Le repas du soir étant terminé, l’heure était venue pour les élèves de retourner à leur dortoir, et pour les Nuncaboucs, cela signifiait retourner s’emprisonner dans ce grenier glauque qui leur servait désormais de demeure depuis la rentrée. Petit à petit, Jude s’y était habituée. Elle essayait de voir la chose comme du camping sauvage, car les bestioles y abondaient, du moins au départ, bien que les élèves commençaient à devenir doués et créatifs dans leurs moyens de les exterminer. Mais c’était plus fort qu’elle que de se moquer de la situation, rouspétant intérieurement ou échappant un commentaire sarcastique ici et là, ne manquant pas de souligner que leur merveilleux palais était douillet et chaleureux, alors qu’en vérité, elle aurait sans doute préféré dormir à la belle étoile, emmitouflée dans les vieilles loques que portaient les elfes de maisons depuis des décennies, si cela lui avait permis de garder sa baguette au creux de sa paume. De telle sorte qu’elle redoutait devoir être barricadée dans cette chambre improvisée chaque soir et se trouvait des excuses pour flâner un peu plus longtemps, en prenant soin, toutefois, de ne pas s’attirer trop d’ennuis. Elle collectionnait déjà les ecchymoses laissées par les châtiments corporels qu’on lui avait administrés depuis la rentrée.
C’est ainsi qu’elle se retrouva assise sur un banc dans le couloir, ce qui ne lui était arrivé que peu de fois depuis son entrée à Poudlard quelques années auparavant. Elle était habituellement bien trop occupée à élaborer un moyen de se venger d’une peste Serpentarde ou à faire les yeux doux à un Serdaigle coincé rien que pour lui décrocher une bouille aux joues rougies qui la faisait sourire. Un blond passa également par là, l’allure étrangement à mi-chemin entre le grand dadais et le sorcier musclé, l’œil un peu vitreux, la démarche un poil maladroite : rapide, mais sans conviction.
« Mais où est-ce que t’es si pressé d’aller comme ça Larsonn? Y a une troupe de vélanes au grenier ou quoi!? ». Elle ne pouvait pas s’imaginer que l’ancien Poufsouffle puisse être impatient d’aller s’étaler sur un matelas jaunis et à moitié défoncé. Elle se doutait qu’il ne serait pas très heureux qu’elle lui adresse la parole étant donné qu’il l’avait brutalement envoyé baladé lorsqu’elle s’était montrée amicale envers lui quelques années plus tôt, mais comme toujours, elle s’en battait les castagnettes. Malgré l’irritation permanente qui l’habitait, le sentiment d’impuissance et de frustration de ne pas avoir sa baguette en main, et les cernes qui se creusaient un chemin un peu plus profond sur son visage chaque jour, le sourire en coin de Jude n’était jamais bien loin. Il fallait bien s’accrocher, et surtout, il fallait bien trouver moyen de se divertir.