suis preneur, sérieusement. Et de préférence à Londres pour le logement. Mais dis moi, tu as d'autres employés ? Comment tu sais qu'il y a quelqu'un dans l'autre boutique quand tu es ici ?"

Le visage du jeune homme était encore marqué de la mauvaise blague que son esprit venait de lui jouer mais il ne voulait pas en parler et se forçait à reprendre une conversation normal. Il s'était trop laissé aller et il se disait que si, après cette démonstration, Cadfael ne le trouvait plus digne de bosser pour lui, il ne pourrait pas l'en blâmer. Son regard avait perdu son pétillant et il était en train de laisser une incroyable lassitude s'emparer de lui. Il acquiesça comme pour se rattache à la réalité.

"Tu as parlé d'un entretien, tu veux me mettre à l'essai aussi ? Je suis prêt à commencer quand tu veux."

Personne ne pouvait être dupe de son semblant de sourire rassurant…

[HJ : Désolée de casser l'ambiance, c'est la faute de L'or...]

Invité

Keith avait un visage si expressif qu’il aurait pu servir de sujet d’étude pour des étudiants en médicomagie. D’abord intrigué, puis la compréhension, l’amusement et enfin un rire qui aurait aussi bien pu être de joie, de surprise ou Cad ne savait pas quoi. Le mangemort, de son côté, était très content de sa petite farce. Il aimait justement noter ce genre d’expressions sur ses interlocuteurs, jouer avec leur compréhension, disposer les mots de telle sorte que.. etc. L’américain avait deviné qu’il ne se rappelait pas de lui mais avait mit bien plus de temps à saisir l’allusion concernant la librairie. Quand au rire (et au discours) qui suivit, il rassura totalement le libraire. Kieth serait sûrement parfait. Il était naturellement enjoué et sympathique, assez intelligent pour ne pas se laisser rouler, semblait honnête, et qui plus était, motivé. Cad’ allait lui répondre lorsqu’un « Marc » fit son apparition dans le discours du gamin et que son sourire s’évanoui.

Marc. Un frère ? Un cousin ? Un ami ? Partit ? Malade ? Dispute ? Mort ? En tout cas l’expression du garçon était claire. C’était un proche et il s’agissait de la peine d’une séparation plus ou moins définitive. Aussitôt, l’écossais sentit sa curiosité naturelle poser des dizaines de questions silencieuses. Mais il la fit taire rapidement. Il lui en parlerait, c’était certain. Il avait l’air d’avoir besoin d’en parler. Mais si ça ne sortait pas tout seul maintenant alors il était inutile d’insister. Il fallait d’abord gagner la confiance du garçon. Ne pas s’imposer mais être là. C’était ça le secret pour recueillir des confidences.

«Ne t’en fais pas va. Prends ton temps. »

On disait souvent que seul le temps permettait de supporter ce genre de séparations. Curieusement, Cad’ ne savait pas trop ce que l’on pouvait ressentir à ces moments là. Il était trop jeune pour se souvenir de sa mère. Si sa dispute avec son père lui avait fait du mal, s’ils ne s’étaient plus parlés pendant des années, la rupture n’avait rien eu de brutal. Pendant sept ans ils s’étaient peu à peu éloignés jusqu’à ne plus se voir. La mort de sa famille non plus ne lui avait pas fait vraiment de mal. Il avait été nostalgique bien sur, se demandant ce qu’il aurait du faire, si les choses avaient pu être différentes mais rien de poignant. La maladie de Betty était arrivée après six ans sans nouvelles et la encore c’était lui qui avait décidé de partir. Austen pareil, toutes ses relations d’une nuit n’étaient rien de plus, aucun de ses amis proches n’avait été tué ou blessés. La seule chose qui l’avait vraiment blessé avait été la mort du Lord mais personne de sain d’esprit n’aurait pu considérer Celui Dont On Ne Devait Prononcer Le Nom comme un proche. Et puis il était revenu…

Non, Cad ne pouvait imaginer cette douleur, il agissait donc à l’empathie entièrement et n’eut pas de mal à changer de sujet et revenir à la librairie.

« Pour le moment, il n’y a que moi… toi peut-être, et l’elfe qui vient donner un coup de main lorsqu’il a fini son travail au manoir. Lorsqu’il ne travaille pas assez il passe son temps à se punir alors je veille à ce qu’il soit toujours occupé. L’elfe n’a par contre pas le droit de toucher aux livres, fais donc attention à ne pas lui en donner l’ordre. »

Il jeta un coup d’œil à sa librairie londonienne, regrettant mais comprenant le choix de l’adolescent. Londres était bien plus attractif qu’un village perdu au milieu de la campagne écossaise. Bah, ce n’était pas bien grave.

« Les deux sonneries des différentes boutiques sonnent aux deux endroits sur des tons différents. Tu verras c’est assez facilement reconnaissable. Tu peux transplaner de l’une à l’autre mais comme la décoration change souvent, je te conseille plutôt de passer par la cheminée. »

Sa voix était totalement normale et son sourire chaleureux. Il avait bien sentit que l’enthousiasme de Keith avait disparu mais agissait comme si de rien n’était. On ne condamnait pas quelqu’un parce qu’il était triste. Mais il ne voulait pas non plus le mettre mal à l’aise en le consolant. Il se débrouiller donc pour essayer de lui montrer qu’il acceptait de passer à autre chose mais qu’il était avec lui et voulait l’aider s’il le désirait.

« Lire plusieurs livres par semaine est un début mais L’île lettrée n’est pas une librairie comme les autres, c’est avant tout une sorte de « temple du livre » ou si le mot temple t’effraie, disons une sorte de musée. Pour commencer, je pense que tu as remarqué que je ne classe pas les ouvrages par auteur, par genre ou par titre. Pourtant ne crois pas que ce soit du hasard. Ils sont classés. Il faut donc que tu aies une compréhension du livre en lui-même. Nous faisons également de la réfection de livres usagés, et il peut arriver qu’on t’apporte un ouvrage enchanté mais ce sera moi qui m’amuserais avec eux. Sauf si tu veux apprendre mais au début en tout cas, tu me les réserveras. Je vais maintenant commencer l’entretien, et si je suis satisfait…ce dont je doute de moins en moins, alors tu seras prit. Pas de période d’essai, j’estime que c’est totalement inutile. »

Un silence, un autre verre d’eau. Il parlait beaucoup mais c’était normal.

« Tu es prêt ? Je commence par quelques questions très générales. Qu’est ce qu’un livre à tes yeux, a quoi servent-ils et comment reconnaît-on un livre de valeur à un autre qui n’en a pas ? »

Cadfael ne savait pas encore les réponses qu’il attendait. Il saurait de toute facon si les réponses de Keith lui convenait ou pas. Il voulait que le jeune homme argumente. Il fallait qu’il soit convaincu plutôt que contenté. Ce qu’il jugeait là surtout, c’était la passion du garçon, son charisme et sa capacité à vanter son produit. Ils allaient bien voir…

Invité

Cadfael évoqua le rangement particulier de la boutique et, presque surpris, Keith regarda les rayonnages. Il n'avait eu aucun de mal à trouver ce qu'il cherchait pourtant… Ses yeux étaient passés d'une étagère à l'autre sans qu'il se rende compte qu'il y avait un classement particulier. Il sourit. Il ne serait peut être pas capable de ranger un livre dans cette librairie, mais en trouver un lui semblait simple. Cadfael annonça le début de l'entretien et Keith senti soudain une vague de panique l'envahir. Il sentit près de lui la chaleur de son ami et se calma aussitôt. Marc veillait toujours sur lui, le regardant de là où il était, où qu'il soit, et l'encourageant. Il reprit contenant et laissa aux questions le temps de le pénétrer, se les répétant intérieurement.

*Qu'est-ce qu'un livre… Ça pour une question générale… A quoi servent-ils… Peut-on réellement répondre à cette question ? … Et comment reconnaître un livre de valeur ? C'est bien trop subjectif, tout ça…*

Pensif, il passa sa main dans ses cheveux, laissant son regard passer des rayonnages à la cheminée avant de revenir sur le visage de Cadfael puis de s'attarder à nouveau sur les ouvrages…

"Qu'est-ce qu'un livre…" Il parlait comme pour lui-même. "Peut-on vraiment donner une définition ? C'est une couverture cartonnée, du papier et du texte… Ça me semble être la seule réponse possible à cette question… Un livre, c'est ce que son lecteur en fait. Chaque livre est différent, totalement. Même deux livres qui semblent identiques sont différents. Les livres contiennent la connaissance pour certain, mais la plus part du temps, ils sont source d'évasion, d'imagination, de plaisir… Un livre… Un livre c'est un univers, une population, des catastrophes et des bonheurs… C'est tout ce qui fait une vie. Un livre, ça peut être la tristesse, le bonheur, la nostalgie... et tellement d'autres choses différentes ou mélangées. Non, le seul point commun à tous les livres, c'est un texte écrit sur du papier… et encore…"

Il marqua une pause, comme déçu de sa propre réponse. Non seulement il avait l'impression d'être sorti du sujet mais en plus il n'avait pas réussi à exprimer tout ce qu'il voulait dire. Il soupira.

"Je ne peux pas plus répondre à ta seconde question… Un livre est ce qu'on en fait et il sert à ce qu'on veut qu'il serve. Pour certain, il servira à s'évader, à oublier une tristesse, à vivre une autre vie. Pour d'autres, ça ne sera qu'un passe temps ou qu'une décoration dans une pièce trop grande. Un livre, ça ne sert à rien et ça sert à tout…"

Pause.

"Et dans la même optique… Le livre de valeur… si on est matérialiste ça serait un livre rare, un livre cher, qu'on ne trouve pas qu'il est fait de belle facture, qui a appartenu à quelqu'un de célèbre… Mais je ne suis pas sensible à cette valeur là. Non… Un livre de valeur, c'est un livre à qui on a donné une valeur sentimentale. Prends un roman dont le héros a transpercé le cœur de sa lectrice à tel point qu'elle rêve de lui et quelle ne quitte jamais son livre. Même s'il est miteux, même si d'autres le prendraient pour un navet… C'est un livre de valeur. Un livre ne prend de la valeur qu'aux yeux de son lecteur à partir du moment où il a touché son cœur."

Il se tut. Son visage qui avait semblé ailleurs pendant tout son exposé se referma. Dès qu'il avait commencé à parler, il avait été envahit par une sorte de déception, de frustration. Comment répondre à ces questions comment expliquer les choses…

"Je suis désolé… Tes questions sont trop matérielles pour moi. Je ne vois pas les livres comme ça…"

Il pensait être recalé et cela l'attristait. Les livres étaient des objets précieux à ses yeux et on ne pouvait pas se contenter d'en voir l'intérêt marchant, même en étant libraire. Il était déçu que Cadfael voit les choses ainsi, il lui avait fait miroité bien plus de sensibilité. Mais si c'était le cas, il ne regrettait pas de ne pouvoir travailler ici. Il trouverait autre chose…

Invité

Patiemment, le libraire laisse son nouvel ami faire le tri dans ses pensées, ses sentiments et ses connaissances. Bien que facilement impatient, Cad’ savait comment attendre. Il savait également par expérience combien faire un rapport improvisé était difficile. Combien de fois le Lord n’avait-il pas patienté pendant que lui-même faisait les mêmes opérations mentales ! Et puis il avait se pensées pour lui tenir compagnie. Il allait falloir qu’il trouve une idée pour la décoration de noël, cela commençait à devenir urgent. Blanc et bleu était trop banal, rouge et vert aussi. Rouge et blanc peut-être ? Oui, cela pourrait peut-être aller. Et quel thème prendre cette fois-ci ? Ce n’était pas facile. Peut-être que Keith avait une idée. Oui tiens, ce serait la prochaine question de l’entretient. Autant rentabiliser le truc.

Un fin sourire naquit sur le visage du mangemort dont les yeux clairs se mirent à briller d’amusement. Ce fut à ce moment là que l’américain décida de sortir de son mutisme. Le premier point était très bon. En effet, un livre était quelque chose de différent pour chacun. En prendre conscience n’était pas si facile et l’écossais fut rassuré de voir que son ami savait déjà ça. Mais il ne dit rien. Pas encore. Il fallait le laisser mariner.

C’était dur, il était extrêmement tenté de l’interrompre pour lui dire qu’il était engagé d’office, de faire cesser cette mascarade et de se fier à son intuition. Son tempérament de gryffondor voulait foncer, passer à autre chose, agir enfin. Mais Cad’ était un adulte. Les années l’avaient polis, calmé, apprit sinon à être sage, au moins à se contenir un peu. Certes, il avait déjà prit sa décision mais ce n’était pas une raison pour arrêter le test.

« Tu n’as pas à être désolé. Tu as bien répondu. »

Il fit une pause, le temps de donner au garçon un sourire rassurant. Laisser les gens mariner dans leur stress c’était vraiment pas son truc. La torture psychologique devait avoir un but (même lorsqu’il ne s’agissait que de laisser le mangemort se calmer), lorsqu’il ne cuisinait personne, Cad’ n’était franchement pas un mauvais bougre.

« En effet, un livre est quelque chose de différent pour chacun de nous. Dans cette optique, si tu m’avais donné une réponse toute faite, j’aurais été obligé de te reprendre. Mais comme tu as été honnête et qu’il est visible que tu aimes les livres, ta réponse me convient tout à fait. N’oublie jamais cette notion. Le client n’aura probablement pas la même vision des livres que toi. Pour bien conseiller un livre il faut bien les connaître mais également bien connaître les gens. Il faut passionner, intéresser, intriguer. Il faut leur montrer un bout d’univers et leur donner envie de sauter dedans les yeux fermés. »

A nouveau il sourit et regarda d’un air pensif les monceaux de livres exposés ici. Ses livres. Oh il ne les avait pas tous lu. En ce moment il n’avait le temps de rien et à part le grimoire de Grindewald, il lui semblait qu’il n’avait pas touché un livre pour le lire depuis des siècles.

« Ici, il n’y a pas de « bons » ou de « mauvais » livres. Je considère que le savoir n’est pas politisé. Chacun fait ce qu’il veut des informations contenues dans les livres. Dans un même ordre d’idée, les demandes des clients sont soumises au secret professionnel. Tout ce qui est dit dans la boutique, que cela te soit adressé ou pas, ne doit pas sortir de la boutique. Ce qui s’y passe également. Je cherche a avoir une réputation de neutralité. L’île Lettrée est un lieu presque protégé. Quoiqu’il arrive tu n’interviens pas, tu ne fais pas de remarque et tu ne prends pas parti.»

Il avait parlé sur un ton léger mais son regard était devenu sérieux. Il espérait que Keith comprendrait. Si les adolescents commençaient a se méfier de la librairie, il allait perdre beaucoup d’informations. Mais il ne se faisait pas de soucis. Keith avait une étiquette cool, il avait les cheveux longs, il était jeune, il aimait les livres, les jeunes allaient l’apprécier. Et s’il faisait la fine bouche devant les livres de magie noire, même s’il le dénonçait, Cad avait assez de contacts pour étouffer l’affaire.

« Bien, autre question, sur tout autre chose cette fois. Comment ferais-tu la déco de la boutique pour Noël ? »

Mais si c’était, hum, une question test. Réelle en fait. Car elle montrerait l’originalité et la créativité (s’il en avait) du garçon. Il avait déjà dévoilé une grande sensibilité mais ce n’était pas encore assez. Betty était sensible… et elle n’avait aucun goût.

Invité

Alors que Keith était en train de se résigner à ne pas bosser au milieu des livres, déçu par le libraire, celui-ci le rassura en lui indiquant qu'il avait bien répondu. Au contraire, la question semblant appeler une réponse toute faite était un piège et en parlant avec son cœur comme il l'avait toujours fait, Keith avait évité l'écueil. D'ailleurs, Cadfael parla des livres à son tour et il était évident que les deux hommes étaient faits pour s'entendre. Cela rassura l'américain qui décida que ça aurait été dommage de devoir abandonner une telle proie pour une histoire de point de vue. Rassuré et de nouveau confiant, le jeune homme accorda toute son attention à son confrère et se rendit rapidement compte que celui-ci parlait comme s'il était déjà embauché. C'était passablement rassurant, même si Keith n'était pas du genre à se reposer sur ses lauriers et à ne pas crier victoire trop tôt.

Le "patron" aborda un autre sujet expliquant clairement que l'île lettrée était un havre de paix, un lieux neutre où il était interdit de juger les gens sur leurs goûts ou de révéler les secrets dévoilés. L'idée plaisait à Keith. Les livres étaient une oreille silencieuse, il serait comme eux, un confident. Ca lui convenait parfaitement et puis, de toutes façons, il n'avait plus personne à qui raconter quoi que ce soit… Le jeune homme était plongé dans ses pensées quand Cadfael lui posa une autre question.

Noël.

Keith eut un sourire. Il n'avait pas passé son dernier noël en famille comme à l'accoutumée mais la présence de Marc avait été bien plus que suffisante. Soudain il perdit son sourire pensif. Ce noël, il serait seul… Désespérément seul… Chassant ses pensées, il revint à la question. De nouveau son sourire revint. Il avait l'air bien lunatique, comme ça, mais c'était simplement que des souvenirs tristes prenaient de temps en temps le dessus sur tout avant de refluer. Noël, donc…

"Ca, c'est une question piège… Je crois que je ne connais pas encore assez la culture Anglaise pour savoir ce qui choque et ne choque pas. J'ai toujours passé noël avec la famille de ma mère. Je ne sais pas si tu t'es promené dans les rues américaines en décembre… Ils ne connaissent que le faste et le criard. Des guirlandes électriques partout, des sapins tellement couverts de décorations qu'on n'en voit plus la couleur, les maisons couvertes de neige, les chaussettes accrochées à la cheminée… Je pense que ma vision de noël est bien trop… trop tout pour des sorciers anglais. C'est du blanc, beaucoup de lumière et de dorée, un peu de rouge… Je ne sais pas si tu as une bande de gazon à Pré au Lard. Tu n'as pas ça ici… J'ai déjà vu, en Amérique des animaux en guirlandes électrique magiquement animés. Mais je n'ai jamais vraiment fêté noël dans un univers sorcier. Certes les sorciers sont assez bien acceptés là-bas, mais mes cousins avaient peur quand j'utilisais la magie alors dans la famille de ma mère, je faisais comme si j'étais un moldu."

Il se tut un instant, ne se rendant pas vraiment compte des conséquences possibles de ce qu'il venait de dire. Puis il reprit, pensif.

"Sinon, je dirais, un sapin bien décoré, de la neige et de la musique douce… Mais je dois avouer que j'aimerai bien voir un noël typiquement anglais si ça existe."

Naïf dans son innocence, il sourit au libraire et se servit un verre de lait qu'il but d'une traite. Il était assez confiant en fait, il avait envie de bosser au milieu des livres. Finalement, reportant son attention sur Cadfael, il attendit que celui-ci continue son "test".

Invité

Noël. Ou plus précisément le solstice d’hiver. La nuit la plus longue de l’année, et le symbole du début de la fin des ténèbres. Traditionnellement, cette fête était représentée par des cadeaux et un grand ménage. Les dernières victuailles fraîches étaient sacrifiées et l’espoir était de mise. Dans la tradition celte, toutefois, la fin de l’hiver n’était pas fêté avant le 1er février ce qui faisait que le libraire n’apportait que peu d’attention à cette fête païenne. Cela dit, ce n’était pas une raison pour la traiter avec mépris. Noël était une bonne époque pour les commerçants et de toute façon, Cad’ aimait passer du temps à décorer sa boutique.

Sortant de ses pensées (ou plutôt les laissant tourner en arrière plan), Cad’ sourit à la remarque de Keith. Toutes ses questions étaient des questions pièges, c’était certain. Le fait même de dire qu’il s’agissait d’un entretient d’embauche était un piège pour le mettre sous pression. En réalité, le test avait commencé bien avant. Mais il était inutile de le lui dire tout de suite. Savoir garder son sang-froid même sous la pression était très utile.

« Je sais. Austen m’avait fait décorer le loft comme ça à l’époque. J’ai même du garder quelques animaux enchantés en souvenir. Mais tu as raison. Pour quelqu’un qui n’a pas encore saisi la mentalité anglaise, tu te débrouilles plutôt bien. Nous sommes un peuple réservé qui n’aime pas montrer ses sentiments, même lorsqu’il s’agit de quelque chose d’aussi simple que Noël. De plus, trois régions sur quatre restent très celtiques et Noël n’a pas de pendant dans cette religion. »

Il se frotta la nuque et sourit, ajoutant après une courte pause

« Pas dans la galloise en tout cas. Ni chez les écossais. Je ne sais pas pour les Irlandais. Ils sont très jaloux de leurs traditions et n’en parlent que très peu. »

Malgré sa façade tranquille, le libraire nota l’information la plus importante de la soirée. Son compagnon était à demi moldu, comme sa mère à lui. Il était donc inutile d’espérer en faire un mangemort, il ne pourrait pas comprendre. Il fallait toutefois qu’il essaie de l’éduquer pour éviter qu’il ne tombe aux mains de l’Ordre. Les membres de cette organisation ne lui inspirant aucune sympathie, surtout depuis son court séjour parmi eux. Ce n’étaient que des gens pervers et violents se cachant derrière la légalité et le « bien » pour torturer leurs semblables. Il semblait même qu’il n’y avait aucune cohésion, aucune vision d’ensemble dans cet attroupement disparate de personnalités. Tout ce qu’ils voulaient c’était détruire les mangemorts parce que c’était « mal ». Alors qu’eux se battaient pour faire évoluer le monde… Enfin., conclut-il avec un soupir, on ne peut pas faire grand-chose pour le moment.

« Un noël typiquement anglais hein… il va falloir que tu gouttes le Christmas Pudding alors. C’est la tradition. Sinon… je ne sais pas trop. Je n’ai jamais vraiment fêté cette fête avant New York. Je pense que c’est plus ou moins une fête de famille comme chez vous. Avec moins de lumières. Plus dans le vert sombre et le rouge je dirais. Mais je ne veux pas être traditionnel. Je souhaite surtout étonner. »

Les yeux du mangemort se voilèrent tandis qu’il imaginait la proposition de son nouvel ami. La musique douce c’était bien. La neige aussi. Par contre le sapin… enfin, décoré de clochettes d’argent et de bougies enchantées avec quelques Ginger Men a son pied cela ferait sûrement l’affaire. Il allait falloir demander à l’elfe de se mettre aux fourneaux mais ça lui ferait du bien de se mettre à travailler pour une fois. Il pensait se souvenir d’un sort de neige…

« Des flocons tu dis ? »

Il sortit sa baguette, prenant soin de ne jamais viser Keith et de ne pas paraître menaçant. Puis, il regarda un moment l’air autour de lui et commença à décrire une arabesque compliquée avant d’articuler un seul mot

« Nyfeira »

Quelques flocons se mirent à tomber du plafond sur le sol, fondant en un peu d’eau. Cad’ grimaça et se prépara à un autre sort.

« Absennol »

Les flocons changèrent alors subtilement et arrêtèrent de fondre, disparaissant sans laisser de trace à quelques centimètres de tout objet. D’un dernier geste de sa baguette, Cad’ fit disparaître sa tentative et sourit à nouveau à Keith.

« Je suis rouillé mais avec un peu d’entraînement je devrais réussir a tout faire en un sort. La neige est une bonne idée. Je verrais bien quelque chose dans les blancs et bleu pour changer un peu. Mais cela ne me donne toujours pas d’idée précise de thème… qu’en penses-tu ? On pourrait tout centrer sur un conte quelconque…»

Invité

Quand Cadfael lui fit remarquer que pour un américain il comprenait plutôt bien les anglais, il ne put que sourire intérieurement. Son père avait toujours eu du mal à sortir de l'esprit Anglais pour se faire à l'excentricité moldue Américaine. Il avait souvent trouvé la vie de son père étrangement renfermée. Le flegme anglais, il l'avait vécu mais il ne l'avait jamais compris ni partagé. Il savait ce qui pouvait choquer son père et "ses confrères"…

Cadfael chercha une idée, expliquant son point de vue sur noël, son désir de surprendre… Il prit l'idée des flocons au pied de la lettre et tenta de faire en sorte que ça ne salisse pas la librairie… ne la mouille pas non plus. Keith surveilla de l'œil un flocon qui tomba jusqu'à disparaître avant de toucher le sol et eu une révélation. Il se leva et pointa le sol du doigt, triomphant à son idée.

"De la glace ! Il faudrait que le sol ai l'air d'une patinoire, d'une place gelée… Sans être glissant bien sûr ! Il faudrait juste donner un aspect au bois… C'est pas une métamorphose, plutôt un sortilège d'illusion…"

Il se leva, sorti sa baguette et la pointa sur le sol. Il prit le temps de réfléchir, de peser le pour et le contre du sortilège qu'il voulait faire, fit revenir des souvenirs de ses études en France… Puis se lança et prononça une formule précise avec un geste harmonieux. Le sol prit alors une teinte bleutée donnant une impression de glace brillante. Il regarda le résultat, c'était plutôt pas mal.

"Ca pourrait faire un peu le Lac des Cygnes ça permet d'avoir une musique d'ambiance assez agréable, une atmosphère à la fois douce et froide mais compensée par la chaleur naturelle du lieu. Un beau bleu, des amas de neige qui ne fond pas… Heu… Tu en penses quoi ?"

Il se calma brusquement, peut être s'était-il trop avancé. Hésitant, il s'assit et lança un regard interrogateur sur son ami et bientôt patron.

[HJ : c'est ridiculement court, mais tu sais dans quelles conditions je l'ai écrit... *a honte*]

Invité

Cad’ qui avait suivit la soudaine attaque d’impulsivité de son jeune compagnon avec un sourire ne put retenir un éclat de rire. Il venait d’apprendre plusieurs choses importantes sur l’américain mais surtout, il ne pouvait s’empêcher de le trouver extrêmement sympathique. De plus, son idée ne manquait pas de charme et il prenait –visiblement- les choses à cœur.

« Beaucoup de bien. »

Finit-il par articuler une fois son accès d’hilarité redevenu contrôlable. C’est vrai que c’était joli. De plus le mouvement de baguette du garçon avait été très bien contrôlé, il n’avait pas hésité une fois lançé et le resultat était parfait. Enfin presque mais cela suffirait. Il y avait juste un léger maniérisme dans le mouvement qui était (décidément) amusant. Où donc avait-il apprit à utiliser sa baguette comme ça ? Ça ne ressemblait pas au style de Salem pour autant qu’il le sache…

« Il va falloir que tu m’apprenne ce sort, je suis plus calé en métamorphose pure et en sorts de lumière et de feu qu’en illusion, surtout avec l’eau comme modèle. »

Toujours souriant, il se leva et regarda autour de lui, pensif. Le feu tranchait trop et serait plus harmonieux d’une autre couleur. D’un « colores » informulé et négligeant, il transforma les flammes dorées en un feu de glace, allant du cyan au bleu roi, flamèches d’argent et buches noires. C’était pas mal. Un peu sombre toutefois.

« La musique ne devrait pas poser de problème. La lumière par contre est plus ennuyeuse. Les spots habituels sont trop blanc et serait trop violents dans cette ambiance. Mais si je les éteinds, ce sera trop sombre. Une idée ? »

Non, il n’avait pas oublier de tester son nouvel ami, au contraire, c’était ce qu’il faisait sans arrêt. Il savait à présent que Keith était un enthousiaste mais qu’il réfléchissait quand même un minimum avant d’agir. Il avait des pouvoirs certains, du goût, de la culture (qui de nos jours connaissais ses classiques russes, hein ?!), de l’imagination et surtout il s’impliquait dans ce qu’il faisait. Il participait activement et prenait des initiatives. Enfin bref, il était engagé. Il faudrait d’ailleurs qu’il pense à le lui dire un jour. Hum. Quand ils auraient fini de décorer la boutique. Une chose à la fois, n’est ce pas ?

Invité

Heureusement, Cadfael semblait enchanté par l'idée de Keith et celui-ci destressa rapidement. Il lui en faisait voir de toutes les couleurs, ce libraire à lui demander son avis et à le laisser s'emporter sans lui dire s'il était recalé ou non. Mais Keith ne pu pas se poser de questions trop longtemps car, déjà, son vis à vis s'était calmé et changeait de sujet.

"Oui, je t'apprendrai si tu veux, mais je ne suis pas certain d'être un très bon pédagogue…"

Visiblement, l'idée de Keith plaisait vraiment et déjà Cadfael complétait le tableau pour obtenir une harmonie dans la décoration. Quand le sort de colores fut lancé, le jeune américain reconnu bien dans son ami un sorcier formé en Angleterre. Ce Pays était réputé pour son niveau en métamorphose et l'homme se montrait à la hauteur de cette réputation. Keith se disait donc avec plaisir qu'il trouverait certainement un professeur pour le former en ma matière et ainsi parfaire son éducation magique.

Mais la n'était pas la question et le libraire pointa le défaut de cette décoration : c'était trop sombre ou trop vif. Clairement, il fallait trouver un juste milieu entre les spots habituels et ces ombres repoussantes et peu conviviales. Le jeune homme prit le temps de peser le pour et le contre…

"Il faut un entre-deux. Les spots devront rester éteints, c'est certain, donc une autre source de lumière est à prévoir… Il ne faut pas de lumières trop vives sinon ça en deviendra éblouissant avec la neige et la glace, mais il faut tout de même assez de luminosité pour que les clients puissent feuilleter les livres et en lire deux ou trois lignes… Des bougies risqueraient de ne pas assez éclairer et je dois avouer que du feu au milieu des livres, je n'ai pas confiance. Peut être pour le plafonnier. Des petites bougies pendant, comme des encensoirs… Tu vois, une petite coupelle transparente remplie d'eau avec une bougie perpétuelle flottant dessus, le tout pendant et oscillant. Mais ça ne serait pas une lumière assez vive pour rendre la lecture possible, ça fatiguerait les yeux… Ca n'est pas assez…"

Il marqua une pause, tenta de rattraper des flocons qui disparurent avant de toucher sa peau puis il ferma le poing comme pour en capturer et son attention se porta sur l'organisation des étagères. Il n'y avait pas vraiment d'espaces libres. Il eut une idée mais se demanda bien comment la mettre en œuvre. Il ne s'agissait pas d'un sortilège d'illusion cette fois-ci, mais la métamorphose n'était pas non plus appropriée. Il hésita et, ne trouvant comment la réaliser, se contenta de décrire.

"Peut être… Des amas de neiges… Tu vois, par exemple, là, sur cette pile de bouquin, un petit tas de neige. De la fausse neige, bien sûr, qui ne fondrait pas… Une neige éclairante. Pas phosphorescente, ce n'est pas exactement ça… non, juste éclairante… Et quand on veut prendre un livre, on la pousse et elle reste à côté, en un seul tas, provoquant toujours de la lumière… Ou bien… heu… Pourquoi pas en forme de petits bonshommes de neige animés ? Il émanerait d'eux une lumière mais ils se déplaceraient d'eux même sur les livres pour éclairer un lecteur ou une rangée de titre… La difficultés serait peut être d'en gérer plusieurs et qu'ils ne finissent pas par se battre… Par contre… je ne suis pas certain d'être capable de créer ça…"

Il était très pensif. Il s'assit de nouveau et remplit son verre d'un peu d'eau fraîche à l'aide d'un aguamenti, mais le but n'était pas de la boire… Il commença par la refroidir au point qu'elle devienne glace puis neige et la modela sur la table pour obtenir la forme voulu. Un sortilège de métamorphose basique, simple et quelque peu maladroit modifia la structure de la neige pour qu'elle ne fonde pas et ne mouille pas. Et il resta là à fixer sa création. Encore fallait-il rendre cet bonhomme de neige éclairant… et animé !

Invité

Un simple hochement de tête accueillit la réserve de Keith. Pour l’ancien gryffondor, ce genre de dénigrement n’était qu’une sécurité en cas de problèmes. Pouvoir dire « je vous avais prévenu » si quelque chose tournait mal. Rien d’autre qu’une convenance sociale en somme. Et bien il ne lui en voudrait pas s’il se révélait mauvais pédagogue même s’il doutait franchement que ce soit le cas. Keith était visiblement un garçon intelligent, curieux et adaptable. Enseigner ne demandait pas autre chose. Sauf peut-être de la patience.

Il fallait dire ce qui était. Le libraire avait totalement oublié qu’il devait tester Keith. Dans son esprit, non seulement l’américain avait le poste mais en plus il avait comprit que c’était le cas. Il ne s’agissait donc pas de sadisme de sa part lorsqu’il évitait d’en parler mais simplement du fait qu’ils s’étaient mis au travail. Les idées de l’américain étaient vraiment intéressantes, originales et d’une complexité à faire peur. Quel genre d’enchantement pouvait pousser les bonhommes de neige à partir dans la bonne direction ?

« Les coupelles ne poseront pas de problèmes. Le feu non plus avec un bon sortilège de gèle flamme pour l’empêcher de prendre sur les livres mais une flamme jaune romprait l’harmonie et des flammes bleues n’éclairent pas assez. Quand à ton idée, elle est excellente mais va demander du travail. Je sais comment les faire, les éclairer, les rendre pacifiques, mais les animer pour faire ce que tu décris, tous les jours pendant presque huit heures risque d’être plus compliqué et demander une certaine puissance magique. »

Après un moment de réflexion, il lança un sort sur le tas de neige de Keith, le faisant rayonner d’une étrange lueur bleu et blanche, très diffuse, un peu comme un néon ou un jouet phosphorescent mit récemment en contact avec une très forte source lumineuse. Un autre sort et le bonhomme s’éveilla, restant toutefois poliment à sa place, ne bougeant que bras et jambes. Cad hésitait, réfléchissait, repassant dans sa tête les sorts qu’il connaissait et pouvait adapter. Peut-être une potion pouvait-elle avoir cet effet ? Mais il n’y connaissait rien en potion, il faudrait demander à un spécialiste. Et comme Keith n’avait pas encore évoqué cette possibilité, il ne devait pas être un grand expert. Peut-être Klarissa. Cela ferait une bonne excuse pour aller la voir. Ou peut-être était-ce simplement impossible. Sinon, l’elfe savait peut-être le faire. Ces machins avaient une magie pas très orthodoxe mais singulièrement efficace. Il faudrait qu’il le lui ordonne pour voir. Klarissa d’abord.

Un sourire un peu rêveur naquit sur le visage du libraire qui failli se laisser aller à ses pensées, oubliant totalement son vis-à-vis. Heureusement pour eux deux, Oriawr sonna de façon insistante. Cad’ fouilla dans sa poche, en tira le bel objet d’argent et en regarda l’écran , les sourcils froncés. Le temps passait bien trop vite à son goût. Il remit la montre dans sa poche et sortit un trousseau de clef.

« Bien. La clef rouge est celle de la boutique, celle en bleu ouvre la porte de l’appartement. Il est au premier étage. La porte sur la rue est celle juste à droite d’ici. Tu peux passer directement par la boutique grâce à la clef verte. La petite clef est celle du coffre, et celle un peu ancienne ouvre un vieux secrétaire qui est là. Il y a un hibou et un perchoir, tu peux l’utiliser si tu veux, sinon je le reprendrais. ».

Il sourit, lui tendis le trousseau et fit venir à lui le contrat d’embauche qu’il avait préparé deux bon mois auparavant, au cas où. Il le relu rapidement, vérifiant que le salaire était convenable et les heures bien indiquées puis le tendit à Keith.

« Dis moi si ça te convient, n’hésite pas. J’aurais surtout besoin de toi l’après-midi et le soir pour la fermeture. Quelques week-ends aussi mais ils seront payés plus pour le dérangement. Evidemment, tout est négociable. »

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