Irina marchait vite dans les couloirs menant à la salle commune de Serpentard. La jeune Collins trifouilla au fond de sa poche.Elle en sortit un long flacon contenant un liquide doré qui capturait les lueurs ambrées des chandeliers. Irina mit son capuchon sur sa tête. Elle croisa le baron sanglant. Argh! Elle décida de faire volte-face et de prendre la direction opposée. La jeune Serpentarde avait horreur de ce fantôme. Elle serra fort le flacon entre ses doigts. Elle se l'était procuré grâce à un ami, qui était en sixième année et qui avait étudié la Felix Felicis aujourd'hui. A première vue, ca en avait tout l'air, mais avec lui ,mieux valait se méfier. Car Elohim était un sacré roublard quand il s'y mettait, et malheureusement Irina n'y échappait pas. Passons. La serpentarde frissonna intensément. Dieu, qu'il faisait froid dans le coin. Elle entendit un "ploc" pas loin. Elle savait que les cachots figuraient en dessous du lac, et, par conséquent, les murs se trouvaient "redécorés" avec de la vase et autres traces de moisissures. Irina fronça le nez en sentant une vague odeur de renfermé. On ne mentait pas quand on disait que les cachots étaient lugubres. Au moins, ce n'était pas une vraie fournaise l'été, comme dans certaines salles communes. Et puis elle voulait trouver Elohim pour lui poser des questions à propos de cette fameuse Felix Felicis.

Bye Bye Beautiful, Die Die Beautiful...Bye Bye Beautiful, Die, die Beautiful, na na nana...

La jeune femme s'humecta les lèvres en passant légèrement sa langue dessus, puis elle continua son chemin. Miss Collins était vêtue d'un jupon blanc en tulle, par dessus un autre jupon, plus long qui était noir. Le tout lui arrivait aux genoux. Elle portait des chaussures montantes noires dont les lacets étaient complètement défaits et la languette sortait, révélant des chaussettes rayées. Elle portait aussi un haut noir, assez décolleté et une veste en cuir et des mitaines noires. La jeune femme impressionnait par son apparence, mais au fond, elle aimait bien les assemblages étranges. Elle avait ses yeux maquillés en noir et ses cheveux étaient attachés bien serrés en un chignon impeccable. Elle portait trés peu d'accessoires, hormis un collier avec des pics et une bague au pouce. Elle avait son sac en bandouillière. Et là, elle était en train de sautiller partout, comme si elle venait de boire cette fameuse Felix Felicis. Elle avait juste envie de s'éclater et de chanter. Enfin. De brailler.



Elle pensait à des tas de gens. En particulier à une certaine personne. Mais Bon sang, que venait faire Cennyd présentément? Elle s'efforça de penser à autre chose. Elle se remit à fredonner

Bye Bye Beautiful, die die beautiful...

Elle bifurqua dans un couloir, son flacon de felix felicis à la main et elle s'exclama soudainement

Mais qu'est ce que?!?

Bye Bye Beatiful...Die...Ha! Trés vite, Irina s'était arrêtée de chanter. Elle avait entendu des pas venir de par là bas, et elle s'était retournée vivement, ses yeux opale scrutant l'oppressante obscurité des cachots. Un endroit bien glauque pour une salle commune. Sous le lac en plus. Mmh, ce n'était pas franchement le bon plan. Personnellement, Irina aurait préféré avoir la salle commune dans une crypte. L'endroit était certes lugubre à souhait, mais au moins il n'y aurait pas de vase qui feraient moisir les tapisseries et ce relent d'eau croupie. L'air était bien moite comparé aux autres endroits du château, et en plus il faisait particulièrement frais. Irina repoussa une mèche de cheveux noirs qui s'était invitée sur son front blême. Droite comme un I, elle fixa son compagnon, d'un regard neutre, plus froid qu'amical, mais tout de même inexpressif. Il n'avait pas à attendre de sa part un geste de tendresse, ou un mot d'amour. Il ne les aurait pas. Il pouvait quémander un câlin, elle ne le lui accorderait pas. La demoiselle n'était pas du genre à s'exprimer, de quelque manière que ce soit. Là où les autres filles étaient tendresse et amour, elle n'était que froideur et mépris. Elle ne méprisait pas Cennyd, mais en ce moment même, elle n'éprouvait pas la plus grande sympathie à son égard. Que lui avait t'il fait présentément? Rien. C'était d'ailleurs bien ce qu'elle lui reprochait, quoique non, elle aurait préféré croiser quelqu'un d'autre. Genre sa cousine, mais bon. Majie devait être en train de vadrouiller quelque part, en train de terroriser des élèves de première année un peu trop turbulents. Elle lui jeta un regard noir (comme si c'était lui le fautif de son état mental) et elle le toisa de haut en bas, avant de répondre froidement.

Pas vraiment une tenue pour déambuler dans les couloirs. Ca fait à peine pas sérieux.

Eh oui, Irina n'était pas aimable aujourd'hui. Qu'est ce qu'on y pouvait? La secrète Serpentarde avait des choses à cacher, et pas des moindres. Elle savait trés bien ce que Cennyd venait trafiquer dans le coin. Elle savait pertinemment qu'elle était une monnaie d'échange entre lui et Majandra, et elle savait que le fait de la fréquenter gonflait royalement la préfète en chef. C'était ça, la guéguerre entre Cennyd et Majandra. L'un essayait de continuait de faire continuellement suer l'autre, et vice versa, impliquant malencontreusement la jeune Irina dans la magouille. Mais si il comptait soutirer des renseignements sur Majandra, il pouvait toujours courir. Car présentément, ce n'était pas l'aînée des Collins qui avait des choses à cacher. Mais on devait regarder chez la cadette. Parce que c'était la petite Irina qui avait des choses à cacher. Plus encore, depuis qu'elle avait (malencontreusement) tué Davis Burningham aprés avoir pris plaisir à le torturer.

En passant, juste comme ça, tu n'aurais pas vu Elohim? Le meilleur pote de Jovovitch. Tu sais, le blondinet trés séduisant qui m'a refilé ce flacon? J'ai deux mots à lui dire...

Et plus si affinités. Mais ça, elle le garda pour elle, alors qu'un léger sourire moqueur vint étirer ses lèvres, animant un tant soit peu son visage figé. C'était vrai, en plus! Pour une fois qu'elle ne bluffait pas! Mais l'ironie venait, une fois de plus, de poindre dans ses propos. C'était juste "blondinet trés séduisant" qui était ironique. Certes, Elohim Graham ne manquait pas de charme, et c'était vrai qu'il était plutôt séduisant, mais c'était un goujat, et Iri était foncièrement contre les salauds, de tout poil. Si elle avait envie de se le taper, elle le ferait. Mais, non. Ca serait trop facile. Graham réclamait son fric, pour sa camelote. Irina fronça les sourcils, qui vinrent se joindre en un unique "V", qui dénotait sa contraritété. Ce roublard l'avait eue. Il lui avait promis que l'échantillon était gratuit. Il n'avait pas précisé d'où il venait, ce flacon, donc c'était légèrement suspect. Mais Irina l'avait pris, sachant pertinemment qu'elle risquait d'être trompée. Et il s'est éperduement foutu d'elle. Maintenant, il réclamait son argent. Rien que cinq gallions pour un truc qu'elle aurait pu faire toute seule. Mais il pouvait aller se faire voir!

En passant, Tu peux lui dire que si il veut son fric il n'a qu'à venir le chercher lui même. J'suis même prête à le payer en nature tiens!

Quand elle était de mauvais poil, Irina ne pouvait s'empêcher d'être agressive, enfin plus que d'habitude. Et de vexer des gens qui n'étaient pas impliqués dans ses magouilles. Par exemple, elle ne se demandait pas si Cennyd n'y verrait pas d'inconvénients à ce qu'effectivement, elle faisait un mot de ce qu'elle avait l'intention de faire. Peut être qu'il aurait envie de la garder pour lui. Mais ce n'était pas son problème. Comment s'y prendrait Paula si elle était confrontée à une telle situation? Elle ne serait déja pas dans cette situation là. A la base, donc bon. Mais tout problème appelait une solution, ainsi, quand Irina, à la fin de ses récriminations, entendit Cennyd lui répondre que la réponse à sa série de questions était non, elle arqua un sourcil, encore plus quand il l'appela Beautiful. Elle le fusilla du regard, serra le flacon entre ses doigts, et elle marmonna.

Qui te dit que ces mots t'étaient adressés? Commence par comprendre ça avant de comprendre autre chose.

Elle devait lui dire autre chose, mais quoi? Irina se creusa un peu plus les méninges. ah...Oui! Pink Sky. Elle déclara d'un ton sans émotion.

Au fait, tant que j'y pense, ne m'attends pas tout de suite pour le bal. Je joue avec Pink Sky en première partie.

Au moins, ça avait le mérite d'être clair.

[HJ: Désolée d'avoir mis autant de temps à répondre, j'ai honte. Je passe le topic en Novembre, et si le comportement d'Iri' te paraît bizarre, c'est à cause de ce que tu sais XD Non, mais j'ai fait un post plus long pour me faire pardonner. J'espère que ça ira ^^']

Bouh! Vous avez eu peur, hein? Bah non, c'était du chiqué. Il n'y avait pas de quoi avoir peur, pourtant, me diriez vous? Vous avez tout à fait raison. Il n'y avait pas de raison d'avoir peur. Les cachots pouvaient paraître lugubres pour les néophytes, mais pour des élèves de Serpentard, cet endroit était normal, des plus normaux. Certes, le château ne regorgeait pas d'endroits aussi bizarres que celui là, mais ce n'était pas dramatique. Au moins, Peeves ne s'aventurait pas dans le coin, tenu en respect par le Baron Sanglant, le seul fantôme qui avait l'autorité sur l'esprit frappeur. D'un côté, qui ne serait pas impressionné par le Baron Sanglant? Il était vraiment répugnant, et si on tombait dessus un soir de nuit noire, un vendredi, le lundi suivant, on courait encore! No way! Ce fantôme là ne figurait pas parmi les préférés d'Irina. Le pauvre! Pourtant, il ne lui avait manifesté aucune espèce d'hostilité, il se contentait d'aller et venir en leur lançant parfois des regards tristes. Si il n'avait pas paru aussi...impressionnant, il ferait presque pitié. Brrr! Irina renvoya la vision cauchemardesque du Baron Sanglant au fond de son esprit.

Vous voyez, il y a plusieurs moyens de prouver qu'on se fiche totalement d'une personne. La première est bien sûr de manifester quelques signes évidents de mépris. Mais c'était une perte de temps, mais surtout d'énergie. Comprenez que lever les yeux au ciel ou de soupirer bruyamment et ostensiblement requiert beaucoup d'énergie. Il y a alors, une seconde solution. Quelle est t'elle? Simplement de penser à autre chose pendant que l'autre nous parle. Pas besoin d'être bon comédien pour avoir l'air absent et le regard vide. Suffit juste de...penser. Encore faut t'il penser. En pensant au Baron sanglant, Irina venait de manifester tout son intérêt à l'égard de la conversation qui se déroulait. Cet échange vif de propos ironiques et piquants n'était pas extrême, et il fallait avouer qu'elle s'ennuyait, car ça manquait cruellement d'action. Irina songea à sa baguette magique restée dans le dortoir des filles. A ses grimoires sur sa table de nuit. A son livre d'étude des Runes anciennes. Aux cours, quoi. Non, pas au professeur Binns. Les cours d'histoire de la magie étaient aussi passionnants qu'un épisode mettant en scène l'inspecteur Derrick.

Prendre ta douche? Oh, j'imagine avec ta nouvelle groupie? J'en ai vu plein tout à l'heure. Elles gloussaient comme des pimbêches.

Irina se contenta de hausser les sourcils, puis elle fit un geste dédaigneux. Elle tira légèrement la langue, et son visage reprit son habituel air figé, indéchiffrable. Irina jeta un regard à ses mains. Ses ongles étaient recouverts d'une couche de vernis noir, et elle avait vraiment beaucoup d'anneaux aux doigts. Elle aimait bien ses babioles. Elle regarda à nouveau Cennyd droit dans les yeux. Alors comme ça elle était aigre, jalouse et impolie? Elle marmonna à mi voix, pour elle même.

Lamentable. Elles ne sont même pas capables de se comporter avec dignité.

Puis elle décida de prendre elle même les choses en main, même si au fond c'était peut être ça qu'il attendait. Elle fit un pas de plus vers lui, puis elle lui referma ses boutons, sans douceur. Elle ne mit pas plus de délicatesse à renouer sa cravate, serrant peut être un peu fort. Et, le tenant toujours par la cravate, elle lui murmura tout près de son oreille.

C'est moi qui définis les règles du jeu, darling. Tu oublies que j'ai toujours ce que je veux.

Elle était une tricheuse et elle l'assumait parfaitement. Ca, c'était pour se venger. Du fait qu'il l'ignorait délibérément, escorté par sa nonchalance qui en devenait presque exaspérante. Irina savait, que, pendant l'heure à venir, elle n'en resterait pas à ce seul coup bas. A mesure que le jeu se corserait, elle devrait faire preuve de plus de tactique. La cinquième année se renfrogna. Si il trichait, elle tricherait aussi. Il n'y avait pas de raison. Son sourire s'élargit encore quand il lui annonça qu'il transmettra le message.

Merci bien.

Elle rangea le flacon de Felix Felicis dans les plis de sa robe. Elle écarta une mèche de cheveux de son front blême, puis elle posa à nouveau ses mains sur ses hanches. Graham était connu pour arnaquer tout le monde, tu m'étonnes aprés que pas beaucoup lui parlaient...Un nombre réduit de personnes étaient suffisament masochistes pour aimer être arnaqués, en fait, ces personnes là étaient cruellement semblables aux filles qu'Irina a croisées tout à l'heure, et qui gloussaient, comme des débiles. Quand Cennyd lui chanta sa chanson, elle ne réagit pas. Qu'il chante! Elle croisa les bras sur sa poitrine. S'appuya contre le mur opposé, un pied posé contre les pierres, l'autre bien ancré au sol.

Je ne crois pas qu'on va rester comme ça pendant trois plombes à se regarder dans le blanc des yeux, pas vrai?

Au fond de ses yeux clairs, venait de s'allumer une lueur de triomphe, mêlée à une lueur sournoise. Il fallait se méfier de l'eau qui dort. Ce n'était jamais de bon augure quand elle se taisait, regardant les gens ainsi.

Ah. Elle était bien forte pour mépriser. On pourrait même dire qu'elle était championne. Le mépris, chez elle, c'était un sport national. Elle s'en sortait toujours ainsi. Mais l'adolescent en face d'elle s'en fichait éperduement qu'elle pouvait le mépriser. Il était trop...orgueilleux pour ça. C'était navrant. Mais c'était ce qui faisait son charme. Irina se demandait pourquoi ils en étaient venus à sortir ensemble. OK, ils se ressemblaient sur certains points, ils flirtaient à droite à gauche et finissaient, automatiquement, par se retrouver. Mais c'était tout. Elle ne le connaissait que trop peu, à vrai dire. Elle ne savait rien sur lui. De même qu'il ne savait rien sur elle. Et qu'il n'en saurait jamais rien. Irina posa sur lui un regard indifférent. C'était leur jeu. Son jeu à elle. Elle passait son temps à le repousser. A le fuir, à essayer de se persuader qu'elle était libre. Mais lui la voulait elle. Qui aurait pu dire que douze ans plus tard, aprés bien des années de séparation, ils en seraient toujours au même point? au point qu'elle le repousse sans cesse, pour qu'il se rapproche davantage? Autrement dit, qu'ils joueraient au chat et à la souris? Personne. Mais les faits étaient là. Mais j'anticipe un peu trop. Revenons à notre époque. 1995. Irina avait seize ans depuis peu. Cennyd en avait...dix sept? Dix huit? Vous voyez...Elle n'était même pas sûre. Il était en septième année à Serpentard. C'était une certitude. Mais aprés...Le reste...Lui aussi devait ignorer qu'elle avait soufflé, le mois dernier, sa seizième bougie. Il ignorait aussi qu'elle avait commis un beau meurtre pour fêter ça. Il ignorait tout. De son passé, de la noirceur de ses secrets. Il ne voyait qu'Irina. La blonde devenue brune, et qui allait le rester pour toujours.

Alors que ses yeux s'étaient sans doute assombris devant de tels aveux, lui, avait pas bougé d'un cil. Seuls ses yeux s'étaient mis à luire, d'une lueur moqueuse. Alors comme ça il se moquait d'elle? Irina se crispa. Elle n'aimait pas qu'on se moque d'elle. Mais elle ne se gênait pas pour le faire aux autres. Ne fais pas aux autres ce que tu n'aimerais pas qu'on te fasse? De la foutaise tout ça! De toutes façons, Irina ne croyait pas aux dictons. Alors à quoi bon? C'est pas en se ressassant ces vieilles maximes qu'elle allait s'acheter une nouvelle conduite. Elle était comme elle était. Point. Que ça agace les autres, ça, on s'en foutait. Ce qui comptait c'était elle, et seulement elle. Elle était une petite peste? Une petite peste égoïste de surcroît? Et alors?!? Elle l'assumait parfaitement. Et les autres n'avaient rien à redire. Point barre. La sombre jeune fille se tenait toujours face à Cennyd, ses yeux à son tour venaient de se mettre à luire.Cennyd venait enfin d'admettre sa supériorité à elle. Elle les surpassait toutes. Tiens donc? Les lèvres d'Irina s'étirèrent un un sourire moqueur. Moqueur à souhait.

Je n'ai pas envie d'être fair play. J'ai envie de suivre mes propres règles du jeu.

Un jeu qui allait durer encore bien longtemps. Sérieusement. Un jeu qui finirait par s'oublier au fil du temps, et qui ressurgirait, comme ça, dans le futur. Et tout recommencerait. C'était ça l'histoire. Dans la mesure où l'homme apprenait jamais de ses erreurs. C'était un éternel recommencement.Toujours on voyait les mêmes choses. Si bien qu'on pouvait se prendre pour Nostradamus et prédire ce qui allait se passer ensuite. Trelawney pouvait toujours parler. C'était que du baratin. D'ailleurs. En parlant de baratin. Cennyd semblait en connaître un rayon. Ses lèvres s'étirèrent à nouveau, moqueuses, et elle lui lança d'un ton abrupt.

Des fois en matière de baratin t'es pire que Trelawney...Et c'est pas un compliment.

Se devait t'elle de le préciser, que ce n'était pas un compliment? Bien sûr! il le prendrait comme tel. Elle ne le connaissait que trop bien. Enfin, façon de parler. Ses réactions étaient trop prévisibles. Et elle pouvait jouer sur ce terrain là. La jalousie ne fonctionnerait pas, de toutes façons. La partie d'échecs semblait s'être engagée. Ni l'un ni l'autre n'avait réussi à mettre en échec et mat l'autre. C'en était rageant. Irina sautait de case en case en s'éloignant toujours plus du but. Elle voulait prendre le roi, le renverser, le vaincre. Ses pions petit à petit quittaientv l'échiquier. A présent, il ne restait qu'elle. Et lui. dès qu'il avançait d'une case, Irina en reculait de trois. Ce qui faisait qu'ils ne se croisaient quasiment jamais. Sauf par un heureux hasard (ou pas). La reine hocha la tête, faisant teinter ses boucles d'oreille. Qu'elle ait l'air effrayante avec sa tenue, voire limite repoussante, ça la regardait. elle aimait les pics, le cuir, le noir et les dentelles,les chaussures en cuir montantes à grosses languettes et elle l'assumait parfaitement. Ca ne lui plaisait pas? Qu'il aille voir les filles en minijupe et avec un décolleté plongeant. Elle ne s'en formaliserait pas.

Cennyd changea bien vite quand elle lui remit correctement sa chemise. Elle lui jeta un regard soupçonneux. Un instant, elle avait ressenti ce désir, devant cette proximité. Elle aurait voulu faire le mouvement inverse, plutôt que de rajuster sa chemise ,elle la lui aurait enlevée. Mais elle avait mis sa libido de côté. Son attirance physique aussi. C'était ce qu'il voulait. Lui démontrer par A+B qu'il pouvait l'avoir à l'amiable. C'était hors de question. il la voulait? il devra se lever tôt. Elle avait tout son temps. Mais peut être craignait d'en manquer? Non. Ca ne correspondait pas au personnage. Cennyd ne pouvait pas prétendre ne pas craindre la mort. Tous la craignaient. Sans exception. Mais Cennyd, lui, ne le montrait pas. elle lui jeta à nouveau un regard aiguisé. Ses yeux opale luisaient plus que jamais dans la froide obscurité des cachots. Elle décroisa ses bras.

Il avait profité de sa proximité pour lui voler un baiser dans le cou. Elle n'avait pas frémi. Son regard n'avait pas réagi. Elle était restée neutre. Elle ne voulait pas lui laisser croire qu'elle avait besoin de lui. C'était complètement faux. elle était indépendante. Elle n'avait pas besoin d'homme dans sa vie. Elle voulait agir de son propre chef, toujours, ne cédant jamais à autrui. Elle était dotée d'un fort caractère et elle l'assumait. Cennyd semblait croire qu'elle avait besoin de lui. Quedalle! Il se trompait éperduement. elle n'avait pas besoin de lui. Il avait aussi toujours cette fâcheuse tendance à croire qu'il était plus important que n'importe qui d'autre. qu'il était essentiel. Se permettrait t'elle de lui casser ses illusions? Irina savait que trop bien que chuter de son piédestal apportait souffrance et consternation. Mais c'était fait ainsi. Alors A quoi bon? Comme si lui faire la morale pouvait lui servir à quelque chose. Il ne l'écouterait pas de toutes façons. Et prêcher les bonnes valeurs ne faisait pas partie des codes de la jeune femme.

Autre chose? C'est...Négociable. Mais qu'est ce que tu me donnes en échange? Et puis j'ai aussi cette petite potion. C'est peut être encore mieux que ce que tu envigageais...Et pourquoi ne pas combiner les deux? Hein?

Sourire de gamine. Irina avait repris le flacon de Felix Felicis dans sa poche. Elle fit tourner le flacon sur lui même, le liquide ambré capturant les lueurs des bougies entreposées ça et là. Ce qu'elle avait en tête, à ce moment précis? La petite potion. La drôle de petite potion...Qui menait au septième ciel sans nécessiter une quelconque union charnelle. Et la chance...Ca serait peut être déloyal de l'utiliser ainsi, contre lui mais...C'était de bonne guerre. Il ne la provoquerait pas impunément. Une goutte de Felix. Et la soirée s'annoncerait bien plus amusante...Plus piquante, juste comme il fallait. Il fallait juste un peu de chance.

Si on pouvait mettre Paris en bouteille, alors pourquoi ne pas essayer avec le bonheur? Même si c'était carrément artificiel, au moins, ça faisait planer. C'était comme la drogue moldue et en mieux, au moins, Felix Felicis n'était pas néfaste pour la santé, sauf si elle était faite par un amateur de seconde zone. Tout à coûp, Irina n'était plus sûre d'avoir envie de tester la potion, elle ne voulait pas finir ses jours ainsi, piégée dans ce cachot avec Cennyd, empoisonnée, gisant sur le sol, agitée de spasmes et j'en passe. Bref, Irina rangea le flacon, avec la vague intention d'en mettre dans le jus de citrouille de Graham pour lui refiler sa monnaie de singe. Au moins, si il était empoisonné, Irina aurait su ce à quoi elle avait échappé en adoptant la prudence. Kamikaze, certes, mais pas suicidaire. Irina se surprit à penser à l'apparence qu'aurait Elohim si jamais il avait reçu l'échantillon de Felix en pleine figure, un peu comme si on avait balancé un verre d'eau. Ses doigts et ses cheveux seraient tous poisseux, ça serait bien fait pour lui, tiens! Trêve de mesquinerie.

Aucun rapport. Il n'y avait aucun rapport, et aucune pensée cohérente et totalement sensée n'avait pris place dans son esprit, au moment présent. La faute à quoi? Rien, c'était pas le jus de citrouille qu'elle venait de boire qui la rendait aussi euphorique, comme si on l'avait plongée dans une marmite de Felix Felicis. Ce cachot avait un sacré truc. Et pas des moindres, pour lui faire perdre ses sens comme ça! Mais elle devait rester vigilante, au cas où les masques tomberaient, elle ne voudrait pas finir entre les griffes de celui qui se disait être un prédateur. Un prédateur. Irina aurait eu envie de rire, de son rire aigu et cruel, mais ça aurait été malvenu, surtout en ce moment. Même si l'idée en elle même frisait le ridicule. Cennyd? Un prédateur! Haha. La bonne blague. Et elle était la reine d'Angleterre! Tout en se laissant aller à son hilarité, elle n'avait pas entendu la question de son homologue masculin. Quelles sont les règles aujourd'hui? Hé! Minute! Elle avait été prise de cours là.

Déjà, tu va suivre le lapin blanc jusqu'à son terrier. Poussé par la curiosité, tu tomberas dedans. Tu trouveras une bouteille de potions avec marqué dessus "bois moi" et tu la boiras, devenant aussi grand qu'une allumette. Et là tu pourras franchir la porte. Mais pas avant. Avant il faut boire.

Voilà ce que ça faisait quand on improvisait. On improvisait comme on le pouvait, non? De toutes façons, Irina n'avait jamais été forte en impro. elle avait trop tendance à calculer, à prévoir, à échafauder pièges et stratégies. Le spontané? Trés peu pour elle. Son esprit calculateur et machiavélique se heurtait à ce genre d'état. Spontanéité. Hum hum. Mais il fallait dire que la métaphore avait quand même de la gueule. Comprendrait t'il l'allusion? Le temps qu'il saisisse le sens de cette nouvelle énigme, elle pourrait commencer à exhiber le plan B. Elle afficha un sourire sarcastique, moqueur. Eh oui, mon coco, pour l'avoir, il faut la mériter. C'est pas comme si on l'avait rien qu'en claquant dans les doigts. Ca serait trop facile, d'abord, puis le jeu n'en vaudrait pas la chandelle. Aujourd'hui, le jeu était libre, et la tricherie aussi. Irina, sans le savoir, venait de lui déclarer la guerre. Enfin. Guerre. Tout était relatif. Je dirais plutôt une guéguerre d'hormones prêtes à tout pour ne pas se laisser berner par celles de l'autre. Déjà, là, c'est plus réaliste. So what? What happens next?

Je vois que d'ici trente secondes, si tu continues comme ça, tu vas te prendre mon poing dans la figure.

Menaces. Irina adopta son air le plus convaincant qu'il soit. Eh oui, elle n'hésiterait pas à baliser si ses propos allaient trop loin. Et le fait qu'il se fiche d'elle sciamment l'irritait au plus haut point. Hum. Elle se contenta de croiser les bras, puis de regarder son adversaire avec défi, le défiant presque d'ordonner le premier assaut. L'amour, ou du moins le jeu de la séduction, c'était comme l'histoire. Il y avait ces conquêtes, mais aussi les traversées du désert. Un pas en avait en valait parfois dix en arrière. Irina mettait Cennyd au défi d'aller plus loin. si il franchissait la ligne imaginaire qu'elle avait tracée entre eux, il s'exposait au pire des châtiments. Le faire languir? Elle en serait fort capable. Le jeu n'en serait que plus exquis, plus amusant aussi. La demoiselle se percha à nouveau sur un pied, appuyant l'autre contre le mur contre lequel elle s'était déjà appuyée. Come on!

il sembla que Cennyd eut pris sa prière intérieure trop à coeur. La voilà qu'elle était contre lui, fermement maintenue. Elle ne pouvait plus s'échapper. L'adolescente laissa une mèche de cheveux noirs zébrer sa peau pâle, occultant ses yeux clairs. Irina ne fit pas un geste pour la ramener derrière son oreille. Si il voulait voir son visage, il n'avait qu'à le faire lui même. Pour sûr qu'il ne se ferait pas prier. Là, maintenant, elle voulait lui donner l'illusion qu'elle avait baissé sa garde. Pour mieux contrattaquer après.

Tu ne m'auras pas comme ça. Et tu le sais trés bien.

Pour le moins qu'on puisse dire, Irina ne bronchait pas. Elle n'avait même pas cligné ne serait-ce que d'un oeil, battu d'un cil, remué une seule fois les lèvres en voulant murmurer une malheureuse parole pleine de fiel et de mépris, en aucun cas sa joue ne s'était agitée d'un spasme, comme à chaque fois qu'un combat féroce s'engageait entre sa conscience et sa personnalité maligne. Elle était restée de marbre, aussi imobile qu'une statue, aussi inexpressive qu'elle le pouvait. Non, ça n'était pas lui qui lui ferait perdre ses sens à nouveau. Il n'avait pas ce pouvoir, et elle ne comptait pas se laisser hypnotiser par ses yeux gris, aussi beaux furent-ils. En fait, Miss Collins était crispée, tout son corps était raide, seuls les battements désordonnés de son coeur la trahissaient. Elle vivait encore. Son souffle lent et régulier s'échappait, par intermittence, avec la régularité d'un métronome. Rien ne laissait présager que son corps devenait électrique, et que ses molécules s'égitaient, comme si elle était branchée sur une prise à 200 volts. Seul mouvement qui la trahit, c'est cette mèche rebelle qui vint masquer, à bon escient, son regard bleu clair, jetant un voile par la même occasion devant ses yeux qui pourraient définitivement exprimer ce qu'elle ressentait en ce moment même.

Face aux problèmes que lui imposait la vie, Irina avait adopté plusieurs stratégies, de la plus kamikaze à la moins dangereuse. Bien sûr, elle était allée au devant de tous les dangers, se prenant des coups sans jamais fléchir, sauter de plate-forme en plate-forme sans jamais tomber, courir sans jamais avoir de point de côté. Ces dernières années, tout était allé vite, et Irina ne s'était pas vue évoluer. Maintenant, elle avait seize ans, et peut être était-ce la maturité naissante qui faisait ça, mais maintenant, elle raisonnait, réfléchissait beaucoup plus, et n'agissait plus vraiment sur des coups de tête. Depuis l'épisode de la cabane hurlante, Irina adoptait la politique de l'autruche, elle se cachait dès qu'elle était confronté à un problème plutôt épineux.

Le problème épineux, parlons-en. Il était là, son problème, et il ne semblait pas disposé à vouloir en démordre. Il l'avait piégée, et maintenant elle ne pouvait plus se cacher, comme elle le faisait. Bien sûr, son côté autruche s'était révélé quand elle s'était teint les cheveux en noir, pour masquer sa ressemblance avec sa jumelle décédée. Dès lors, s'en suivirent une série de subterfuges divers et variés, tentant en vain de masquer ce qu'elle était vraiment. Chasser le naturel et il revient au galop, dit le proverbe. Pas faux. La vraie Irina était encore là, quelque part, mais celle qui la remplaçait en ce moment en était une autre facette, aussi déplaisante soit-elle. Elle se cachait, mais elle reviendrait, elle l'avait juré.

Tu sais mon lapin...Alice n'a le droit qu'à une petite fiole pour pouvoir traverser la porte. Et d'une certaine manière, la curiosité l'a empoisonnée puisqu'elle l'a privée de la seule chose qui la rendait imposante vis à vis du lapin blanc: sa taille. En la perdant, elle était son égal, et vulnérable.

Ouch. Ca, c'était ce qu'on appelle de la philosophie à deux balles. Tenez, en parlant de vulnérabilité, Irina venait d'en avoir un parfait exemple. Cennyd en avait profité pour l'embrasser, passant outre la muraille imaginaire qu'elle avait dressée entre eux. Irina le vit s'éloigner, tout en pensant qu'il faisait bien, car il venait s'exposer à ses foudres qui pouvaient être monumentales. Puis, sans crier gare, elle déboucha le flacon de Felix qui depuis tout à l'heure l'incitait au vice. Elle regarda le liquide ambré un moment. C'était normal qu'elle hésitait. Si la potion n'était pas correctement préparée, elle risquait d'être empoisonnée, mais si elle était bien faite, elle serait presque en état d'ébriété...N'empêche, ça ne serait pas plus mal, elle oublierait momentanément ses problèmes, pour se réfugier dans un paradis artificiel version sorcier. Baudelaire avait omis de l'inclure dans la liste.

Elle leva sa main blafarde, et porta le flacon à ses lèvres, avec un sourire mesquin. Elle en but une gorgée, pas plus. Elle reboucha correctement le flacon, et attendit. Cinq minutes. Dix minutes. La chance en bouteille n'était-elle que chimère? On avait certainement plus de chances de gagner au Loto en jouant un vendredi 13! Irina soupira, puis s'appuya sur le mur, son ami le mur, comme elle était tout à l'heure. Elle ancra son regard dans celui de Cennyd, puis elle murmura, pas troublée pour le moins du monde.

Tu vois. Rien ne se passe. J'en conclus donc que ce truc est une belle arnaque.

Patience, Irina. La potion mettrait du temps à s'infiltrer dans son sang. C'était juste une question de temps, les effets de la potion n'allaient pas tarder à se manifester. Après tout. Rome ne s'est pas construite en un jour.