[Janv] Ryoooooong ! [Libre]

Invité

« Ryong ! Ça suffit ! Tu viens ici tout de suite » *

La chouette regarda son maître avec un mépris non dissimulé et se posa gracieusement sur une des poutres du plafond, loin, très loin de son perchoir, et fixa le serdaigle de ses deux yeux d’ambre qui ne cillaient pas. Oh, il comprenait le français depuis le temps. Mais il n’avait pas envie de donner sa lettre à cet humain. Il savait que donner la lettre voulait dire repartir et comme il en avait assez de voler dans le froid de l’hiver, il s’était décidé pour cette solution.

Ann de son côté essayait de reprendre son souffle. Il avait bien sa baguette à la main mais n’osait pas s’en servir. Les sorts avaient la mauvaise habitude de ne pas faire ce qu’il attendait d’eux et il ne voulait pas vraiment abîmer sa chouette. Il voulait juste lire la lettre que ses parents lui avaient envoyée. C’était pas le monde non ? Pourquoi les choses arrivaient toujours facilement aux autres et pas à lui hein ? Enfin une chose était sure, Ombrage n’avait pas eu accès à cette lettre. Lorsque Ryong faisait sa mauvaise tête, personne ne pouvait le faire changer d’avis.

A cette pensée, le garçon soupira tristement. C’était dur d’écrire à ses parents sous le règne de la Grande Inquisitrice. Ils étaient tous les deux des employés lambda du ministère et la moindre parole de travers de l’adolescent pouvait les mettre dans une situation précaire. Il avait bien sur pensé à écrire en Français (il n’était pas con à ce point là) mais pensait que cela ne ferait qu’augmenter la suspicion de la vieille femme. Non, il fallait se brider soi-même et ne rien dire qui pourrait passer pour une critique. Même s’il le pensait très fort. Personne à Poudlard n’aimait le crapaud rose, surtout depuis qu’elle avait voulu mettre le Professeur Trelawney à la porte.

Ryong cilla en sentant le changement d’humeur de son maître. Il déploya ses ailes et se laissa tomber, majestueux jusque sur son épaule, tendant la patte sous l’œil vide du garçon. Ann, perdu dans ses pensées ne vit rien bien sur et reçu pour sa peine une légère morsure sur le lobe de l’oreille. Vexé de se faire ignorer, la chouette repartit se percher au plafond et prit la lettre dans son bec.

« Aïe ! Hein ? Quoi ? Mais qu’est ce que tu fous ? » *

En plus il fallait que la bestiole soit jalouse. Il était maudit. Quoique non, le pire était encore à venir. Jusqu’ici, il se ridiculisait tout seul mais des pas dans l’escalier se faisaient entendre. Quelqu’un montait. Quelqu’un allait être le témoin de son manque d’autorité ! Pas que c’était une nouveauté mais bon… c’était la honte quand même

« Allez ! Soit pas vaaaache ! Rend le moiiiiiiiiiiii »*

Ryong lui tourna le dos. Sale bête.

« Ryooooooooooooooooooooong ! »*

Invité

« Sir ? »

La jeune fille se mit debout sur son lit pour avoir une meilleure vue du dortoir, espérant qu'elle pourrait alors débusquer le gros matou. Rien à faire. Le chat ne voulait pas se montrer, et la sorcière sauta pour se relaisser tomber en tailleur sur le matelas, dans un bruit sourd. Une masse sombre, boule de poils gris, sembla rouler de sous son lit, et la gamine se jeta sur un Sir effrayé.

« Ah ben te voilà, toi ! Tu boudais ? Tu sais pourtant que je peux pas t'amener dans la volière, Sir. C'est pas ma faute à moi si t'as peur des chouettes ! Et faut absolument que j'envoie cette lettre pour la maison. Tu sais bien que Tad m'oblige à leur écrire une fois par semaine ! »

Une obligation pas vraiment contraignante, en réalité, puisque la jeune fille adorait ses parents adoptifs. Mais William semblait toujours craindre qu'il lui arrive quelque chose d'énorme, pour une obscure raison, et il exigeait son courrier hebdomadaire, sous peine de beuglante. Un moyen de s'assurer que sa maladroite de fille n'avait pas trop de souci. Emily se releva, serrant le chat contre sa poitrine, caressant d'une main son dos pour l'apaiser. Il se mit enfin à ronronner, et elle le laissa tomber sur le lit, d'où il lui lança un regard assassin avant de se rouler en boule. Elle voulait le laisser là ? Soit. Mais qu'elle ne vienne pas le chercher si elle changeait d'avis, il était maintenant partie pour de bonnes heures de bouderie !

Emily récupéra le paquet qu'elle avait laissé à la tête de son lit et le laissa tranquille, levant les yeux au ciel. Elle adorait vraiment ce chat. Elle sortit donc tranquillement de sa salle commune, évitant de justesse un jeune garçon qui portait une pile de bouquins plus haute que lui, et courut jusqu'à la volière, grimpant les escaliers qui y menaient quatre à quatre, tâchant de bien faire attention au moindre défaut qui pourrait la faire chuter, peu désireuse de dégringoler jusqu'en bas de la tour comme elle l'avait fait la première fois qu'elle était venue ici. C'est escaliers n'avaient rien à voir avec ceux de la maison, où l'on avait fait poser de la moquette après une énième chute, non. Non seulement, le contact avec les marches était moins agréable, mais en plus, des marches, il y en avait plus. Pas question de tomber, donc. Et la jeune fille était presque à destination, et sans encombre, lorsque :

« Ryooooooooooooooooooooong ! »*

Elle leva la tête pour apercevoir un garçon de Serdaigle, qu'elle savait être de cinquième année, se débattre avec une chouette capricieuse. Emily posa un pied sur la dernière marche, avec succès, mais son autre jambe, moins docile, vint buter dans la première, et l'adolescente s'étala sur le sol sans même penser à se rattraper, dans un superbe vol de plumes, et son paquet lui échappa des mains.

« Uffern !* » couina-t-elle, le nez contre le sol.

Ça, c'était de l'entrée, il n'y avait pas à dire. Si Sir avait été là, aucun doute qu'il se serait moqué. Car oui ! Ce chat se moquait d'elle. La jeune fille en oublia son camarade et s'assit par terre, tentant d'ôter les plumes collées sur ses genoux écorchées. Dire que dans sa lettre, elle se vantait de ne pas être tombée de la semaine !

[Tu me dis si ça te va ?]
* Uffern > m*rde

Invité

L’oiseau ainsi interpellé se retourna de nouveau, et prit son envol, la lettre toujours dans le bec, passant dangereusement au dessus des fenêtres de la tour. Pas dangereusement pour lui hein. Il avait des ailes et tout mais Ann voyait bien que son capricieux volatile songeait très sérieusement à lâcher la missive sur le toit du bâtiment principal.

Indécis, Ann regarda l’animal, puis derrière lui au cas où l’inconnu serait déjà là, puis la chouette à nouveau, un regard rapide à la fenêtre (surtout ne pas lui donner de mauvaises idées au cas où il n’y aurait pas pensé de lui-même), Ryong, derrière. Mais si les bruits de pas s’étaient tus, il n’y avait aucune silhouette dans l’encadrement de porte.

Une demi-seconde. Peut-être quelques millièmes de plus, une plume silencieuse se détacha des ailes du rapace et tournoya dans les airs. Puis il y eut un bruit sourd, comme une chute et un mot incompréhensible. Surprit, Ryong lâcha la lettre qui tomba dans la mangeoire d’un Grand Duc à l’air sévère. Ann, quand à lui, s’était retourné et, en bon chevalier qu’il était, tendait sa main à la jeune femme. Une Poufsouffle d’après l’uniforme. Blonde qui plus était. Se pourrait-il qu’il s’agisse d’Evy ?

Ryong, de son côté, avait prit peur et filé par la fenêtre ouverte dans un grand bruit de plumes froissées. Le Grand Duc ayant probablement manifesté son déplaisir suite à cette intrusion dans un langage connus des seuls hiboux. Ryong faisait bien de fuir. Il est toujours dangereux de mécontenter les puissants. Hum. Reprenons.

Du coin de l’œil, Ann vit son oiseau s’en aller, avec, pour autant qu’il le sache, le contenu des instructions de ses parents. Les muscles de ses jambes se contractèrent sous sa robe et il fut à deux doigts de bondir à sa recherche mais la pensée de la gente demoiselle à terre le retint dans son élan.

« Vous allez bien damoiselle ? Rien de cassé ? »*

Hum. En français. Il avait fallu que ça sorte en français. Mais pourquoi lui ? Il était maudit ou quoi ? Il se sentit rougir. De honte, de gêne ou simplement par sa présence. Il n’était pas doué avec les filles. Ce n’était pas nouveau.

« Mille pardons, damoiselle, ma langue aura fourché. Je vous demandais si vous ne vous étiez pas blessé durant votre chute, ces escaliers sont parfois traîtres et n’ont aucune manière. »

Il n’y avait qu’Ann pour parler de l’éducation d’un escalier et il se mordit la langue aussitôt les mots sortis de sa bouche. Le ton employé, les mots utilisés, et même son accent français, tout contribuait à le rendre ridicule. Sa main tendue était sale et rouge de son combat avec Ryong, bref, comme toujours, il n’était pas à son avantage. Et ce n’était pas juste !

Dans une tentative desespérée de se donner une contenance, le jeune homme attrapa le paquet tombé au milieu des fientes et des plumes, l’essuya tant bien que mal avec sa cape noire et le lui tendit également. Il savait que c’était à lui de parler mais il ne voyait vraiment pas quoi dire.

« Euh…j’espère qu’il n’y avait rien de fragile…enfin…je veux dire que… »

Pathétique. Il était pathétique. Et le pire c’était qu’il en avait totalement conscience…

Invité

Il fallait vraiment que les escalier lui en veuille, hein ? Et en public encore. Comme si la douleur ne suffisait pas, il fallait en plus qu'elle soit humiliée devant un camarade. La jeune sorcière décolla une plume poisseuse de sang de son genou, sa bouche se tordant en une grimace de déplaisir. On ne pouvait pas vraiment dire que cela faisait mal en fait. Ça brûlait un peu, ça piquait et c'était gênant, mais rien de plus. La poupée blonde souffla sur son genou, l'air frais atténuant les picotements agaçants, oubliant un peu son camarade. De toute façon, ça n'était pas la première fois qu'elle tombait en public. Elle s'était libérée de tout sentiment de honte depuis bien longtemps. Il suffirait de sourire en réponse aux moqueries de l'autre, de faire ce qu'elle avait à faire et de s'en retourner dans son dortoir en attendant que la Terre se remette dans le bon sens et qu'elle cesse de chuter pour un oui ou pour un non.

« Vous allez bien damoiselle ? Rien de cassé ? »*

Plait-il ? Une main sur son genou écorché, comme si appuyer dessus allait faire disparaître la blessure, Emily leva les yeux ver le garçon, un peu surprise. Les insultes, elle y était habituée. Elle avait souvent eu droit aux « tête de linotte », « nunuche », « abrutie » et autres délicieux noms d'oiseaux, moqueries en tous genres et sur tous les tons, de l'amusement à l'exaspération. Mais si elle y songeait un instant, c'était bien la première fois qu'on se moquait d'elle dans une autre langue. C'était quoi, ça ? Du français ? De l'italien ? Non, l'italien était plus chantant. Quelque chose d'en bas en tous cas, du continent. Une langue venue de l'autre côté de la Manche. C'était trop joli pour être une insulte, d'ailleurs. Bien... bien, c'était good, non ? Moui, ça ne voulait rien dire, il pouvait très bien avoir dit qu'elle n'était pas douée, que c'était pas bien de faire peur aux gens comme ça ou n'importe quoi d'autre. Mais la jeune fille n'eut pas le temps d'extrapoler d'avantage, qu'Ann reprit en anglais, s'expliquant.

Emily haussa un sourcil. Des escaliers ? Aucune manière ? Drôle de façon de dire. Il se moquait, encore ? Un haussement d'épaules suivit d'un sourire balaya cette idée là. Si d'autres filles auraient trouvé cette façon de s'exprimer étrange, voire stupide, Emily aimait bien ça. Personnifier les escaliers qui la faisaient toujours tomber était amusant, et atténuait un peu la part de responsabilité de la jeune Galloise dans cette affaire. Ça n'était pas qu'elle était au comble de la maladresse, c'était tout simplement que les escaliers étaient mal éduqués et s'amusait à se payer sa tête. Plaisant.

Le garçon tendit une main un peu rouge et mal assurée que l'adolescente saisit sans hésitation, ajoutant à la poussière qui maculait la paume du jeune homme un peu de son sang, collé contre sa propre main. Un beau tableau que ces deux gosses tout débraillés, sales et diamétralement opposés. Car si le jeune homme semblait timide et hésitant, Emily n'avait rien de la précieuse petite fille qu'on pourrait s'attendre à voir. Elle en était presque plus masculine que lui, plus franche, plus directe. Elle tira sur la main secourable pour se remettre sur ses pieds en soupirant.

« Tad serait content, » ironisa-t-elle.
« Je suis une vraie catastrophe ambulante. »

C'était dit. Simple et pas forcément très clair pour quelqu'un qui n'était pas habitué à décoder la jeune fille. Bien sur, on comprenait facilement les mots, mais avec Emily, il fallait apprendre à lire entre les lignes et à entendre plus qu'elle ne disait. Oui, elle allait bien, puisqu'elle pestait comme à son habitude. Elle n'avait rien de cassé, elle n'était pas douillette, et ça n'était pas sa première chute. Vous allez me dire, ce garçon l'aide, et elle n'a même pas l'amabilité de le remercier, de lui sourire. Elle se contente de râler, de se plaindre, de grogner comme un ours sortit trop tôt de son hibernation. Laissez lui juste un petit peu de temps, nous y venons, aux remerciements. Mais il fallait procéder dans l'ordre. On vérifiait que tout allait, pas un membre hors-service, pas de bleu ou de bosse trop importants et des vêtements pas trop sales, pas trop déchirés. Ensuite, on passait à la phase communicative. Enfin, si l'autre la laissait en placer une.

« Euh…j’espère qu’il n’y avait rien de fragile…enfin…je veux dire que… »

Elle le regarda essuyer son paquet avec sa cape, dans un élan de bonté qui surprit la jeune fille. Béni soit-il l'homme de bonne volonté qui, au nom de la charité se fait le berger des faibles qu'il guide dans la vallée d'ombre de la mort et des larmes, car il est le gardien de son frère et la providence des enfants égarés. Bon, dit comme ça, ça pouvait paraître étrange, mais c'était plutôt approprié, dans un sens. Ce garçon ne la connaissait pas, et non seulement il ne s'était pas moqué, mais en plus il l'aidait, salissant encore un peu sa robe noire pour protéger le paquet de la jeune étourdie. Ce type était une perle, la crème de la crème, un comme on n'en faisait plus. Les yeux ronds de la jeune fille brillèrent un instant et un sourire franc s'accrocha à ses lèvres tandis qu'elle récupérait son paquet.

« Merci. C'est... vraiment gentil, mais ne t'embête pas pour moi, je suis habituée, je tombe tout le temps. C'est un don chez moi, comme la peinture chez d'autres gens. On fait avec ce qu'on a, hein ? »

Elle rit doucement, amusée de sa propre idée et s'approcha d'un des hiboux de l'école pour tenter de lui accrocher son paquet à la patte. Une tentative vouée à l'échec puisqu'elle tendit la main vers lui sans regarder, ses yeux fixés sur le jeune serdaigle et qu'elle ne récolta qu'un coup de bec qui la fit sursauter. Collant immédiatement sa main dans sa poche, elle fit la moue.

« Moi c'est Emily, j'suis en sixième année à Poufsouffle. »

Invité

Gente demoiselle n’avait pas l’air souffrante. Souriante au contraire, elle lui rappelait de plus en plus la vierge farouche au cheveux d’or qui était venue à sa rescousse l’automne dernier dans le potager. Même si cette fois, il était celui qui sauvait ce qui était bien mieux pour son image de preux chevalier. Et oui, pour ceux qui se poseraient la question, Ann s’intéressait à l’opinion que les hiboux avaient de lui.

Surtout maintenant que Ryong avait offensé Grand Duc, chose qui ne pourrait se laver (plus tard là il était occupé) que dans le sang de l’infortuné propriétaire du volatile en fuite. Rien que d’y penser, le Serdaigle se sentait frémir mais il savait déjà qu’il ne se soustrairait pas à son devoir. L’honneur d’un chevalier passait avant sa vie et donc avant la survie de ses mains. Et puis peut-être qu’elles seraient tellement piquées qu’on le croirait revenu d’une retenue d’Ombrage et ça tout de suite, c’était plus glorieux. Il pourrait faire comme Erin et faire semblant de pester pendant des mois. Même si c’était pas trop la chose à faire s’il voulait que ses parents gardent leur emploi quand même.

« Je suis certain que cette réputation est surfaite »

Rétorqua-t-il poliment lorsqu’elle avoua être une catastrophe sur pied. Si tomber dans les escaliers faisaient de vous un ennemi publique alors Ann était dans la liste des dix maladroits les plus recherchés de Grande Bretagne. Tiens. Il ferait un voleur de grand renom à la prochaine campagne, quand Ombrage allait permettre le groupe de jeu de rôle. Un voleur chaotique bon très compliqué et ils verraient tous qu’il n’était pas fou. Il ferait réussite critique, éliminerait le mot fumble de son vocabulaire et la vie serait belle. Moins rose bonbon.

Bouton d’or se releva et essuya guillerette sa tige mise à mal par les éléments brutaux. Elle n’avait semblait-il pas perdu un seul pétale mais une feuille restait abîmée, percée de trous comme si les pucerons étaient passés à l’attaque. Dans un élan d’on ne savait quoi, Ann décida soudain de déclarer la guerre aux pucerons/guerriers qui avaient osé faire du mal à la fleur au cœur doré. Sans un mot (ou presque, une phrase ça ne comptait pas. Ce n’était pas un mot au sens strict du terme, c’en était plusieurs et puis une phrase. Même pas le même genre en français. Rien à voir.), il lui nettoya son paquet et le lui tendit.

Le soleil qui s’éleva de la fleur le récompensa plus que tous les mots du monde. Au début, elle ne sembla guère y croire. A penser que tous les gens qu’elle avait croisé jusqu’ici n’étaient que des rustres sans la plus petite notion de chevalerie, de galanterie voire de simple politesse. Cela dit il avait parfois l’impression d’être le seul chevalier non peint des lieux.

« Je connais peu de gens qui peignent qui ont un sourire comme toi. A ta place je serais plus heureuse d’avoir un don original que de faire comme tout le monde à dessiner ou jouer du violon ou dire aux gens qu’ils respirent trop fort quand on travaille. »

Non, ce n’était pas du tout du vécu et il ne pensait pas du tout à Prosper. Il s’attendit quand même a voir la réaction disproportionnée qu’avait Evelyn en parlant du « mangeur de livres » mais se rappela rapidement que ce n’était pas la Vierge Sacrée qu’il avait devant les yeux mais la nettement moins intimidante et toute aussi intéressante Bouton d’Or. Et son rire tinta. Pas comme des clochettes ou des grelots mais comme mille fleurs de muguets sur une tige géante. Des muguets jaunes qui portaient bonheur toute l’année et fleurissaient tous les ans.

« On m’appelle Ann le Preux. Enfin Ann l’idiot la plupart du temps mais je trouve que Preux ça sonne mieux quand même. »

Son année, sa maison, tout ça ne le regardait en rien. Il s’en fichait pas mal et ne pensa pas à le préciser. Il remarqua simplement que la gent hibouesque était décidément de mauvaise humeur. Soucieux d’aider sa nouvelle amie, le Serdaigle jeta un coup d’œil aux habitants des lieux pour en trouver un qui ne fasse pas trop la gueule. Et c’est là qu’il vit SA lettre. En plein dans la mangeoire du Grand Duc.

« Mais qu’est ce que tu fous là idiote d’enveloppe à la con ! »*

Encore une phrase idiote. Encore en français. Encore sortie toute seule sans respect pour sa camarade. Ann rougit à nouveau, essaya de s’excuser, bredouilla et, en désespoir de cause montra le parchemin qui dépassait d’un tas de graine. Il n’allait pas lui demander de l’aide. Si l’on apprenait que même recevoir une lettre était compliqué pour lui, il n’allait plus avoir besoin de s’inquiéter pour ses BUSEs. C’était sa scolarité toute entière qui allait être perdue. Maman allait pleurer, papa allait être faché et Nanny du haut de son ciel serait sûrement très triste. Quand à la compagnie de l’hippogriffe rougissant elle serait morte avant que d’exister.

« Je…je peux t’aider ? Je crois que la hulotte derrière est plutôt douce. Enfin d’habitude. Mais là je commence à croire qu’il y a eu un gobelin farceur pour empoisonner leurs graines. Que Ryong soit vache c’est normal, il pourrait presque donner du lait. Mais les autres sont plus chouette d’habitude. »

Ne cherchez pas de jeu de mot. Ce n’était pas exprès. Et c’est montrer beaucoup d’optimisme que d’espérer d’Ann qu’il réfléchisse avant de parler. Ou même pendant. Voire même après. C’était Ann après tout.

Invité

Emily haussa les sourcils, un peu surprise, lorsque le garçon lui parla de « dire aux gens qu'ils respirent trop fort quand on travaille ». Lorsque l'on parlait de don, de passe temps, c'était assez étrange, et la jeune Poufsouffle se demanda un instant qui pouvait être assez stupide et mauvais pour aller faire ce genre de remarque. Non, vraiment, c'était étrange. On n'allait pas vivre en apnée pour conserver le petit bonheur de quelques égoïstes, si ? L'adolescente râla.

« Les gens sont idiots, pour beaucoup. On respire comme on veut, d'abord. »

C'était vrai ça, en plus. Est-ce qu'elle venait se plaindre parce que le satané hibou qu'elle avait choisi pour porter sa lettre la pinçait, elle ? Même pas.

Le Serdaigle se présenta, l'amusant un peu plus encore. Si sa présentation à elle avait été simple, celle du garçon était des plus originales.

« Ann le preux, c'est très bien. J'ai un ami qui m'appelle Milady. »

Elle hésita. Qu'est ce que ça venait faire là, ça ? Ann ne connaissait probablement pas Monsieur Cadfael et ce genre d'ajout n'avait aucun intérêt. Elle s'était déjà présentée, non ? Elle s'ébroua, secouant doucement ses cheveux blonds et haussa les épaules, chassant toute pensée vaine de son crâne. Ce qui était fait était fait, on n'allait pas revenir dessus. En plus, l'autre était encore en train de jurer dans sa langue, fixant un grand hibou qui les fixait de ses yeux ronds et bête.

Emily l'observa en silence tandis qu'il rougissait (encore) et tentait quelques explications plutôt obscures, balbutiant des histoires incompréhensibles. Finalement, il cessa de babiller et lui montra la mangeoire juste devant le Grand Duc, où plutôt le bout de parchemin qui émergeait des graines, iceberg d'une mer céréalière. Oui ça se dit.

Ann semblait confus, et pourtant ne lui demandait pas la moindre aide, l'air totalement désemparé.

« Ton hibou est une plaie. »

Elle espéra un instant qu'il ne prendrait pas mal cette critique, qu'il n'était pas excessivement attaché à l'idiot de volatile qu'il nommait Ryong – un nom bizarre – et qu'il ne lui en voudrait donc pas, mais cette idée fut assez vite chassée par la proposition du Serdaigle. L'aider ? Alors que lui-même se trouvait dans le pétrin ?

« ... que Ryong soit vache c’est normal, il pourrait presque donner du lait. Mais les autres sont plus chouettes d’habitude. »

Emily éclata de rire et observa un moment son camarade. Des hiboux chouettes, hein ? Et à en croire l'expression totalement naturelle d'Ann le Preux, il n'avait pas voulu être comique. Pourtant la jeune Galloise ne cacha pas son amusement, s'abstenant tout de même de tout commentaire. Elle se calma doucement et lui tendit sa lettre.

« On fait un deal. Tu postes ma lettre, et je récupère la tienne. Marché conclu Messire Ann ? »

Elle sourit. Si l'on y pensait, c'était un peu idiot. Ils auraient tous deux à combattre un hibou, et d'ailleurs, sa tâche à elle semblait bien plus ardue, le Grand Duc n'ayant visiblement pas la moindre envie que l'on s'approche de ses graines. Mais on pouvait aussi voir cela différemment. Elle avait envie de l'aider. Parce qu'il était plutôt gentil. Et apparemment, il souhaitait lui venir en aide aussi, alors autant faire d'une pierre deux coups. Non ?

Bref. N'attendant pas la réponse du garçon, elle s'avança vers le Hibou de Garde, retroussant ses manches et se donnant un air de petite guerrière. Il allait voir, le volatile. Ou plutôt, non. Avec un peu de chance, il ne verrait rien, et Emily s'en ressortirait sans trop de bleus ni de bosses. Se tournant un instant vers Ann, elle demanda.

« On ouvre les paris ? Lui ou moi ? »

[C'est peut être un peu bancal, parce que j'ai commencé par la fin en fait. Du coup, j'suis pas très sure de mon coup. Enfin au pire, tu m'dis et j'éditerai]

Invité

Que de noblesse et de verve dans la simple phrase qu’elle avait prise pour le défendre. Certes, elle ne connaissait probablement pas l’aura d’horreur que dégageait le Mangeur de Livre mais il y avait fort à parier que, quand bien même ce fusse le cas, Bouton D’Or ne se laisserait pas impressionner. C’était ici que l’épithète de Milady prenait tout son sens même si Ann l’aurait plus définie par un nom à la sonorité plus guerrière. Emily lui faisait penser à Jeanne d’Arc et personne n’avait jamais osé appeler la Pucelle d’Orléan Milady. Cela pensé, il ne valait mieux pas le dire. Après tout, Jehanne n’était pas forcément très appréciée de ce côté de la Manche.

Aussi, en désespoir de cause, le Preux Serdaigle s’inclina et passa à autre chose. Apprendre à se taire est également une marque de courage. Ou en tout cas, il voulait le croire parce que c’était peut-être là qu’il était le plus doué. Il ne pu toutefois s’empêcher de sourire en l’entendant critiquer Ryong. Le volatile était une plaie, aucun doute à ce sujet. Mais c’était son lot et il devait apprendre à vivre avec. N’avait-il pas demandé un hibou pour prouver son sens des réalités ? Certes, l’entreprise était vouée à l’échec depuis le début (la réalité n’avait jamais été sa tasse de thé, il trouvait l’imaginaire bien plus agréable) mais quel Chevalier renonçait devant l’adversité ? Aucun. Même pas lui.

« C’est entendu Milady, ainsi, nos deux missions seront achevées au mieux et il ne sera nul besoin de parler de notre arrangement. »

Et puis le hibou, on ne savait pourquoi, était toujours plus coulant avec les filles. Surtout celles qu’il n’avait pas encore arrosées de graines et autres objets contondants. Doucement, le jeune garçon prit la lettre de son amie, essuyant toute trace disgracieuse qu’il pouvait voir sur l’enveloppe et se mit en devoir de trouver un hibou coopératif. Il ne se souvenait plus si sa compagne de mission avait le sien et, comme elle n’avait pas précisé, il décida de se contenter d’un des fiers messagers de l’école. Un coup d’œil sur l’adresse. Le Pays de Galles. Hum. C’était… quelque part au Nord ça non ? Il devait donc faire froid, il faudrait un animal bien rembourré. Ses yeux tombèrent sur un gros volatile somnolant, les plumes ébouriffées comme les cheveux des damoiselles au levé du lit. La voix de la guerrière le tira de ses pensées.

« Toi évidemment. Jamais je n’aurais accepté que tu tentes ta chance si je ne t’en pensais pas capable. Je ne voudrais pas que tu te blesses. »

Il n’avait absolument pas pensé à cette éventualité d’ailleurs. Grand Duc n’avait pas l’air commode et, pour tout arranger, son perchoir n’était pas aussi près du sol que l’on aurait pu l’espérer.

« Mais...euh… fait attention quand même hein. Ce serait dommage de te faire mal et celui-là est vic… oh, j’ai une idée. »

C’était assez rare pour être notable. Ou plutôt, des idées il en avait eues…comme lancer des sorts de détection des pièges ou faire des jets de sauvegarde voir même préparer un sort de lévitation pour la rattraper, mais des idées qu’il pouvait réellement formuler sans passer pour un illuminé, là tout de suite cela devenait moins fréquent. Il posa sa main sur l’épaule de sa camarade.

« Laisse moi faire, tu vas voir. »

Ann le Preux s’avança alors vers son ennemi, le regardant droit dans les yeux. Grand Duc, sentant probablement la terrible menace bipédienne qui s’approchait de son territoire releva ses paupières, braquant son terrible regard ambré sur le semi-anglais. Ann baissa les yeux. Il n’était pas de taille mais Emily regardait. Il avança. C’était le moment d’avoir la classe.

« Hey du hibou ! »

Grand Duc cilla et gonfla ses plumes tandis que l’Escuyer luttait pour ne pas prendre ses jambes à son cou.

« Ouais, j’ai une lettre pour toi alors vient ! »

Il tendit le point vers l’avant, signe que tous les postiers sorciers connaissaient. Dans un fracas de tonnerre que n’aurait pas désavoué les canons de Bonaparte, l’ennemi déploya ses ailes, et s’envola. Mais, au lieu de se poser sagement sur le bras frèle de son « Maître », il se contenta de tourner paresseusement autour des jeunes héros. Enfin, au moins ELLE avait la voie libre.

Invité

Emily sourit, entendant Ann accepter son marché en reprenant le nom de Milady, qui avec son langage soutenu et un peu vieillot donnait un effet terrible à leur projet, et un vague air de grande mission. Rendre les corvées amusantes. Ann était visiblement plutôt doué pour ça, une chance qu'elle soit tombée sur lui (au sens propre comme au figuré, même si elle ne lui était pas tout à fait tombée « dessus »... Bref). Les manches retroussées sur ses coudes, ne dissimulant plus les quelques bleus et égratignures qui zébraient sa peau pâle, les cheveux noués à la va-vite pour ne pas la gêner et l'air pas farouche pour une noise, elle était prête à combattre et, foi de Galloise, le combat allait être spectaculaire. Elle ne se rendrait pas, sous aucun prétexte : la capitulation ne faisait pas partie de ses options. Mais elle n'eut pas le temps de montrer de quoi elle était capable que la voix d'Ann la tira de sa concentration guerrière, se souciant visiblement d'elle.

Mh ? Une idée ?

Emily hésita une seconde, ne quittant pas le rapace des yeux, et consentit à se retourner lorsque la main d'Ann, assez légère pour celle d'un garçon (ils vous tiraillaient toujours dans tous les sens dès qu'ils voulaient attirer l'attention, les andouilles), se posa sur son épaule. Un sourire confiant pour lui montrer qu'elle lui laissait le champ libre et lui accordait sa pleine confiance et la jeune fille se poussa un peu

« Courage Ann. Montre lui un peu. »

Le serdaigle avança vers le monstre, et Emily songea qu'il méritait bien son nom de Preux. Le face à face, embelli par son imagination débordante et sa propension à faire du moindre petit affrontement un grand combat, lui sembla intense et elle se surprit à murmurer de vagues encouragements à l'intention de son compagnon du moment. Le monstre gonflait ses plumes pour paraître plus féroce, et Emily retint un soupir effrayé lorsqu'il fit son premier mouvement, ne décollant même pas de son perchoir. Ann était immobile, et Emily s'efforça de ne noter aucune expression, aucun mouvement apeuré chez le sorcier. Il faisait preuve de courage, pas la peine de gâcher ça en notant ses quelques erreurs.

« Vas-y Ann. »

Un nouvel encouragement alors que le garçon provoquait de nouveau le volatile d'une voix qui se voulait assurée. Finalement, ce qui devait arriver arriva, et la petite blonde rit, ravie que le vacarme couvre son amusement. C'était presque un fiasco. Le hibou avait abandonné perchoir et mangeoire, certes, mais au lieu d'obéir totalement au garçon, il se contenta de tournoyer un peu au dessus de leur tête, et Emily recula d'un pas, butant contre l'épaule du jeune héros en tentant de s'éloigner de la boule de plumes et de serres. Sa main trouvant machinalement la sienne pour se rassurer, tout à coup moins fière, l'adolescente fixa le volatile.

« Oh. »

Oui, bon. Il fallait avouer qu'elle ne s'était pas tout à fait attendue à ça. Mais le combat n'était pas tout à fait perdu. Il lui fallut quelques instants pour trouver le plan qui avait déjà germé dans l'esprit d'Ann et aviser la mangeoire, et le bout d'enveloppe qui émergeait des graines, iceberg de papier dans une mer céréalière. Elle lâcha la main de son complice et profita du fait que le grand hibou n'avait pas le moindre intérêt pour elle pour s'extraire de son champ de vision, souhaitant beaucoup de courage à Ann et priant pour qu'il tienne jusqu'à ce que son méfait soit accompli.

Un oeil toujours posé sur les deux autres protagonistes de la petite guerre qui se déroulait dans la volière, vérifiant d'un vague regard qu'aucun autre volatile n'allait venir à la rescousse du grand duc, elle plongea la main dans les graines, récupérant l'enveloppe. Elle la montra à Ann avec un sourire victorieux, et avant qu'il n'ait le temps de bouger, balança une grosse poignée de graines sur le piaf qui se retourna contre elle, se détournant du même coup d'Ann. Avec un cri aigu et effrayé, elle se baissa d'un coup, ses bras protégeant ses cheveux qu'elle devinait être une proie de choix pour l'oiseau qui ne s'arrêta pas là. Furieux, il se précipita de nouveau sur elle, ajoutant quelques coupures sur ses avants bras. Au moins, elle avait la lettre d'Ann bien à l'abri dans sa poche. C'était toujours ça de pris

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