Le bruit infernal de la station envahissait ses oreilles alors que la fumée noire s’échappait du train qui venait tout juste d’entrer en gare. Avec une certaine nostalgie Heather regarda les wagons rouges éclatants de la machine vrombissante. Une nouvelle fois elle allait remonter dans ce train pour revenir là où elle avait trouvé refuge. La jeune fille allait regagner les couloirs de l’école de sorcellerie Poudlard. Et bizarrement cette idée était presque réconfortante. Ne pouvait-on pas dire que le château avait été jusqu’ici son unique et véritable maison ? Que seul dans l’enceinte de l’académie elle avait trouvé un semblant d’affection ? La jeune Brown n’avait pas de mal à approuver cette idée car là où elle avait grandi c’était véritablement l’horreur. Un enfer violent et froid qu’elle avait vécu au gré des humeurs d’un certain homme. Un homme agressif, extrême, sauvage et ivrogne. Un homme qui n’était autre que son père. Celui même qui l’avait bercée jusqu’au sommeil lors de ces premiers mois. Mais l’être qu’il était devenu avait transformé sa vie et celle de sa mère en enfer. Et Heather avait fait de sa mort son seul but. Sa vengeance l’obsédait et elle finirait par lui faire regretter tous ses gestes, toutes ces paroles. Elle lui réservait la mort la plus lente et la plus cruelle.

Lâchant son regard du vide, la Brown leva fièrement la tête et d’une main habille attrapa la poignée de sa malle. Cette dernière était relativement petite mais contenait en réalité presque toutes les affaires de la jeune fille. Grâce à un enchantement de volume, elle avait, ô par miracle, fait rentrer sa pile innombrable de vêtements et son entière collection de livres. C’est donc sans prêter grande attention aux nouveaux petits sorciers qui s’excitaient sur le quai que Heather se fraya un chemin jusqu’au wagon n°5. Sur son visage se peignait une expression à la fois exaspérée et malicieuse. Depuis sa première année la jeune fille prenait place dans le même wagon et le même compartiment, dans lequel elle retrouvait ses quelques amis. Aucune année n’avait fait exception. C’est pourquoi la mine de la Brown se durcit lorsqu’elle remarqua que trois gosses se trouvaient dans son compartiment. Quelle fut la tête de ces pauvres enfants au moment où Heather se planta devant eux le regard sombre... Elle était imposante et effrayante pour n’importe qui quand ses yeux verts perçants lançaient des éclairs menaçants. Rejetant sa crinière noire d’un simple geste de main, elle leur adressa un sourire forcé sarcastique.

« Vous trois, dégagez d’ici immédiatement. »

Sans décrocher un mot, les gamins se levèrent précipitamment et quittèrent de compartiment, craintifs. On ne piétinait pas sur son territoire. Satisfaite, Heather s’installa sur la banquette après avoir déposé sa petite valise dans les filets et cala sa tête contre la vitre fraîche. Ses amis ne devraient pas tarder à arriver, il leur restait encore quelques minutes avant le départ du train. Relevant la manche droite de sa veste beige, la Brown révéla la cicatrice qui traversait son poignet. Avec un doigt elle la frôla lentement, se remémorant les évènements qui avaient entraîné cette blessure. Son père, une fois de plus. Les éclats de verre. Les cris. Les larmes. Cette violence dans laquelle elle avait été élevée avait forgé son caractère. Elle était marquée à vie par ce monstre et avait hérité de son caractère instable. Heather se montrait parfois aussi colérique que son géniteur, aussi orgueilleuse. Mais pourtant elle le détestait de tout son être. Seule sa mère, Meredith, comptait pour elle. Les deux jeunes femmes se ressemblaient physiquement en tout point. Le même visage fin et élégant caractérisait leurs traits. Uniquement les deux incisives de la jeune Brown la différenciaient de sa mère. Ses dents du bonheur lui avaient d’ailleurs valu les moqueries de ses camardes avant qu’elle n’entre à Poudlard. Depuis les choses avaient changé. Rares étaient les personnes qui osaient la provoquer. Pourtant malgré son caractère difficile, la jeune fille avait accompli l’exploit de se lier d’amitié avec quelques membres de sa maison. Mais le sens du mot « amitié » était relatif. Disons que la plus part de ces amis étaient des connaissances utiles pour ses intérêts personnels. Ses souvenirs et sa colère commençaient à remonter. Ce n’était pas le moment de fléchir. Brusquement elle recouvrit la cicatrice et releva la tête en direction du couloir. Des voix familières se faisaient entendre, ils étaient là.