La petite Evelyn avait décidé de sortir et d'aller se balader dans un endroit peu commun. Le lac était trop commun, le parc trop banal, elle n'avait pas envie d'être dévorée par une bête sauvage dans la forêt alors pourquoi pas...Oh ! Le potager ! Peut-être qu'elle pourrait grapiller quelques légumes et les ramener dans la salle commune...Ou alors les amener dans la cuisine et faire un potage maison bien chaud pour partager -ou pas- avec ses amis jaunes. C'était une merveilleuse idée. La jeune fille n'allait que peu souvent dans le potager dont Hagrid le Garde-Chasse s'occupait. La première fois qu'elle avait vu ce semi-géant, elle avait été si impressionnée qu'elle en avait échappé sa rame et elle avait failli faire chavirer la barque en tentant de la repêcher. Heureusement, elle avait rattrapé sa rame sans projeter tout le monde à l'eau.

Bref. L'adolescente avait pris un livre et l'avait glissé dans son sac, puis sa baguette et -en cas d'urgence- un sac de ballons lumineux increvables. Son père lui en donnait toujours un paquet avant la rentrée. Il disait que c'était en cas de problème : elle n'aurait qu'à souffler l'un des ballons et le laisser s'envoler afin que sa lumière indique l'endroit où elle se trouvait. Il la mettait toujours en garde, par contre, de ne pas utiliser les ballons lorsqu'il y avait du vent, parce que ça ne servirait à rien.

Lorsqu'elle fut bien équipée, la jeune fille attrapa sa cape et sortit de la salle commune avant de monter au rez-de-chaussée. Elle retourna dans le Hall, se maudit de ne pas avoir pris une autre sortie puis finalement traversa l'école en sens inverse. Elle sortit donc par l'autre porte et prit la direction du potager, afin d'aller voir s'il restait quelques légumes en ce froid mois d'octobre. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle s'approcha et attendit un bruit...Evelyn s'approcha alors d'un pas plus rapide et remarqua...Ann Snow ? Mais que faisait-il là ? Il...Par Merlin !

« Les carottes attaquent !! », hurla la demoiselle en laissant tomber son sac.

Elle se précipita vers le Serdaigle sans même penser à sortir sa baguette de son sac et se saisit de la carotte.

« Bon. Parlons sérieusement. »

Elle frappa la carotte qui s'agitait contre le sol, espérant qu'elle serait assez sonnée pour se calmer voir arrêter de bouger.

« Ann, as-tu insulté cette carotte ? Et Mam'zelle Carotte, croyez-vous vraiment que la meilleure solution soit la violence ? »

Evelyn était bien entendu très sérieuse. Elle tenait à deux mains le légume vivant et regardait tour à tour son compagnon et la carotte, comme si elle attendait que l'un ou l'autre lui explique l'objet de la dispute. Après tout, si cette carotte avait attaqué, il y avait certainement une raison...Mais, attendez ! Une carotte n'est pas supposée bouger ! La jeune Poufsouffle arrêta alors son regard sur le légume et le fixa étrangement alors qu'elle tentait de l'empêcher d'attaquer de nouveau.

Ann le Preux se battit durant de longue minutes contre cet adversaire inattendu, rusé, sournois et surtout légumineux. Il n'avait pour se défendre que ses mains blanches protégées seulement par la corne naturelle des porteurs d'épées. L'issue semblait désespérées lorsque soudain, des renforts inattendus arrivèrent de l'ouest, leurs ombres se découpant sur le soleil couchant. Hurlant leur défi aux cieux, l'écuyer d'or et de sable se saisit de l'ennemi et l'assoma bravement contre le sol.

Ann le Preux, libéré d'un poids plus oppressant que la mort elle même, encore frissonnant d'avoir sentit les froides griffes de la faucheuse, se leva et rassembla assez de courage pour remercier avec l'humilité du sage, son jeune sauveur.

"Euh... merci. C'est gentil. Mais j'ai rien fait je te promet ! C'est elle, elle m'a attaqué des que je l'ai animée. J'ai du me tromper dans le sort."

Il s'agenouilla avec respect et gratitude devant le jouvenceau qui se rélévela être la princesse de ces lieux. La jeune fille baissa ses yeux d'opale sur le chevalier gêné qui la saluait avec toute la galanterie dont il était capable.

"J'pense pas quelle va répondre, je lui ai pas donné la parole."

Décontenancé par cette vierge guerrière, à la fois belle, sage et vaillante, le chevalier bleu hésita sur la conduite à tenir et se décida enfin pour une camaderie qui ne manquait pas de resptect.

"J'm'appelle Ann. Ann Snow. On est de la même année je crois hein ?"

Puis son regard se posa sur son ennemi et bien qu'il ai manqué de peu de passer de vie à trépas sous son glaive, il eut pitié de la pauvre racine assomée et immobile. Il allait lui porter le coup de grace lorsque la vie sembla revenir dans les membres meurtrit du légume qui se mit à couiner en se tortillant dans tous les sens dans l'espoir d'échapper aux liens qui le retenaient prisonnier. Allait-il réussir à tromper la vigilence de nos deux héros ?

Evelyn ne se doutait absolument pas en se dirigeant vers le potager que sa visite serait aussi étrange. Déjà, elle ne s'attendait pas à rencontrer quelqu'un là. Et encore moins en compagnie d'une carotte mutante au coeur rongé par le désir de vengeance ! C'était sûrement traumatisant de voir ses copines se faire dévorer une à une par des hordes d'élèves affamés, les humains auraient dû se douter qu'un jour les carottes en auraient assez ! Les carottes avaient-elles toujours eu la capacité de bouger ? Pourquoi ne pas avoir fait cesser le massacre plus tôt ? Evelyn cessa de réfléchir lorsqu'elle entendit Ann dire qu'il l'avait animé. Ah ah. Voilà ! Les carottes souffraient en silence sans bouger habituellement.

L'adolescente qui tenait entre ses mains la carotte posa les yeux sur Ann qui s'était agenouillé devant elle. Mais qu'est-ce qu'il faisait là..? La jeune fille s'agenouilla aussitôt devant lui, un sourire radieux aux lèvres, et brandit le légume au-dessus de sa tête comme une arme magique qui agirait de sa propre volonté et surtout...orange. Mais alors qu'elle s'apprêtait à tempêter contre leur compagne comestible, Ann lui avoua qu'elle ne possédait pas la parole et ne pourrait donc sûrement pas répondre. La demoiselle porta alors la carotte au niveau de ses yeux puis regarda le Serdaigle.

« J'm'appelle Ann. Ann Snow. On est de la même année je crois hein ? », fit-il avant de regarder la carotte qui s'était arrêtée de bouger un instant. Le légume se remit soudainement à bouger et elle n'eut d'autres réflexes que...de la lâcher.

Evelyn adressa alors un sourire magnifique à son compagnon. « On est effectivement de la même année ! Moi c'est Evelyn Twynam et je suis à Poufsouffle ! Toi t'es à Serdaigle hein ? » Elle fut alors interrompue par une carotte enragée qui sauta sur sa tête dans le possible but de tirer sur sa longue chevelure blonde.

« Gniiiiiiah ! Carooooootteuuuh ! », cria l'adolescente en tentant de saisir le légume furieux. « Ann ! À l'aide ! », finit-elle par se résigner en laissant tomber ses bras de chaque côté de son corps. Elle grimaça alors que l'horrible mutant orangé s'emmêlait dans ses cheveux et poussa un gémissement à la fois de douleur et de frustration.

Cette carotte était réellement sournoise –un monstre orange et légumineux. Elle aurait pu s’en prendre à son visage, mais au lieu de cela, le légume avait sauté dans ses cheveux. Sa chevelure était son point faible, bien vu petite carotte mesquine. Elle adorait lorsque son père lui faisait des tresses, ou lorsque sa sœur l’aidait à se coiffer en lui disant à quel point elle serait jolie si elle prenait un peu plus soin de ses cheveux. Heureusement, dès qu’elle eut crié le nom de son compagnon, celui-ci se précipita pour la sauver.

Après un duel qui faillit bien être gagné par la carotte, Ann réussit à attraper le légume ensorcelé et le lança au loin. Evelyn le suivit des yeux un instant, puis regarda son sauveur qui lui demanda si tout allait bien. L’adolescente se frotta la tête et passa les doigts dans ses cheveux pour tenter de les démêler.

« Tout semble aller ! Encore que ce légume a dû partir avec quelques-uns de mes cheveux. »

Le Serdaigle la serra alors un instant dans ses bras et la petite jaune, loin d’en être dérangée par cette accolade, sourit de plus belle. Elle était affectueuse de nature ; elle aimait offrir des câlins à tous ceux qui la supportaient. C’était amusant, les câlins, et réconfortant aussi. Et après une telle mésaventure, Evelyn le méritait bien. Elle venait tout de même de sa battre contre une carotte ; pour se venger, elle prévoyait déjà prendre beaucoup de légumes dans son assiette au dîner.

« Au fait, pourquoi cette carotte était vivante ? », demanda alors l’adolescente en se reculant d’un pas.

Le légume ne pouvait pas s’être animé tout seul, un sorcier avait dû la réveiller. Ann devait avoir une raison particulière pour vouloir faire ami-ami avec une carotte. S’il voulait de la compagnie, il aurait pu demander –Evelyn était toujours disposée à tenir compagnie, surtout lorsqu’il s’agissait de personnes comme Ann. Il était sympathique et Evy’ aimait bien la maladresse, allez savoir pourquoi. Peut-être le fait qu’elle soit aussi bien maladroite l’amenait à sympathiser avec les maladroits.

Pauvre Ann. Il semblait vraiment se sentir coupable de ce qui venait d’arriver. Pourtant, il n’y était pour rien, comment aurait-il pu savoir que cette carotte deviendrait folle ? Il n’avait certainement pas prévu la violente crise de ce légume. Alors qu’il s’expliquait, embarrassé, Evelyn se contenta de jouer avec une mèche de ses cheveux et de sourire. C’est qu’il était mignon quand il était gêné. La jaune ne comprenait pas grand-chose à cette histoire d’algorythme, mais elle était persuadée que ce n’était pas quelque chose de mal.

Maintenant que cette carotte était désenchantée, il valait mieux justement la remettre en terre. À moins qu’on ne la donne à manger à une créature quelconque, pour qu’elle ne puisse plus jamais attaquer qui que ce soit. Quoique, en fait, la carotte non plus n’y était pour rien. Elle ne pensait certainement pas qu’on lui donnerait la vie aujourd’hui. Finalement, c’était la faute du hasard. Ann avait enchanté cette carotte sans savoir qu’elle deviendrait folle et cette carotte s’était énervée parce qu’elle vivait pour la première fois. Voilà, tout s’expliquait.

« Je suis vraiment vraiment vraiment désolé. Tu dois me trouver idiot hein ? Tout le monde me trouve bête. Tu parles d’un Serdaigle. Ils ont raison en plus. Tu m’en veux pas ? »

L’adolescente esquissa un sourire compatissant.

« Je ne t’en veux pas du tout parce que tu n’y es pour rien. Et puis, tu n’es pas idiot ! Peu importe ce que disent les autres, moi je trouve que tu es très intelligent ! », fit Evy’ avec un sourire radieux.

Après tout, peu de gens connaissaient ce truc d’algorythme, il fallait sûrement être particulièrement intelligent pour savoir un truc du genre. Animer un légume à l’aide d’un sortilège semblable à celui des jeux d’échecs sorciers. Ça, c’était toute une idée et un idiot n’aurait pas pu penser à une telle chose. Donc, Ann n’était pas bête et Evelyn avait bien l’intention de lui montrer qu’il valait bien mieux que la plupart des gens.