L'agitation qui régnait dans la salle commune la gênait. Trop de brouhaha, trop chaud, trop de monde, trop tout. Elle était dans une de ses périodes où elle n'aspirait qu'à une seule chose, la paix. À tel point qu'elle avait même ranger ses cartes de tarots tout au fond de sa valise. Bien sûr, elle n'était pas à l'abri d'une vision, mais au moins, les choses ne viendrait pas d'elle. Lina se dirigea vers son dortoir et enfila sa cape la plus chaude, puis elle passa autour de son cour, l'écharpe à l'effigie de sa propre maison. Sans un regard en arrière, la sorciè(re tourna les talons et quitta la salle commune. Elle hésita à faire un détour par la cuisine, comme d'habitude, mais y renonça... Elle avait été assez punie pour le reste de son existence : elle se doutait que les elfes de maison ne la trahirait pas de leur plein grès, mais si leurs maîtres, à savoir les Carrow, leur posaient des questions, ils seraient obligés de dire la vérité, et rien que la vérité, monsieur le Juge. Elle grimaça et passa devant le tableau – porte d'entrée en baissant le nez. Dommage. Elle aurait apprécié un petit goûter. Une fois dans le Hall, elle hésita un instant, mais, tout naturellement, ses pieds la dirigèrent vers l'extérieur.

Elle aimait tout particulièrement les arcades qui formaient la cour intérieure du château. C'était un petit peu son coin à elle, l'endroit où elle finissait toujours par se retrouver quand elle errait sans but précis. Elle s'installa en tailleur, sur le large muret, le dos appuyé contre une des colonnes. La même colonne que d'habitude, celle qui terminait l'allée de gauche : de là, elle avait une vue d'ensemble sur toute la cour et ne pouvait pas être surprise.
Lina était littéralement épuisée et en même temps, elle s'en voulait. Une personne normale n'aurait – elle pas dû chercher du réconfort auprès de ses amis ? Pourquoi fallait – il toujours qu'elle s'isole du reste du monde au lieu de simplement s'exprimer, comme tous les autres. Sa mère lui avait parlé, une fois, de mécanisme de défense... Mais la sorcière n'avait pas prit la peine d'écouter la suite. Elle soupira. Il ne servait à rien de se morfondre dans l'immédiat.
Elle jeta un regard autour d'elle. Peu d'élèves avaient daignés sortir, pourtant, pour une fois, il ne faisait pas si froid que ça. Il était seize heure, le ciel était dégagé, et quelques rayons, presque chauds, venaient encore caresser le visage de la blairelle, avant de bientôt se retirer pour laisser place au coucher du soleil, puis à la nuit. Mais ils avaient tous peur... Avec toutes ces nouvelles mesures, il devenait compliqué de savoir ce qui était vraiment autorisé ou pas et leur quotidien devenait un éternel calcul d'heure pour être certain d'être rentré à temps pour le couvre feu.
Mais Lina tenait à profiter de ses moments qui n'appartenait qu'à elle. Normalement, elle aurait dû écrire une lettre à ses parents, pour les rassurer quant à sa situation ici, mais tant pis. Elle n'envisagea même pas de prendre de quoi écrire. Au lieu de ça, elle tira de sa poche sa baguette magique et, avec un petit mouvement sec du poignet fit apparaître des papillons bleus foncés qui se mirent à voleter autour d'elle, avant de disparaître après un petit pop!. Un sourire illumina son visage... Dieu qu'elle aimait la magie, surtout ce genre de petits sortilèges, tout à fait innocent, simplement beau. Cette fois, elle traça dans les airs  quelque chose de plus complexes, en 4 mouvements. D'abord, il n'y eut rien, puis de minuscules boules de lumières apparurent. Elles évoquaient à la préfète des lucioles, ou peut – être de petites étoiles. Au bout de quelques secondes elle annula son sortilège et écouta son estomac gargouillé. Le moment ne se prêtait pas une telle magie. Tout autour d'elle était trop sombre : les visages, les couloirs...  Elle enfouie son visage dans ses mains.  Elle aurait pu restée comme ça des heures, dans la position immobile de l'élève anéantie, si des bruits de pas n'avaient pas attiré son attention. Doucement, elle écarta ses doigts et regarda l'allée, à la recherche de la personne qui venait ainsi troubler sa tranquillité.

L'élève marchait avec nonchalance, comme si le reste du monde n'avait plus aucune importance. Lina releva son visage pâle et dévisagea l'être vivant que si dirigeait vers elle. C'était une jeune femme, de la maison Serpentard et la jaune et noire ne put s'empêcher de sourire en reconnaissant la sorcière qui semblait marcher droit vers elle. Ses cheveux fuligineux semblaient flotter autour d'elle, rebondissant légèrement à chacun de ses pas, formant une  aura mystérieuse, étrange, qui en avait éloigné plus d'un. Elle était belle et ne ressemblait à personne d'autre ici. Lina était trop loin pour les voir, mais elle devinait déjà ses yeux de la même couleur que l'ambre, et leur reflet doré. Elle se rappelait encore de l'odeur de son amie. C'était un diamant brut, une catastrophe naturelle : incontrôlable, et pendant un peu plus de deux mois, Lina lui avait appartenu. Quelque part, heureusement que leur relation, sans amour, n'avait pas durée plus longtemps, parce que si jamais Lina avait dû tomber amoureuse, elle aurait été jusqu'au bout du monde pour cette fille. Comment aurait – il pu en être autrement ?

Enfin, la farouche verte et argent quitta l'ombre des colonnes et arriva juste devant la voyante qui l'accueillie avec un sourire franc et une petite étincelle dans le regard. La personne qui se tenait devant elle faisait très certainement partie de ses plus beaux souvenirs et de sa plus belle surprise, car jamais elle n'aurait pu croire qu'une personne de son acabit puisse s’intéresser à une fille aussi simple et douce de la maison Poufsouffle. Et pourtant, la véritable tornade qu'était la brune aux yeux dorés, avait daigné poser son regard brillant sur elle. La préfète se rendit alors compte à quel point elle était restée éloigné de sa camarade. La Serpentard portait elle aussi les stigmates de leur rentrée à Poudlard. Leurs jours, à toutes les deux, étaient devenus bien sombres, et leurs cœurs s'étaient endurcis. Lina lui tendit la main, à la fois pour l'inviter à s’asseoir près d'elle, mais aussi pour l'empêcher de basculer dans le gouffre, où elle – même craignait parfois de tomber.

« Heather... »

La main tiède de la Serpentard aurait consolé n'importe quel être vivant sur cette fichue planète et même sur d'autres. Lina se déplaça de quelques centimètre pour permettre à sa camarade de s'installer correctement, puis elle tourna son visage vers elle, sans lâcher sa main. Un silence s'installa entre elle, mais il était le bienvenu. Il n'avait rien de lourd, ou d'intimidant, il n'était pas dû à un indicible : au contraire, il précédait quelque chose de l'ordre de la confession. La préfète avisa le fantôme du sourire d'Heather, mais nota que son regard était doux, comme un coucher de soleil. Ils n'étaient pas nombreux ceux qui y avaient eu droit. Pendant un instant, Lina se sentit terriblement privilégiée, sans se douter une minute que l'élève de Salazar Serpentard revoyait le corps de son amie torturé par de la Magie Noire

« Est-ce que tu vas bien ? Quand je t’ai vu dans la grande salle l’autre soir, lors du cours...,  Je me suis inquiétée »  

Lina planta ses incisives dans sa lèvre et fronça les sourcils. C'était bien la dernière chose qu'elle avait souhaité. Avec une certaine délicatesse elle serra les doigts fins d'Heather. Elle aurait voulu lui dire qu'elle allait bien, qu'il en fallait plus pour l'abattre, la rassurer, trouver les mots. Mais en fait, elle se sentait comme une funambule, en équilibre sur une corde, prête à basculer et à s'enfoncer loin dans les ténèbres. Elle tenait le coup, c'était vrai, mais elle était épuisée, constamment au bord des larmes, à la fois en colère contre le monde entier et infiniment triste aussi. Parfois, elle était secouée par un peu d'espoir et pendant quelques heures, les choses allaient drôlement mieux et elle s'autorisait à passer une bonne journée. Le moment le plus compliqué en fait, était celui qui précédait l'endormissement, quand ses craintes, ses pensées l'attaquaient et qu'elle se tournait dans son lit en cherchant un sommeil qui tardait à pointer le bout de son nez. Mais comment expliquer tout cela à Heather... Heather qui avait admis s'être inquiétée, qui s'était dévoilée.

La sorcière ferma les yeux quelques secondes. Après le fameux Cours Magistral des Carrows, Lina avait eu l'impression que l'école s'était divisée en deux clans : ceux qui la prenait pour une idiote – la brave petite Poufsouffle écervelée qui s'était fait remarqué au lieu de sauver sa peau comme tout le monde. Et ceux qui s'étaient fait du soucis pour elle, éventuellement parce qu'ils la connaissait un peu mieux ; ils savaient qu'elle n'aurait jamais laissé une enfant payer les pots cassés d'un régime totalitaire sans queue ni tête. Pourtant, la voyante s''émancipait d'elle – même de ces deux courants. Elle n'avait pas voulu venir en aide à un innocent. D'ailleurs, elle aurait très certainement fini par jeter  elle aussi le maléfice de Doloris sur son camarade. Non. La personne qu'elle avait voulu sauver, c'était Andrée et seulement Andrée. Lina était incapable d'affirmer avec certitude qu'elle aurait pu agir de la même façon pour quelqu'un d'autre... Elle n'était donc pas mieux que les autres... La seule différence, c'était qu'elle lui avait promis d'être là pour Andrée, de la protéger. En vérité, elle n'avait pas réfléchi une seule seconde. Son corps avait bougé avant même que l'idée de s'interposer entre elle et Lysander ait eu le temps de surgir dans son cerveau. Quelqu'un de plus sensé aurait sûrement pris le temps d'analyser un peu plus la situation, d'envisager les conséquences... Lina avait agit comme une louve, son instinct avait eu le dessus s,  faisant fi de tout ce qui pourrait suivre. Elle avait fait ce qui lui semblait juste. L'amour l'avait poussé à l'acte.

La jeune Poufsouffle haussa les épaules et baissa le regard. Après avoir été accompagné jusqu'à l'estrade par Andreas Rowle, elle était restée dans une brume épaisse. En fait, elle ne se souvenait que de peu de choses : le visage d'Andrée, l'odeur de vomi dans ses cheveux, qui semblait – il était restée plusieurs jours, les hurlements,... Mais les éléments ne paraissaient plus être reliés dans son esprit. Cette soirée n'était plus qu'un flou artistique. Elle n'avait pas vu Heather, ou les autres être tortionnaires ou torturés. Elle ne s'était réveillée qu'au moment de la sentence sur l'estrade. Lina n'avait pas la moindre idée de comment les choses avaient pu se passer pour les autres.

« J'ai connu des années scolaires plus agréables. Lina lâcha un petit rire ironique, plus pour elle – même que pour Heather : tout compte fait, elle n'était pas sûre d'avoir eu une année scolaire dite normale dans cette école...  Mais je vais bien. La jaune et noire laissa un sourire se glisser sur ses lèvres, elle voulait rassurer l'élève de Salazar. Et somme toute, Lina estimait qu'elle s'en sortait plutôt bien finalement, mais c'était peut – être lié au fait que la main chaude la Serpentard serrait encore la sienne. Sur le coup, j'ai cru que je m'en remettrai pas, mais finalement il y a... Le quotidien et tout le reste. Alors on tient bon. Ou on fini par le croire.... Et toi ? Elle fronça ses sourcils et sa mine se fit un peu plus sévère. Si recevoir un maléfice de ce genre n'est pas anodin... Le lancer n'a rien de facile non plus... »

Elle essaya vaguement de visualiser la scène, de revivre ce moment, de tirer les rideaux de sa torpeur pour chercher Heather dans la Grande Salle. Avait – elle réussit à torturer l'élève en face d'elle ? Lina espérait que non. Parce que la sorcellerie était ce qui l'animait, la passionnait, la Préfète avait effectué de nombreuses recherches sur les différentes magies, leurs aspects, leurs conséquences, aussi. La voyante savait que ce genre d'acte, obscur, pouvait laisser des marques indélébiles sur l'esprit et parfois même sur l'âme d'un sorcier. Sans s'en rendre compte elle agrippa un peu plus les doigts d'Heather : ce petit bout de réalité qui en cet instant lui permettait de rester dans le monde présent.

Lina approuva d'un signe de tête. Ne pas jeter le sortilège aurait pu coûter très cher à Heather, mais la jeune sorcière était rassurée de savoir que sa camarade n'avait pas réussi à utiliser le maléfice : c'était pour la voyante la preuve ultime de la bonté de cœur d'Heather et Lina été rassurée de savoir que jamais l'âme de son amie ne serait souillée par un acte de magie noire aussi abominable... À tel point qu'elle ne pu s'empêcher de sourire devant l'ironie de la verte et argent. Effectivement, son statut, très enviable, d'élève de la maison de Serpentard lui conférait de nombreux avantages. Les Carrow se rendaient plus indulgents – il aurait été exagéré de dire qu'ils avaient confiance en eux – et les punitions étaient souvent plus légères. Des élèves comme Crabbe était même carrément privilégiés, puisque leurs parents étaient reconnus comme Mangemorts.
Lina pinça les lèvres. Plus le temps passait et plus elle sentait une rage sourde monter à l'intérieur d'elle. C'est tout juste si elle remarqua la main légère d'Heather sur son épaule. Non, la future Nuncabouc ne pensait qu'à cette guerre ignoble, à tous les crimes commis en son nom, à la façon dont on traitait ses camarades. Elle était révolté que le château salit par des actes aussi barbares. Depuis le cours magistral, il était arrivé à plusieurs reprises que Lina ressente une haine sans nom envers le monde entier : le Mage Noir lui – même, les Mangemorts, tout ceux qui refusaient d'agir,...  Dans ces moments – là, la sorcière se faisait particulièrement peur. Elle avait l'impression que rien sur cette terre ne saurait arrêter cette folie destructrice qui coulait désormais dans ses veines. Son regard se durcit un peu et elle serra la mâchoire. Dans quelques temps, elle rejoindrait les dortoirs insalubres des Nuncaboucs. Elle devait sûrement se satisfaire du délais qui lui avait été accordé, elle avait encore un petit mois devant elle, mais pour l'instant la jeune femme en était incapable. Elle regardait avec angoisse ses camarades sans couleur, sans maison, se contenter des restes des repas précédents, le regard hagard, l'air affamé. Petit à petit, ils perdaient leur humanité. Cette idée la faisait vomir. Elle se doutait bien que puisque sa punition était temporaire, elle allait moins souffrir, mais eux étaient condamnés et ça, Lina ne le supportait plus.

Son corps n'était plus qu'un amas de chair gonflé par la rage.

« Ce n’est rien comparé à ce que tu as vécu. Lina… Tu n’as pas besoin de me dire que tu vas bien si ce n’est pas le cas. Tu n’as pas besoin de paraître forte avec moi. Tu sais que je serai toujours là pour toi, n’est-ce pas ? »

Oh Heather, sa belle et merveilleuse Heather, malmenée par la vie et pourtant toujours présente. Elle était comme un raz – de – marée, elle pouvait vous emporter dans son monde, ou vous détruire, au choix. Et pourtant, elle était là, aussi douce que les vagues pleines d'écumes d'une mer tranquille et Lina savait bien que ce n'était pas si facile pour elle de faire preuve d'autant de délicatesse, de douceur. La verte et argent se révélait enveloppante, protégeant ainsi la Poufsouffle de ses néfastes émotions. Lentement, elle hocha la tête en faisant oui de la tête, tentant de refouler les larmes qui s'acharnaient à vouloir mouiller ses longs cils noirs.

« J'ai l'impression d'être à bout de souffle, d'étouffer, de me noyer tellement je suis... Ivre de rage. Elle s'arrêta un instant, haletante. Je vais perdre ma baguette. Cette idée, surgissant de nul part, la remplit d’effroi. Ils allaient essayer de la contenir, de l'empêcher de pratiquer ce avec quoi elle était né. Ses lèvres se mirent à trembler. Mais au – delà de la punition, c'est cette situation que je ne supporte plus. J'ai l'impression que rien ne pourra m'apaiser, y compris gagner cette guerre... Tout ce que je ressens, tout... Me dépasse »

Voilà. Fait extrêmement rare, Lina avait daigné se confier. Mais elle n'avait pas peur, elle connaissait la Serpentard et avait confiance en elle. D'ailleurs sa camarade faisait parti des rares personnes à être au courant pour son « Troisième Œil » et elle ne l'avait jamais trahie. Elle leva ses yeux couleur émeraude vers Heather et se demanda ce qu'elle pouvait bien renvoyer comme pathétique image à sa camarade. Elle se savait en détresse, et sûrement que les quelques larmes qu'elle tentait de retenir véhiculaient cette idée. Mais elle n'était aussi plus que colère et déception. Elle avait l'impression de perdre petit à petit tout ce qui la caractérisait en tant que Lina Hecate Kaveline : sa joie de vivre, son côté pétillant, sa douceur, l'amour qu'elle éprouvait pour les autres,...  Est – ce que les Carrow et par extension les Mangemorts étaient capables de lui prendre tout ce qui faisait d'elle l'être qu'elle était ? Et si oui, était – elle capable de leur résister ? La sorcière se sentait comme une funambule mal entraînée entrain de marcher sur un fil sans la moindre protection en cas d'erreur, de chute. Elle craignait de basculer d'un côté ou de l'autre puis d'être incapable de sortir la tête de l'eau. Elle bascula la tête en arrière, laissant son épaisse chevelure noire cavaler le long de son dos et inspira à fond. Remplir ses poumons d'air avait quelque chose de douloureux. La paix intérieure précaire qu'elle avait réussi à obtenir il y a quelques années l'avait quittée quand Rowle l'avait abandonnée sur l'estrade et elle venait tout juste de s'en rendre compte. Elle aurait voulu se raccrocher à Heather, comme à une bouée, mais elle n'était même pas sûre que sa fidèle amie puisse la protéger d'elle – même, ou en tout cas de la part sombre qui l'habitait désormais.

Le regard inquiet d'Heather enveloppa Lina. Maintenant qu'elle y pensait, la sorcière n'avait jamais vu sa camarade la regarder de cette manière : la voyante devait avoir l'air bien pathétique pour mériter une telle attention. Les doigts de la Serpentard se laissèrent tomber avec grâce, jusqu'à la main froide de Lina. Heather joua avec les doigts de son amie, d'abord en silence, traçant des rivières invisibles sur la peau blanche de la Poufsouffle. Cette dernière ferma les yeux, tenta d'apprécier l'initiative, le geste qu'Heather s'était permit était comme une bouée qu'elle avait lancé dans l'océan et Lina s'y accrocha avec force. Elle avait une famille, des amis, des gens qu'elle aimait, elle se devait de tenir bon, envers et contre tout. Grâce à son père, qui connaissait quelques langue – de – plombs, des employés du Ministère attachés au Département des Mystères, la sorcière savait qu'il y avait une pièce toujours fermée, parce qu'extraordinairement puissante, et que cette pièce était celle de l'amour. L'amour, était plus puissant que la Haine. Lina l'avait compris il y avait de ça bien longtemps. La rage conférait une certaine forme de puissance, c'était vrai, mais il s'agissait là d'un pouvoir éphémère, même s'il dépassait l'entendement. La jeune femme secoua la tête. Elle irait chez les Nuncaboucs pour seulement un mois. Elle pourrait se rendre utile en ayant un pied à l'intérieur du dortoir, ce serait plus facile pour transmettre les potions de la Mission Botanique. Et puis elle pourrait aussi s'occuper des premières années inscrits de force dans cette ignoble maison. Oui. Voilà, elle ferait ça. Et comme si elle avait lu dans ses pensées, Heather appuya cette nouvelle résolution.

« Tu ne dois pas perdre ton humanité pour cette guerre. N’oublie pas qui tu es Lina, n’oublie pas toute la gentillesse que tu portes en toi, n’oublie pas ce qui fait de toi cette Poufsouffle que j’apprécie tant, Un jour, cette guerre se terminera et bien qu’on en portera les cicatrices, ce sera du passé, mais si tu laisses cette rage te contrôler... Tu finiras comme moi et je refuse de te voir vivre que pour la haine que tu ressens présentement ».

Si les premières phrases de son amie consolèrent profondément Lina et la touchèrent, les derniers mots d'Heather, eux, étaient glaçants. La sorcière écarquilla légèrement les yeux et entrouvrit la bouche. Ce fut à son tour de serrer la main de la jeune Serpentard. Elle se rappela avec un soin tout particulier les heures volées dans le château qu'elles avaient passé ensemble. Et Lina se souvenait des marques sur la peau nue de son amie. Si Lina avait osé un regard interrogateur, elle n'avait jamais eu le courage de poser franchement la question. D'abord parce qu'elle se doutait de la réponse, mais par crainte aussi de blesser son amie, de la voir se mettre en colère et de la perdre. La Poufsouffle n'en avait jamais voulu à Heather de refuser de se confier : ce secret à moitié dévoilé dans le silence et les caresses adolescentes lui appartenait. Tout ce que Lina savait, c'était que ce corps martyrisé était à l'origine de la rage, toujours latente, de son amie. Heather essayait tant bien que mal de se dépatouiller de ce sentiment, mais il était accroché à son âme et se nourrissait d'elle comme d'un parasite. Cependant, la jaune et noire ne pensait pas qu'il était trop tard. Elle avait foi en l'avenir, en Heather et elle refusait d'imaginer de sa chère camarade soit condamnée.

« On en a jamais vraiment parlé... »

Elle avait parlé avec douceur, comme pour ne pas réveillée une vieille douleur. Elle chercha les mots, mais tous ceux qu'elle trouvait sonnaient désespérément vide. Et puis elle avait l'impression qu'il y avait quelque chose de l'ordre du tabou dans l'histoire de la Serpentard, quelque chose à taire, alors même que les séquelles de ce secret étaient parfaitement visibles. Oh, si seulement elle avait pu exorcisé le mal d'Heather à l'aide d'une formule magique, elle l'aurait fait sans hésiter. Lina expira profondément, un peu d'air frais s'engouffra dans la cour intérieure et vint s'agiter dans les chevelures couleur corbeau des adolescentes. En souriant, la Poufsouffle replaça avec patience les mèches décoiffées d'Heather. Une fois la coiffure remise en place, Lina reprit un air un peu plus sérieux, plus adapté à ce qui allait suivre.

« Je ne te laisserais pas tomber Ivy, peu importe ce qu'il se passe dans ta tête, ce que tu désires... Je reste avec toi ».

C'était une promesse de fidélité, et pour marquer cet instant, Lina avait choisi d'appeler sa camarade par son deuxième prénom. C'était une vieille habitude que la sorcière avait prise, une façon de dire que la Serpentard était spéciale. Heather, c'était celle que tout le monde voyait, alors qu'Ivy, c'était cet être mystérieux qui posait parfois sa tête sur les cuisses de Lina, pour se reposer de la ronde infernale du reste du monde.
Alors voilà, maintenant, les choses étaient établies, grâce à cette promesse solennelle. Heather pourrait, si elle le souhaitait, lui faire part de tout ce qu'elle voudrait. Lina resterait à ses côtés pour l'épauler, elle serait là, malgré l'éventuelle noirceur des idées de la Serpentard. L'ancienne Préfète voulait faire comprendre à sa camarade qu'elle n'avait plus besoin de se cacher : même si elles n'étaient plus ensemble, même s'il n'y avait jamais eu de véritable amour entre elles, Lina était là, plus que jamais.

« Il n'y a rien dire »

La sorcière, qui portait encore les couleurs des Poufsouffles piqua un petit fard en baissant les yeux. Lina venait de frôler une plaie qui manifestement n'était pas cicatrisé et Heather le lui rendait bien : sans méchanceté, mais avec une fermeté à toute épreuve. La voyante ne lui en voulait pas. La Serpentard était ainsi faite et Lina l'avait toujours su, c'était d'ailleurs ce qu'elle adorait chez sa camarade, cette drôle de mosaïque, sa complexité, sa fougue, la douceur dont elle pouvait faire preuve, parfois. La verte et argent pouvait être à elle toute seule le plus grand des paradoxes. C'était un charmant petit défaut qui la rendait tout à fait exceptionnelle.

« Pardon. J'ai mauvais caractère, je sais... »

Un brin de malice se glissa dans le regard attendri de Lina. C'était ce soit disant mauvais caractère qui avait fait flanché le cœur délicat de la blairelle. Mais l'étincelle ne dura pas. La bouche de la jeune femme se fendit quand Heather évoqua les cicatrices, les marques, parfois les bleus encore frais que Lina avait constaté avec chagrin. Le vent les entoura, la voyante frissonna, sans s'en rendre compte. Elle ne voyait que les cheveux d'Heather, ses yeux noisettes – parsemés de quelques éclats dorés, selon la lumière – et la sombre aura qui l'englobait parfois. Elle aussi était au bord du précipice, pour des raisons bien plus atroces qu'un vulgaire Doloris dans la Grande Salle. Sa camarade était un être ravagé qui tentait de survivre coûte que coûte.

« Je ne te laisserais pas tomber Ivy, peu importe ce qu'il se passe dans ta tête, ce que tu désires... Je reste avec toi »

C'était le mot de passe, la clef de leur relation.Dès qu'elle l'avait appelée par son deuxième prénom, Lina senti une vague d'amour s’emparer d'elle. Quelque chose de fort et de profond. Elle désirait plus que tout être présente pour son amie et ce fut avec un doux plaisir qu'elle accepta que le bras de sa camarade au visage pâle s'enroule autour de ses épaules.

« Merci d’être là. Tu vois... c’est cette partie de toi qui ne doit pas disparaître. Jamais. Et ça, malgré tout le bordel qu’il peut y avoir dans ce foutu château ».

Ce phrasé qui n'appartenait qu'à elle ! Un petit rire s'échappa de la gorge de Lina. Oui... Oui elle pouvait faire ça. Elle pouvait rester généreuse et bonne, pour Heather, pour Andrée, pour tout ceux qui avait une place dans son cœur, ses parents et pour Octave, en dépit de toute la dureté dont il faisait preuve à son égard. Mais en cet instant, tout ce qui comptait, c'était le petit corps chaud à ses côtés. Du bout des lèvres, Lina frôla la joue d'Heather.

« Tu parles d'un bordel... Heureusement que tu es là, surtout aujourd'hui ».

Elle appuya son front contre la tempe d'Heather. Près d'elle, Lina arrivait à repousser ses angoisses dans le lointain, mais leurs ombres restaient là. Quelque chose de grand était entrain de se dresser face à elles deux, face au monde. Celui – Dont – On – Ne – Doit – Pas – Prononcer – Le – Nom était là, plus dangereux que jamais et la guerre qui avait commencé n'était pas à leur avantage. Qu'allait t – il se passer si les Forces du Mal devaient l'emporter sur tout ce qu'il y avait de bon dans ce monde ? Et si Lina n'avait plus jamais l'occasion de sentir le parfum d'Heather, ou d'entendre sa voix ? Son cœur se mit à battre un peu plus fort au fond de sa poitrine. Il aurait forcément des victimes, des accidents. Même ici à Poudlard, ils risquaient gros. La Poufsouffle repensa à la Nuit de Souffrance... Ils risquaient également leur vie : l'école ne leur garantissait aucune sécurité.

« Tu penses qu'on va s'en sortir ? Tout est tellement obscur et dangereux ici... »

Lina était terrifiée, pourtant, la peur ne grignotait rien de l'engagement qu'elle avait pris, vis à vis d'Heather, de rester là pour la soutenir, mais aussi concernant la Résistance. Plus que jamais, il fallait se battre, pour préserver des petits moments de paix comme elle le vivait présentement. Elle se serra un peu plus contre sa camarade, se nourrissant de sa chaleur, de la sensation de force qu'elle lui apportait, tout en espérant lui en rendre autant sinon plus.