Me voir emprunter le chemin de la Bibliothèque n'était pas une chose rare mais je préférais, comme beaucoup de mes actions d'ailleurs, le faire discrètement. C'était peut-être étrange mais j'aimais pouvoir penser que si quelqu'un posait la question "Où donc est Reem?", personne n'en ait jamais la réponse. Envie d'être seule? Simple esprit de contradiction, plutôt.
Ce matin était déjà bien trop clair malgré l'heure matinale; le ciel était bleu clair et les rayons du soleil qui brillaient ostensiblement promettaient d'être présents toute l'après-midi. Comme je détestais cette période de l'année, ce printemps qui annonçait un été que je trouvais si désagréable! Moi, ce que j'aimais, c'était le vent froid qui vous cinglait le visage, alors que vous êtes bien emmitouflé dans vos chauds habits; c'était les ciels tourmentés et les nuages gris, c'était la pluie et la neige et la sensation de fraîcheur lorsqu'elles tombaient sur ma peau. Pas comme les rayons du soleil! Non seulement je n'aimais pas forcément la chaleur - j'avais tout de suite l'impression d'étouffer - mais en plus, rien que de penser que ma peau pouvait rougir ou foncer à cause du soleil me dégoutait. Vraiment, l'Hiver était la meilleure des saisons.
On était samedi, ce qui impliquait que les élèves de Poudlard n'avaient pas cours. Tant mieux. J'étais juste vêtue d'une simple robe verte foncé, courte, de collants et de mes petits talons, je ne portais pas mon uniforme par dessus car c'était le week-end. Autant en profiter! Ce matin je m'étais levée tôt, avec la satisfaction d'avoir bien et assez longtemps dormi, ce qui n'était pas de trop. En me pomponnant devant le miroir, j'avais jubilé: je me sentais merveilleusement bien. Pas fatiguée, pas handicapée par ma santé aléatoire, j'étais reposée et pleine d'énergie et je ne demandais qu'à agir. C'est pourquoi je me dirigeais vers la Bibliothèque. Pas vraiment pour étudier, en fait...
Le lavage de cerveau que nous subissions à Poudlard, non seulement à cause de l'inefficacité de certains courts mais aussi à cause de la personne de Dolores Ombrage, éveillait des sentiments contraires chez moi, de révolte et de questions. Comme les questions sans réponse n'étaient pas mon truc, j'allais prendre les choses en main. Ce n'était pas bien difficile de fureter dans la bibliothèque...
Bien sûr, je savais comme beaucoup d'entre nous, l'histoire contemporaine de notre communauté de sorciers. Je savais en gros le récit de la montée de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, les périodes de troubles, les Mangemorts, l'Ordre du Phénix, etc. Mon père me parlait souvent de ce qui se passait dans notre monde, il estimait que même une enfant devait être au courant, sinon cela ne favorisait pas l'éveil de l'esprit. Certes. Sauf que de notre grand manoir, tout cela était un peu lointain. Je connaissais l'histoire mais je ne ma la figurais pas réellement; comment elle avait été vécue, etc.
J'entrais dans la vaste bibliothèque, pièce un peu trop aérée à mon goût - je préférais l'intimité des cachots. Sans un mot ou un regard vers quiconque, je me dirigeais fièrement vers le fond, accompagnée du petit "clac, clac" de mes talons. J'allai directement vers le rayon Histoire. Là, je passai un bout de temps à passer mon doigt sur la couverture des livres en lisant les titres les uns après les autres. Pas celui là, non, celui-là non plus, non... Je finissais par me demander si ce que je cherchais à lire n'était pas un peu trop...interdit. Mais, finalement, un ouvrage attira mon attention: "Naissance et Vie d'un Mage Noir", par un illustre inconnu. Je lus le quatrième de couverture: c'était bien une biographie de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom; pas assez flatteuse pour qu'on l'interdise. Bon. Autant commencer par cela. Sans plus tarder, j'allai lentement m'installer dans un pouf loin de la fenêtre, dans un coin plutôt sombre.
A peine eus-je commencé ma lecture - un peu inintéressante pour le moment - que j'entendis des pas qui venaient vers moi et même tout à côté de là où j'étais assise. Je souris froidement, amusée: j'étais dans l'ombre et je ne bougeais pas car je lisais, on ne m'avait pas vue. Alors que j'essayai nonchalamment de détailler l'élève en question, je reconnus non sans mal Hermione Granger, l'un rats de bibliothèque les plus connus de ce monde. Rien de bien étonnant à ce qu'elle soit aussi. Je réfléchissais à quelle farce cruelle je pouvais bien lui faire quand, du haut de l'étagère, un livre me tomba dessus. Sans mal bien évidemment mais c'était de la faute de la Gryffondor et je m'exclamai d'un ton glacial en articulant bien chaque mot:
- Je te croyais plus habile avec les livres... C'est trop te demander que de faire attention?
Je levai la tête pour la fusiller du regard; pour la glacer de mon regard bleu électrique pour être plus précise. Pas question que je me lève, elle ne le méritait pas. Machinalement, en parlant, j'avais refermé le livre sur ma main et la couverture sur mes genoux attirait ostensiblement l'œil: "Naissance et Vie d'un Mage Noir". Ajouté au fait que j'étais à Serpentard, j'imaginais déjà la pauvre petite Gryffondor apeurée partir en hurlant... Comme les gens pouvaient être stupides... N'avait-on pas le droit de s'instruire?
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